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sébastien cagnoli

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2025 : parution du roman Paula, d'Ann-Christin Antell, chez Hachette.

2025 : parution du Livre rouge des ruptures, de Pirkko Saisio, chez Robert Laffont.

11/2024 : festival Les Boréales (Caen), avec Sofi Oksanen, Petra Rautiainen, Pirkko Saisio et Niillas Holmberg.

09/2024 : parution du roman Martta, d'Ann-Christin Antell, chez Hachette.

09/2024 : parution d'un roman d'Iida Turpeinen aux éditions Autrement.
09/2024 : parution d'À contre-jour, de Pirkko Saisio, chez Robert Laffont.

18/05/2024 : lecture concertante autour d'Espars (Citadelle Saint-Elme, Villefranche-sur-Mer).

02-03/05/2024 : représentations de Vincent River de Philip Ridley à Asnières (Compagnie SansElixir).

10/04/2024 : parution du roman Jenny, d'Ann-Christin Antell, chez Hachette (1er volume de la trilogie Trois femmes de la Baltique).

03/2024 : parution en CD du cycle Les sots et les sages, d'Henri-Claude Fantapié (notamment sur des textes d'Uuno Kailas), par Sophie Pattey et Marie-Christine Marella, chez Chanteloup Musique.

20/03/2024 : lecture concertante autour d'Espars (Cannes).

18/03/2024 : rencontre autour des mammifères marins dans les romans de Petra Rautiainen et d'Iida Turpeinen ainsi que dans Espars, à l'initiative de la Rivieran Suomi-seura (Nice).
15/03/2024 : réédition d'Un pays de neige et de cendres, de Petra Rautiainen, chez Points.

15/03/2024 : parution de La mémoire des mers, roman de Petra Rautiainen, au Seuil.

03-05/2024 : représentations de Vincent River de Philip Ridley à Paris (nouvelle production, La Porteuse d'Eau).

23-25/02/2024 : représentations de Vincent River de Philip Ridley à Paris (nouvelle production, Compagnie SansElixir).

16/02/2024 : parution de La femme grenouille, roman de Niillas Holmberg, au Seuil.

11/01/2024 : parution du Plus petit dénominateur commun, de Pirkko Saisio, chez Robert Laffont.

02/12/2023 : mercat leterari de Calèna (Nissa).
25-26/11/2023 : salon du livre des Essarts-le-Roi (Yvelines).
11/2023 : parution en avant-première de Lazaret, poème épique en mètre irrationnel, à Nice.

10/11/2023 : lecture concertante autour d'Espars (Nice).

08/11/2023 : parution de Deux fois dans le même fleuve, essai de Sofi Oksanen, chez Stock.

02-03/11/2023 : "Luovus" de Niillas Holmberg avec l'orchestre du Centre national des Arts (Ottawa).
28-29/10/2023 : salon du livre à Colmars.
24/10/2023 : Les sots et les sages, cycle de mélodies trilingue d'Henri-Claude Fantapié (notamment sur des textes d'Uuno Kailas), par Sophie Pattey et Marie-Christine Marella, à L'Accord Parfait (Paris 18e).
30/09/2023 : remise du prix Méditerranée "poésie" pour Espars à Perpignan.
23/08/2023 : réédition de Sans toucher terre, d'Antti Rönkä, chez Rivages Poche.

12/08/2023 : extraits d'Espars (lecture concertante) en la chapelle Notre-Dame de la Menour (Moulinet).
07/2023 : festival littéraire à Lectoure (Gers) sur le thème du Grand Nord (poésie komie et décolonialisme same).

06/2023 : réédition d'Une soirée de toute cruauté, de Karo Hämäläinen, chez Babel noir.

06/2023 : parution d'Elisabet, poèmes de Miki Liukkonen, au Castor Astral.

04/2023 : Prix Méditerranée poésie 2023 pour Espars.
03/2023 : parution d'Espars, poème épique en mètre irrationnel, aux éditions du Ver à Soie, avec des illustrations originales d'Elza Lacotte.

03/2023 : parution de Racines, recueil de poèmes en mètre irrationnel, à Nice.

02/2023 : réédition du Parc à chiens, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.

10/2022 : représentations de Purge de Sofi Oksanen à Bordeaux, par la compagnie Le Meilleur des Mondes.
09-10/2022 : Festival Vo-Vf, Paris et Gif-sur-Yvette.
09/2022 : parution de l'article "Luiza Potolycina et son mari – L’œuvre komie d’Aleksandr Rekemčuk" dans la revue Études finno-ougriennes.
04/2022 : parution du Vocalisateur ébaubi à Nice.

03/2022 : mise en ligne des matériaux du colloque international Théâtre en langue minorée (Nice, février 2014).
03/2022 : représentations de Vincent River de Philip Ridley à Bertrix (Luxembourg belge).

03/2022 : tribune de Sofi Oksanen sur la finlandisation dans Le Monde.
03/2022 : parution du roman Un pays de neige et de cendres, de Petra Rautiainen, au Seuil.

03/2022 : à l'occasion de la présidence française de l’UE, parution d'un article de Sofi Oksanen dans le recueil collectif Le Grand Tour (Grasset).
02/2022 : Lo Peolh Revengut, edicion promiera.
02/2022 : à l'occasion du Printemps des Poètes, présentation d'Espars dans l'anthologie Là où dansent les éphémères (Le Castor Astral).
11/2021 : Les sots et les sages, cycle de mélodies trilingue d'Henri-Claude Fantapié (notamment sur des textes d'Uuno Kailas), par Sophie Pattey et Marie-Christine Marella à L'Accord Parfait (Paris 18e).
10/2021 : reprise de Purge de Sofi Oksanen par la compagnie Le Meilleur des Mondes.
10/2021 : parution d'un poème d'Aaro Hellaakoski en exergue d'un ouvrage de Pentti Sammallahti, aux éd. Xavier Barral.
10/2021 : un épisode de la série H24 écrit par Sofi Oksanen ; diffusion sur Arte et parution en recueil collectif chez Actes Sud.
07/2021 : parution d'une anthologie de poésie komie, en collaboration avec Yves Avril, aux éd. Paradigme.

07/2021 : création d'Innocence, opéra de Kaija Saariaho sur un livret de Sofi Oksanen & Aleksi Barrière, au festival d'Aix-en-Provence ; diffusion sur Arte Concert.

05/2021 : réédition au Livre de Poche du recueil d'Ursula K. Le Guin Aux douze vents du monde, avec en exergue le poème d'AE Housman duquel il tire son titre.
04/2021 : rencontre avec Miki Liukkonen à l'initiative de l'Ambassade de Finlande à Paris.
04/2021 : représentations de Vincent River de Philip Ridley à Bertrix (Luxembourg belge). (reporté)
04/2021 : Une jupe trop courte de Sofi Oksanen @ Points Poésie.

04/2021 : Le parc à chiens de Sofi Oksanen @ Stock.

03/2021 : "La reconciliacion pantaiada", analyse de tableau @ Cultura Viva.
03/2021 : chronique hebdomadaire sur Cultures Sauvages.
01/2021 : réédition de Sœurs de cœur, de Salla Simukka, au Livre de Poche.

01/2021 : parution d'Espars, poème épique en mètre irrationnel, à Nice.

01/2021 : parution du roman O, de Miki Liukkonen, au Castor Astral.

01/2021 : parution du roman Sans toucher terre, d'Antti Rönkä, aux éd. Rivages.

12/2020 : "Jeff d'en Bellet", chronique sur Thomas Jefferson @ Cultura Viva.
11/2020 : Démocratie au temps du choléra : Herzen et Garibaldi à Nice autour de 1848, conférence-concert avec Nadia Metlov & Hélène Grabowska-Metlov à la bibliothèque Louis-Nucéra, Nice en ligne.

11/2020 : lecture de poèmes de Caj Westerberg dans le cadre de l'expo Sammallahti.
10/2020 : présentation de l'Anthologie de la poésie komie à Syktyvkar ("Journée des peuples finno-ougriens", Bibliothèque nationale de Komi).
09/2020-05/2021 : exposition de poèmes de Caj Westerberg à Nice (musée Charles Negre, expo Miniatures de Pentti Sammallahti).
08/2020 : Congressus XIII Internationalis Fenno-Ugristarum, Universität Wien. (reporté)
07/2020 : création d'Innocence, opéra de Kaija Saariaho sur un livret original de Sofi Oksanen, au festival d'Aix-en-Provence. (reporté)

08/2020 : parution d'un poème d'AE Housman dans le roman graphique L'accident de chasse (Carlson & Blair, éd. Sonatine ; prix Ouest-France-Quai des bulles 2020 ; fauve d'or au festival d'Angoulême 2021 ; grand prix des lectrices de Elle 2021).
05/2020 : collaboration à la revue Books à propos de l'actualité littéraire finlandaise.
03/2020 : 1er prix ex-æquo au concours de traduction poétique organisé par l’Inalco et l’Ambassade d’Estonie.
03/2020 : représentations de Purge, de Sofi Oksanen, à Angoulême (compagnie Le Meilleur des Mondes).

02/2020 : concerts à Neuchâtel, avec des poèmes d'AE Housman.
02/2020 : parution du roman Le papillon de nuit, de Katja Kettu, chez Actes Sud.

11/2019 : réédition de Ils ne savent pas ce qu'ils font, de Jussi Valtonen, au Livre de Poche.

11/2019 : Conférence sur les langues autochtones de l’Europe, Institut finlandais & Inalco, Paris.
10/2019 : parution de "Ni scandinaves, ni slaves : des voix originales d'Europe du Nord", préface à Ma muse n’est pas à vendre, poèmes d'Ivan Kouratov choisis et traduits par Yves Avril, éd. Paradigme.
08/2019 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi dans le cadre du 15e Congrès des littératures finno-ougriennes, Kolozsvár, Roumanie.
05/2019 : parution d'Une soirée de toute cruauté, de Karo Hämäläinen, chez Actes Sud (coll. Actes noirs).

03/2019 : réédition en Folio du roman d'Anna Hope La salle de bal, avec des vers d'AE Housman.
03/2019 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi à Genève.
02/2019 : réédition au Livre de Poche du roman de Kate Atkinson L'homme est un dieu en ruine, avec des vers d'AE Housman.
01/2019 : parution de Sœurs de cœur, de Salla Simukka, chez Hachette.

12/2018 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi à Paris.
11/2018 : lecture publique de la pièce Purge de Sofi Oksanen à Cognac.
11/2018 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi à Nice, à Moscou et en République de Komi (Syktyvkar et région de Körtkerös).
08/2018 : parution de Lever de rideau sur le pays komi, L'Harmattan & Adéfo, coll. "Bibliothèque finno-ougrienne".

05/2018 : parution d'un poème d'AE Housman en exergue du recueil d'Ursula K. Le Guin Aux douze vents du monde (Le Bélial'), qui en tire son titre.
05/2018 : réédition de Norma, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.

05/2018 : parution d'un article de Sofi Oksanen au Nouveau Magazine Littéraire, mai 2018.
03-04/2018 : représentations de Vincent River de Philip Ridley au Théâtre Ouvert Luxembourg.

01/2018 : Cent ans de musique et de poésie entre Nice et Finlande, concert-lecture autour d’Armas Launis et d’Uuno Kailas, Nice, bibliothèque Louis-Nucéra.

11/2017 : "L’imaginaire national finlandais à l’épreuve du centenaire - Un regard du XXIe siècle sur la poésie patriotique d’Uuno Kailas", dans le cadre du colloque Révolutions russes ; images et imaginaire en Russie et en France, Nice.
11/2017 : lecture d'extraits de la pièce Purge de Sofi Oksanen au Théâtre de l'Atalante (Paris) dans le cadre des rencontres Traduire - Transmettre.
10/2017-01/2018 : reprise des Cornes d'Alexeï Popov au Théâtre de l'Impasse (+ en tournée le 07/10 à Saint-André, le 27/10 à Falicon, les 13-14/01 à Vence).

09/2017 : réédition de Norma de Sofi Oksanen en grands caractères (éd. Voir de Près).

08/2017 : parution de l'article "Une comédie komie – Adaptations et mises en scène niçoises d'un théâtre minoritaire de Russie", dans la revue bretonne Klask, n° 11.
08/2017 : "Are Finns ashamed of their independence? - A 21st century look at Uuno Kailas’ patriotic poetry", dans le cadre du 14e Congrès des littératures finno-ougriennes, Tartu, Musée national d'Estonie.
08/2017 : "Garibaldi und Nizza – ein Epos zwischen Frankreich und Italien", dans le cadre du 4e colloque de la Garibaldi Gesellschaft, Kirchberg, Sachsen.
06/2017 : parution de vers d'AE Housman dans le roman d'Anna Hope La salle de bal (Gallimard).
06/2017 : représentations des Cornes d'Alexeï Popov à Châteauneuf-Villevieille.
04/2017 : représentations des Cornes d'Alexeï Popov (Nice, Théâtre de l'Impasse).

03/2017 : parution de Norma, de Sofi Oksanen, chez Stock.

01/2017 : parution de vers d'AE Housman dans le roman de Kate Atkinson L'homme est un dieu en ruine (JC Lattès).
01/2017 : parution de Ils ne savent pas ce qu'ils font, de Jussi Valtonen, chez Fayard.

12/2016 : "Une comédie komie – Adaptations et mises en scène niçoises d'un théâtre minoritaire de Russie", dans le cadre d'une journée d'étude à l'université Rennes 2.
08/2016 : parution du Récif, de Seita Vuorela-Parkkola, chez Actes Sud Junior.

08/2016 : expo sur le pays komi dans les livres étrangers, Bibliothèque nationale de la République de Komi, Syktyvkar.
06/2016 : réédition des Chants des forêts de Nikolai Abramov à la Bibliothèque nationale de la République de Carélie.

05/2016 : réédition du recueil Les Komis – Questions d'histoire et de culture aux Presses de l'Inalco.

01/2016 : présentation de Uuno Kailas de Heinola à Nice au Centre de Documentation Provençale (Bollène).
11/2015 : parution de Noir comme l'ébène, de Salla Simukka, chez Hachette et au Livre de Poche.

10/2015 : Uuno Kailas de Heinola à Nice – Cent ans de musique et de poésie entre Nice et Finlande, concert-lecture à Helsinki.

10/2015 : Sofi Oksanen à Nice, rencontre avec Sofi Oksanen et Miquèu de Carabatta à Helsinki autour de Quora despareissèron lu colombs.
09/2015 : première de la pièce d'Alexeï Popov Les cornes par la compagnie La Chance du Débutant (au Théâtre National Komi, Syktyvkar).
09/2015 : réédition de Baby Jane, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.

09-12/2015 : résidence de traduction à l'HCAS (Helsinki).
05/2015 : parution de Blanc comme la neige, de Salla Simukka, chez Hachette et au Livre de Poche.

03/2015 : parution du poème de Nina Obrezkova "Un jour tu rentreras chez toi", à Syktyvkar (brochure réunissant des traductions du même texte dans 14 langues différentes).
03/2015 : Destination Russie (Châtenay-Malabry), festival consacré à la République de Komi, à l'initiative de l'association MIR Franco-Russe.
02/2015 : présentation des Colombs à Aix-en-Provence.
01/2015 : réédition en Points Seuil du roman de Sam Millar Les chiens de Belfast, avec des vers d'AE Housman.
01/2015 : parution de l'article "La parenté finno-ougrienne dans la littérature komie : héritage commun ou influences récentes ?" dans la revue Études finno-ougriennes.
12/2014 : 1é mercat leterari de Calèna (Nice)
11/2014 : parution de Rouge comme le sang, de Salla Simukka, chez Hachette et au Livre de Poche.

09/2014-01/2015 : exposition de travaux généalogiques et historiques à Nice (musée Masséna, expo La marqueterie niçoise).
06/2014 : réédition en Point Seuil du recueil de nouvelles d'Alice Munro Trop de bonheur, avec des vers d'AE Housman.
05/2014 : parution de Baby Jane, de Sofi Oksanen, chez Stock.

04/2014 : réédition de Quand les colombes disparurent, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.

03/2014 : parution de La Sage-femme, de Katja Kettu, chez Actes Sud.

03/2014 : parution (en russe) d'une interview, de la nouvelle Le mur et de l'article "M.N. Lebedev et la satire politique du monde contemporain" dans la revue Арт.
02/2014 : Semaine komie à Nice.
01/2014 : parution de vers d'AE Housman dans le roman de Sam Millar Les chiens de Belfast (Seuil).
12/2013 : "Quora despareissèron lu colombs: translating a Finnish bestseller to a minority language of France" (Université de Helsinki, colloque Language revitalization in a Russian and European context: Exploring solutions for minority language maintenance).
11/2013 : présentation des Colombs en Iamal (Salekhard, 12e Congrès des littératures finno-ougriennes).
11/2013 : "Кыдзи вуджöдiсны Савинлысь гижöдъяссö" ["Traduire Savine"] (Académie des Sciences de Russie, Syktyvkar, colloque Savine).
11/2013 : "Entre Savoie et Romanov : la famille niçoise Michaud de Beauretour – Une synthèse complétée par des données inédites" (Beaulieu-sur-Mer, colloque Romanov).
06/10/2013 : présentation des Colombs au Festival du Livre de Mouans-Sartoux.
09/2013 : "The role of drama in the construction of national identities in the Ural-Volga area, through examples of Finno-Ugric interaction" (colloque "Oural-Volga", Samara).
08/2013 : présentation des Colombs à Annot.
06/2013 : parution de "La langue marie au théâtre et à l'opéra – Survol d'un genre littéraire prolifique" dans le volume collectif Les Maris – Un peuple finno-ougrien de Russie centrale.
01/06/2013 : lecture et table ronde avec Joni Pyysalo (Nuit de la Littérature, Paris).
22/05/2013 : présentation des Colombs à Contes.
05/2013 : parution de Quand les colombes disparurent, de b>Sofi Oksanen, chez Stock.

02/05/2013 : rencontres avec Sofi Oksanen au lycée Calmette, à la bibliothèque Louis Nucéra et à la librairie Jean Jaurès (Nice).
04/2013 : parution de vers d'AE Housman dans le recueil de nouvelles d'Alice Munro Trop de bonheur (L'Olivier).
04/2013 : parution de Quora despareissèron lu colombs, de Sofi Oksanen, à l'IEO.

04/2013 : réédition des Vaches de Staline, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.
03/2013 : première de la pièce Purge à Fontenay-sous-Bois.
03/2013 : interventions en Maths spé (Eucalyptus) et à la fac de lettres (Université de Nice).
02/2013 : parution de Sondage au pif, de Mikko Rimminen, chez Actes Sud.
12/2012 : projection d'Uzy-Bory (Les Fraises) à l'Inalco, Paris.
12/2012 : "Les trois âges du cinéma oudmourte", dans le cadre des Journées oudmourtes (quatrièmes journées finno-ougriennes de l'Adéfo)
11/2012 : colloque "Guerres et paix", Nice.
10/2012 : semaine de la langue et des lettres russes à Nice (MUSEAAV).
10/2012 : "Littérature sans frontière", île de Ré.
10/2012 : "M.N. Lebedev et la satire politique du monde contemporain" (colloque M.N. Lebedev, Körtkerös, Komi).
06/2012 : congrès international des traducteurs de littérature finlandaise à Helsinki.
05/2012 : Vincent River à Riedisheim.
04/2012 : Vincent River à Liège.
04/2012 : rencontre avec les lecteurs à Lons-le-Saunier et Arinthod (Jura).
03/2012 : lecture bilingue de poèmes komis à la Bibliothèque nationale de Komi, Syktyvkar.
03/2012 : colloque Dialectes décisifs, langues prototypiques, Sorbonne Nouvelle.
02/2012 : parution de bonus sur le site de Sofi Oksanen au Livre de Poche.
02/2012 : réédition de Purge, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.
2011 : parution de "Билингвизм в коми и нисартском театрах: Нёбдiнса Виттор и Франсис Гаг" dans des volumes collectifs à Syktyvkar et à Saransk.
11/2011 : lecture de poèmes de Nikolai Abramov dans le cadre des Journées fenniques (troisièmes journées finno-ougriennes de l'Adéfo).
11/2011 : parution des Chants des forêts, de Nikolai Abramov, traduits du vepse (éd. Adéfo).
10/2011 : parution de "Mises en scène d’une identité non slave de Russie : le théâtre komi dans un monde russe en mutation" // Revue russe, n° 36.
10/2011 : parution de "Les nouveaux héros nationaux dans le théâtre komi post-soviétique" // Slovo, n° 36.
09/2011 : parution des Vaches de Staline, de Sofi Oksanen, traduit du finnois (éd. Stock).
22/05/2011 : représentation de Ode à l'amour, spectacle de Vihtori Rämä et Tuukka Vasama sur des poèmes de Tuomas Timonen (en finnois avec sous-titres), au Festival "Printemps d'Europe", Lyon.
05/2011 : "Il faut partir pour Paris", de Sofi Oksanen, in Paris en Cosmopolite, Stock (hors commerce).
25/03/2011 : "La parenté finno-ougrienne dans la littérature komie : héritage commun ou influences récentes ?" (colloque Littératures finno-ougriennes : regards croisés, Institut Finlandais, Paris).
17-19/03/2011 : Salon du livre, Paris (manifestations à l'Institut suédois et à la Médiathèque de Boulogne-Billancourt).
03/2011 : parution de L'amour du lion berbère, de Daniel Katz, traduit du finnois (éd. Gaïa).
10/02/2011 : projection de Of Time and the City, de Terence Davies, au Forum des Images, Paris (sous-titré de l'anglais en collaboration avec Emmanuel Denizot).
09/02/2011 : "Observations sur le bilinguisme dans les théâtres komi et niçois – L’exemple de Ńobdinsa Vittor et Francis Gag" (Colloque de l'Université de Syktyvkar).
01/2011 : parution de "Kuratov de Serge Noskov – Écrire un opéra national au XXIe siècle" (avec Henri-Claude Fantapié) // Études finno-ougriennes, n° 42.
01/2011 : parution de Ńobdinsa Vittor et Francis Gag – Le théâtre au service de la langue (éd. Serre).
01/2011 : Purge, de Sofi Oksanen : parution du livre audio chez Audiolib, lu par Marianne Épin.
25/11/2010 : "Ilľa Vaś and Komi legends" (Colloque "В.И. Лыткин: грани наследия", Université de Syktyvkar).
11/2010 : parution de Kört Aïka et autres légendes komies, poèmes épiques traduits du komi (éd. Adéfo).
11/2010 : "La langue marie au théâtre et à l'opéra", à l'Institut hongrois de Paris, dans le cadre des Journées maries (deuxièmes journées finno-ougriennes de l'Adéfo).
11/2010 : Prix Femina étranger 2010 attribué à Purge, de Sofi Oksanen.
10/2010 : "Mises en scène d’une identité non slave de Russie : le théâtre komi dans un monde russe en mutation" (Normale Sup Lyon).
08/2010 : parution de Purge, de Sofi Oksanen, traduit du finnois (éd. Stock). Prix du roman Fnac 2010.

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— introduction —

                          « All the world’s a stage,
And all the men and women merely players. »

Shakespeare, As you like it, II, vii.

 

… daher liegt das Außer uns, wohin wir, auf Anlaß der Gesichtsempfindung, Gegenstände versetzen, selbst innerhalb unsers Kopfes: denn da ist sein ganzer Schauplatz. Ungefähr wie wir im Theater Berge, Wald und Meer sehn, aber doch Alles im Hause bleibt.

Schopenhauer, Die Welt als Wille und Vorstellung, II, 2.

 

Toutes les cérémonies de la vie quotidienne, de la vie religieuse, de la vie sociale, de la vie politique, sont des représentations théâtrales dans le sens le plus large.

Si les adultes, dans les fauteuils ou sur les bancs, se contentent de verser discrètement quelques larmes ou de rire aux éclats, il suffit d’assister à un spectacle destiné aux enfants pour constater que l’action représentée sur la scène produit rigoureusement les mêmes effets que la vie « réelle » : les enfants parlent avec les per­sonnages, et ont même tendance à vouloir monter sur la scène pour participer physiquement à l’action. Ce comportement « enfantin », que les adultes ne font que réprimer par un souci de bienséance inculqué par l’éducation, montre bien que le théâtre, comme la vie sociale et comme les rêves, est un monde de conventions et de représentations où s’exprime pleinement l’être humain, consciem­ment et inconsciemment. La différence repose sur deux para­mètres : la nature des conventions, et la conscience qu’on a de s’y soumettre.

En tant que créature « sociale », je suis moi-même amené à jouer toutes sortes de rôles ; je vis ma vie à la fois comme acteur et comme spectateur, et je me demande quelles surprises me réserve le prochain acte. Les travaux de recherche dont les fruits sont ré­unis dans le présent ouvrage s’appuient sur ce constat. L’étude du théâtre est un prétexte pour étudier une réalité humaine et sociale.

La vie est faite de mises en scène, et sa théâtralisation est particu­lièrement frappante en Russie. À l’époque soviétique, la stigmatisation du reli­gieux et de l’irrationnel a donné lieu à une sacralisation de la vie civile (personnelle et professionnelle) et militaire au moyen de cérémonies en tous genres – anniversaires, décorations, commé­mo­rations… – ainsi qu’à une aug­mentation des observations de phénomènes paranormaux. Ces habitudes ne se sont pas perdues, et d’autres jeux viennent les compléter au gré de l’évolution du monde.

En outre, lorsqu’on voyage, le regard d’étranger (innocent, « enfantin ») qu’on porte sur toutes choses est frappé par les traits culturels qui passent inaperçus localement mais qui apparaissent comme exotiques ou inattendus au visiteur. Lors de mes séjours en pays komi ainsi que n’importe où ailleurs, le théâtre n’est pas seulement sur la scène d’un édifice à vocation culturelle. Il est partout : dans les musées, ou le passé est mis en scène ; dans les écoles, où les cours de langue sont des jeux de rôle ; dans la rue, où cha­cun s’habille et se comporte conformément à son rôle (la femme, l’homme, la vieille dame, le policier…) ; au travail, où chacun joue le rôle qui convient à son statut hiérarchique ; dans la vie politique, bien sûr (j’ai eu le loisir d’assister à une campagne élec­torale) ; dans le monde du journalisme et de la communication, où il s’agit de mettre en scène l’actualité ; etc. Seuls les plus jeunes en­fants se comportent peut-être en simples spectateurs émer­veillés ; mais dès les premières années d’école, chacun est obligé de jouer sérieusement son rôle – si possible, celui du bon élève.

Dans ces études, je me suis concentré sur le théâtre littéraire, c’est-à-dire sur des textes de forme dramatique : toute œuvre litté­raire fournissant des règles de conduite à des acteurs susceptibles d’en incarner les personnages devant un public. Les textes peuvent être manuscrits, imprimés (destinés à être lus ou joués) ou repré­sen­tés sur scène (destinés à être vus et entendus). Cela inclut donc les pièces conçues pour la scène (comédies, tragédies, drames…) ainsi que les films[1] ; en marge de ce répertoire, j’ai pris en compte le registre lyrique (il y a tout un continuum de théâtre musical entre le théâtre strictement parlé et le théâtre strictement chanté, en pas­sant par l’opéra, l’opérette et le musical) et le ballet (théâtre sans paroles, mais avec un argument). Si je peux assister aujourd’hui à des spec­tacles ou voir des captations vidéo, je profite de ces ex­pé­riences extrêmement utiles, mais mon matériau prioritaire reste le texte, seul support qui permette une approche historique et littéraire continue du xixe siècle à nos jours.

Ce répertoire, considéré dans sa totalité, devrait donc donner des idées de la société (images de la vie réelles qui transparaissent du texte sur la scène, de façon consciente ou inconsciente) et de ses représentations (images que l’auteur, l’État ou le peuple lui-même veulent donner de la société, consciemment ou inconsciem­ment[2]).

En somme, il s’agit de se tenir quelque part au balcon et d’observer la société komie des deux côtés du quatrième mur.

Un vecteur de la langue et un miroir de la société

Le théâtre est une activité qui peut être mise en œuvre quels que soient les moyens dont on dispose. Selon les ressources de la pro­duc­tion et le professionnalisme des intervenants, les représenta­tions peuvent prendre des formes très variées, et atteindre un public plus ou moins nombreux et diversifié : entre une représentation bé­névole dans une salle polyvalente de village et la tournée mondiale d’une troupe professionnelle de quarante personnes, toutes les formes sont possibles. Du point de vue du spectateur, le théâtre est l’un des genres les plus accessibles puisque le texte y est dit (pas besoin de lire) et joué (pas besoin de visualiser)[3].

Mais si la littérature est un moyen, en l’occurrence, elle n’est certai­nement pas la finalité de mes travaux : mon objectif est bien de faire des observations sur la société. La littérature est un vecteur de la langue et un miroir de la société – par ce qu’elle raconte, certes, mais plus encore par son histoire, par la façon dont elle voit le jour et se développe, par comment et pourquoi elle raconte ou ne raconte pas.

Quant au théâtre, son histoire est indissociable de celle de la musique, des arts plastiques et des arts de la scène : c’est intrin­sè­que­ment le genre littéraire le plus vivant, et le plus public – du moins dans un pays comme celui que j’étudie, où il n’existe pas de production cinématographique locale. C’est même le seul genre littéraire universel : la totalité des locuteurs de la langue (en l’occurrence, la langue komie) 1) sont des spectateurs potentiels et 2) peuvent se reconnaître dans les personnages représentés, voire s’y identifier. Ce n’est pas le cas des autres genres, qui sont gé­né­ra­le­ment réservés aux gens qui savent lire. Le théâtre doit cette universalité au fait qu’il ait la possibilité de s’adresser à plusieurs sens : au minimum, l’ouïe et la vue[4]. La poésie peut être dite, dé­clamée, chantée, mais elle n’est pas visuelle ; si elle le devient, elle devient du théâtre[5].

Dans une pièce de théâtre, il y a toujours une part d’imaginaire et une part de réel : entre les deux, toutes les proportions sont pos­sibles. La part de réel, volontaire ou non, illustre une société, une communauté dans laquelle l’auteur, les acteurs ou les spec­ta­teurs se reconnaissent. Là encore, entre le conscient et l’inconscient, toutes les proportions sont possibles.

Komi ? Qu’es aquò ?

C’est par le biais de la musique – plus précisément, de la mu­sique vocale et de l’opéra – que je suis tombé dans la marmite des langues finno-ougriennes (Sibelius et Sallinen, Tubin et Tormis…). À partir du finnois et de l’estonien, je me suis laissé séduire par les autres langues de la famille.

Les langues finno-ougriennes sont parlées dans le nord de l’Europe et de l’Asie, de la mer Baltique à la Sibérie (ainsi qu’en Europe centrale : Hongrie et environs). La langue qui nous inté­resse ici est le komi. Après le hongrois, le komi est la deuxième langue de la famille à avoir franchi le cap de l’écriture, dès le xive siècle. C’est une date toute symbolique, certes, étant entendu que les textes médiévaux avaient un objectif strictement religieux et politique (croisades russes visant à conquérir les territoires jus­qu’alors sous domination de Novgorod), sans aucune ambition lit­té­raire, et que l’écriture moderne, qui a ouvert la voie à la litté­ra­ture « savante », n’a vu le jour que vers le xixe siècle. Néanmoins, l’ancienneté de l’écriture komie confère à ce peuple finno-ougrien un statut à part au sein de sa famille linguistique.

En principe, mon approche est finno-ougrienne, et c’est dans ce cadre que se sont inscrites mes recherches universitaires. À partir du finnois, le voyage intellectuel et matériel dans lequel j’étais lancé sans le savoir m’a conduit auprès des peuples non russes de Russie. La langue komie s’est imposée par le hasard des matériaux disponibles et par une certaine proximité géo­gra­phique avec les pays de la Baltique (l’Europe du Nord).

Le komi est une langue littéraire depuis le xixe siècle : la pre­mière génération d’écrivains est celle des humanistes Pëtr Kločkov (1831-1853), Vasilij Kuratov (1820-1862) et son frère Ivan (1839-1875), ainsi que Georgij Lytkin (1835-1907), qui ont étudié la langue komie (« zyriène »), récolté des vers populaires, et esquissé une poésie littéraire originale de style national-romantique. C’est Ivan Kuratov que la postérité a retenu comme « fondateur de la lit­té­rature komie » et érigé en héros national. Leurs expériences lit­té­raires, de leur vivant, sont restées en grande partie confidentielles ; c’est surtout au début du xxe siècle que les finno-ougristes ont ex­humé et glorifié l’œuvre de ces pionniers, qui va servir d’exemple pour les générations suivantes.

La littérature en langue komie s’est épanouie de façon spec­ta­cu­laire à partir de 1918, quand la langue a été normalisée et pourvue d’un alphabet propre. La poésie, bien sûr, s’est développée d’a­bord. Sur les fondations jetées par Kuratov, plusieurs gé­né­ra­tions ont continué d’ajouter des briques. La poésie komie a souvent été étudiée par les finno-ougristes, et elle a même fait l’objet de re­mar­quables études du chercheur anglais John Coates – d’autant plus remarquables qu’il a soutenu en 1968, à Cambridge, sa thèse sur des Aspects de la littérature komie [Aspects of Komi Literature] et que ses travaux[6] lui ont valu d’être invité à passer deux mois dans la rssa en 1974 (obituary 2007).

Au début du xxe siècle, la prose a suivi la poésie. On présente gé­né­ra­le­ment T’ima Veń (1890-1939) comme le premier grand pro­sateur komi, qui a su capter la psychologie du peuple komi et le lyrisme de son environnement naturel. À l’époque, c’est-à-dire avant la fin des années 1930, écrire en langue komie était le meil­leur moyen de toucher un vaste public. La langue russe était alors peu parlée, et n’était accessible qu’aux personnes les plus édu­quées, qui l’étudiaient comme une langue étrangère.

Mais avec la poésie ou la prose écrites, on restreint le public aux personnes qui savent lire et qui en ont le temps. Le théâtre permet d’aller plus loin : en transmettant des textes dramatiques par l’oral et par la mise en scène, on peut s’adresser à tous les habitants du pays, dans tous les villages. Les premiers auteurs, d’ailleurs, étaient généralement à la fois poètes, pro­sa­teurs et dramaturges (Mihail Lebedev, Ńobdinsa Vittor, T’ima Veń). Leur objectif était à la fois d’atteindre le public le plus vaste possible et d’élaborer une littérature nationale sur laquelle asseoir le prestige et la pérennité de la culture komie. Rappelons que l’État komi a vu le jour entre 1917 et 1921, à la suite de la Révolution et dans l’enthousiasme des promesses du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

Contrairement à la poésie et à la prose, le théâtre, dans la Russie finno-ougrienne, est un genre littéraire souvent négligé par les chercheurs, lecteurs et gens de lettres : alors qu’en France on a l’habitude d’une sorte de « culte de l’auteur », le théâtre contemporain, dans la Russie finno-ougrienne, s’il est généralement respecté en tant qu’art vivant, est considéré, d’un point de vue littéraire, comme un « sous-genre »[7].

Toutefois, quelques chercheurs se sont penchés, en komi ou en russe, sur ce sujet. Voyons d’abord, dans un bref aperçu histo­rio­graphique, quelles ont été les façons de parler du théâtre national au cours des décennies.

La question nationale

On rencontre souvent dans ces pages l’adjectif national. Le mot nation, en français, est devenu très ambigu – et quasiment inu­ti­li­sable – dans la mesure où il ne désigne plus seulement un « groupe humain, généralement assez vaste, qui se caractérise par la conscience de son unité (historique, so­ciale, culturelle) et la vo­lon­té de vivre en commun » (Le Petit Robert 2001) – définition qui est parfaitement adaptée aux Komis –, mais aussi un « groupe humain constituant une communauté politique, établie sur un ter­ri­toire défini ou un ensemble de territoires définis, et personnifiée par une autorité souveraine » (ibid.), autrement dit un État.

Cette confusion introduite en France entre État et nation est une source de nombreux malentendus – voire conflits – politiques et sociaux[8]. Par précaution, j’éviterai de qualifier les Komis de nation, et je parlerai plutôt de peuple (et je réserve le mot ethnie aux ensembles d’individus qui partagent des variantes dialectales ou des coutumes locales : Komis du haut Ežva, Komis de l’Iźva, etc.). D’où l’adjectif populaire, équivalent à national – mais ce dernier est de rigueur dans l’expression langue nationale (« langue d’un groupe ethnique dont l’usage est légalement reconnu dans l’État auquel appartient ce groupe », id.), qui s’oppose à langue officielle : la langue komie est bien la langue nationale de l’État komi (en l’occurrence, la République), qui reconnaît dans sa constitution deux langues officielles, le komi et le russe.

Aperçu historiographique

Dès les premières années d’autonomie (infra p. 137), en même temps que commence à s’élaborer un théâtre littéraire, l’écrivain Viktor Savin (alias Ńobdinsa Vittor) et ses contemporains publient des manifestes et des textes de critique littéraire et théâtrale. Les articles de Savin fixent une ligne de conduite et lancent des projets à long terme. En 1928, dans « Le répertoire komi qu’il nous faut » [« Kučöm komi repertuar kolö »] (repris partiellement dans le recueil Savin 1998), il fait l’état des lieux des premières années du théâtre en langue nationale et pointe du doigt ce qu’il considère comme la di­rec­tion à suivre. Dans d’autres articles, il rend compte de son activité et des réa­lisations de sa compagnie : créations, tournées dans les villages, réactions du public… (« Komi ťeatrlön po­duv em », Ordym, 1930, n° 20 ; « Med­voddźa tuj Komi ťeatr­lön », Udarńik, 1931, n° 3-4 ; ces deux articles sont rapportés par­tiel­lement dans le recueil Savin 1998). Parallèlement à cette autopromotion, d’autres écrivains publient des comptes rendus d’ouvrages et de spectacles : une critique se forme, qui contribue à commenter et orienter la création littéraire en général et dramatique en particulier[9].

Après les répressions de la fin des années 1930, on fait table rase de tout ce qui précède, et l’on procède à une récriture « sta­li­nien­nement correcte » de l’histoire du théâtre. Pour commencer, on réinvente la naissance du théâtre komi : Savin et ses contemporains n’existent plus, leurs noms ne doivent pas figurer dans les livres (sauf celui de Lebedev, qui a fini par écrire suffisamment de poèmes sur les tracteurs dans les années 1940 pour faire oublier ses œuvres de jeunesse d’inspiration mythologique ou tra­di­tion­nelle[10]). L’ouvrage collectif paru en 1951 sous le titre Les gens du Théâtre de Komi (ltk 1951) est tout à fait représentatif de cette époque : c’est un témoignage contemporain et officiel des années de sta­li­nisme, qui retrace les vingt premières années du théâtre pro­fes­sion­nel komi – de 1930 à 1950. Le fait même qu’on parle de « vingt ans de théâtre komi » en 1951 laisse supposer qu’il n’existait pas de théâtre à proprement parler avant 1931. Les compagnies fondées par Savin sont superbement ignorées : son nom même n’apparaît pas dans l’ouvrage (puisque Savin ne sera réhabilité qu’en 1955). Le théâtre professionnel, tel qu’il est présenté ici, commence avec la nouvelle génération (infra p. 139 à propos de l’année charnière de 1936) : les premiers grands noms du théâtre komi sont Fëdorov et D’jakonov (ltk 1951, p. 5), qui écrivent leurs premières pièces à la fin des années 1930. La promotion de comédiens komis formés à Leningrad entre 1932 et 1936 (infra p. 139, à propos du studio komi de Leningrad et des changements de l’année 1936) est consi­dé­rée comme la première véritable formation professionnelle pour les Komis puisque venant de Leningrad (id., pp. 7-8). Ce qui reste in­chan­gé, dans l’historiographie officielle, c’est que « l’art théâtral de la rssa de Komi est né de la Révolution d’Octobre » (id., p. 3). Cette affirmation, qui peut paraître un peu hâtive, n’est sans doute pas très éloignée de la réalité. Les auteurs mettent cela sur le compte de la « politique colonisatrice de la Russie tsariste » (ibid.) – c’est-à-dire que le pouvoir impérial réduisait les peuples de Russie au silence, tandis que 1917 leur a donné la parole[11].

Avec la déstalinisation, les victimes des répressions sont ré­ha­bilitées peu à peu, et la critique prend du recul. Dans ce contexte, l’Encyclopédie du théâtre parue à Moscou entre 1961 et 1965 fait maintenant commencer l’histoire du théâtre komi avec les toutes premières activités de Savin à Ust’-Sysol’sk (Mokul’skij et al. 1961, entrée « Коми театр и драматургия »). De même, un ou­vrage de référence paraît à Syktyvkar en 1965, sous le titre Pages de l’histoire du théâtre komi [Stranicy istorii Komi teatra], qui offre une nouvelle lecture des décennies passées (Popova 1965). Savin est ré­ha­bilité : l’histoire du théâtre komi commence main­tenant avec la création, en février 1919, de la pièce de Savin Un grand crime [Ydžyd myž], que Popova considère comme « la première pièce nationale komie » (ch. « Les origines du théâtre komi », p. 7). On s’intéresse à nouveau à la période des années 1920 et on prend au sérieux les compagnies fondées par Savin… Mais un réalisme socialiste très strict reste de rigueur.

Les mémoires de l’actrice Glafira Sidorova, publiés en 1992 (à l’occasion des ses cinquante ans de carrière au Théâtre d’État), constituent un té­moi­gnage touchant. Née en 1922, formée à Syk­tyv­kar dans les années 1930 et au gitis de Moscou en 1938-1942, l’auteur raconte l’histoire du théâtre komi telle qu’on la lui a en­sei­gnée à l’époque, ce qui ne manque pas de donner, dans les années 1990, une impression surannée. Sidorova fait commencer le théâtre professionnel komi en 1930 avec la troupe de Savin (Sidorova 1992, p. 11), après quoi elle évoque la promotion komie qui rentre de Leningrad en 1936 (mais elle ne connaît cet épisode que par ouï-dire, et elle ne fait donc que répéter ce qu’on en disait à l’époque, d’où l’intérêt de son témoignage) : Sidorova affirme que les étudiants, à leur retour à Syktyvkar, ont joué le répertoire russe qu’ils avaient travaillé à Leningrad, mais qu’il leur manquait un « répertoire national » : certes, il existait des pièces en un acte, dit-elle, mais pas de pièces en plusieurs actes. Même en 1992, donc, Sidorova, élevée dans les années 1930, semble ignorer que Savin, T’ima Veń, Nikolaj Popov, etc., avaient déjà écrit, dans les années 1920, un répertoire solide. Pourtant, Ljudmila Oplesnina (1990, p. 6) rapporte que les étudiants komis, à Leningrad, avaient tra­vail­lé une pièce de Savin, Le bilan [Art] : apparemment, la formation même des étudiants du studio komi de Leningrad, dès leur retour, a fait l’objet d’une négation partielle.

En 1979-1981, on commence à avoir une vision plus complète de l’histoire du théâtre komi au sein de l’Histoire de la littérature komie en trois volumes (hlk 1979-1981). Pour la première fois, cet ouvrage étudie en pro­fondeur toutes les périodes de l’histoire. La question du théâtre est soulevée dès le premier volume, consacré à la littérature traditionnelle ; puis elle fait l’objet de descriptions détaillées à partir des premières représentations en langue komie données en 1918.

Aujourd’hui, on peut mentionner les travaux de Vera Latyševa (1985, sur « l’évolution des genres dramaturgiques des peuples finno-ougriens de la Volga et de l’Oural » ; cinq articles sur le théâtre komi in Latyševa et al. 1991), Ljudmila Oplesnina (préface in D’jakonov 1990), Raisa Kuklina (préfaces in Popov N. 2001, Ermolin 2004a ; articles séparés), Gorinova, etc. La façon de raconter l’histoire du théâtre n’a pas beaucoup changé depuis l’époque soviétique qui a suivi les réhabilitations. On se penche peut-être davantage sur les auteurs des années 1920 (à l’occasion des jubilés, etc.), sur l’étude du théâtre national dans le contexte finno-ougrien et, bien sûr, sur la création contemporaine (par exemple Gorinova 2008, sur le théâtre d’Aleksej Popov[12]).

Lorsque j’ai commencé les travaux présentés ici, il n’existait aucune étude globale sur le théâtre komi en dehors de ce que je viens de mentionner, et certainement pas dans une autre langue que le komi ou le russe. Trois ouvrages notables ont paru à Syktyvkar entre-temps (en russe) : une Histoire de la culture théâtrale et musicale en République de Komi au xxe siècle par D.T. Kozlova (2007) ; puis un album sur l’histoire et les personnalités du Théâtre komi (sous la direction de M.A. Udoratina, 2013) – principalement dans l’acception restreinte de « Théâtre dramatique d’État de Komi » –, et Théâtre komi – Lumière du passé, un recueil d’essais de N.A. Mitjušëva (2013).

Mon expérience et ma démarche

Mon expérience professionnelle du théâtre vient surtout de l’écriture (en français) et de la traduction (de pièces anglaises, américaines et finnoises). Mon expérience des langues et « identités nationales » finno-ougriennes passe par la Finlande et l’Estonie, et par la participation à des rencontres internationales comme les congrès des écrivains finno-ougriens (le 10e à Joškar-Ola en septembre 2008, le 11e à Oulu en 2010), la présentation pu­blique de poètes oudmourtes à Paris en octobre 2008, les Journées finno-ougriennes de l’Adéfo, l’organisation d’un colloque in­ter­na­tio­nal à Nice en février 2014… Ces expériences me permettent de mettre mon sujet en perspective dans un paysage théâtral et finno-ougrien plus général.

En outre, le fait d’avoir parcouru diverses régions de Russie presque chaque année depuis 2004 (Saint-Pétersbourg, Moscou, Ekaterinburg, Irkutsk, Pskov, Samara, Mordovie, villages de Mari-El, de l’Oural, du Baïkal, de Iamalie, etc.) me permet de mettre en perspective la République de Komi dans le contexte de la Fé­dé­ration de Russie et m’aide à faire la part du général et du particulier dans mes observations de terrain.

Mes premiers travaux sur la langue et la littérature komies s’ap­puyaient exclusivement sur des livres : dictionnaires, grammaires et textes littéraires trouvés sur des sites web. Mes premières tra­duc­tions (2006) m’ont permis d’entrer en contact, en 2007, avec des institutions gouvernementales komies et avec des enthousiastes indépendants – avec lesquels se sont établies des correspondances fructueuses –, et d’effectuer mon premier séjour en Ré­pu­blique de Komi : une semaine, en octobre 2007, pour participer à un col­loque quinquennal consacré à Mihail Lebedev (à Syktyvkar et dans plusieurs villages de la région de Körtkerös). J’en ai profité pour visiter des musées, voir un ballet et une pièce de théâtre, faire la connaissance de quelques professionnels du théâtre – mais je n’avais pas beaucoup de temps libre.

Le théâtre restant ma forme d’expression de prédilection, je me suis concentré ensuite sur la littérature dramatique komie, et une traduction de fragments de deux comédies de Ńobdinsa Vittor m’a valu d’être invité aux célébrations du 120e anniversaire du grand écrivain national, pour une semaine, en novembre 2008 (à nouveau à Syktyvkar et dans plusieurs villages de la région de Körtkerös). À cette occasion, j’ai passé une journée à la Bibliothèque nationale, et approfondi mes contacts – mais c’était encore trop court.

Le troisième séjour, qui était nécessaire à l’élaboration du mé­moire de master, a eu lieu en février-mars 2009, et m’a permis de consa­crer trois semaines aux recherches documentaires (biblio­thèques, archives) et aux entretiens (chercheurs, professionnels du théâtre). Outre le théâtre, ce séjour m’a permis de me familiariser avec la vie quotidienne (en ville et au village) et avec différentes fa­cettes de la société de la République. De cette expérience, j’ai pu tirer des observations plus équilibrées sur cette notion, difficile à cerner, d’« identité nationale ».

Au cours des nombreuses visites suivantes, des partenariats ont été signés entre des institutions de recherche et d’enseignement supérieur de Russie (Syktyvkar, Saransk) et de Paris (Inalco et Adéfo), et j’ai eu l’occasion d’effectuer un stage de six semaines au sein de la chaire komie et finno-ougrienne de l’université d’État de Syktyvkar (aujourd’hui « Pitirim Sorokin »[13]). Les cor­res­pon­dances se sont développées, et mes matériaux ont augmenté de façon exponentielle. Mes sources sont donc principalement des ou­vrages, des articles, et des fichiers audio et vidéo. De nombreuses pu­blications étaient disponibles en lignes : dans ce cas, je fournis dans la bibliographie un lien hypertexte vers une page où l’on peut consulter ou télécharger tout ou partie du document.


Depuis 2008, au moyen de nombreuses correspondances et de travaux de terrain, je constitue un catalogue systématique de pièces de théâtre dans le domaine komi, tout en m’imprégnant de la situ­a­tion de la culture et de la société (en particulier au sujet du bilin­guisme). À partir des pièces komies en langue nationale, j’ai élargi ce catalogue au théâtre komi, puis finno-ougrien, quelle que soit la langue – et j’y ajoute enfin des entrées russes ou étrangères afin de mieux percevoir les similitudes et différences et, partant, identifier celles de mes observations qui sont propres au théâtre komi.

Mon corpus est donc constitué de textes dramatiques de dif­fé­rentes époques. Selon le cas, je peux disposer du texte intégral, de comptes rendus de seconde main, ou d’une simple mention. Dans l’ensemble, j’ai répertorié environ 1073 pièces sur l’ensemble de l’aire Oural-Volga, dont 629 sur le périmètre strictement komi-zyriène, parmi lesquelles 100 pièces étrangères traduites en komi (du russe, mais aussi de l’anglais, du français, de l’italien, de l’al­le­mand et de quelques langues finno-ougriennes[14]) et 9 incertaines ou indéterminées, soit 520 références komies fiables, parmi les­quelles 452 textes originaux intégraux. En outre, j’ai pu voir des re­présentations (pro­fes­sion­nelles ou d’amateurs) à Syktyvkar et dans les villages de l’Ežva, et je dis­pose de quelques en­re­gis­tre­ments vidéo de spectacles contemporains. Si l’on cherche des caractéristiques nationales dans les pièces en langue komie, elles se révéleront dans les thèmes généraux (sur lesquels est construite l’ac­tion), dans les décors, costumes et accessoires (décrits par les didas­ca­lies), et dans des références, allusions, etc. (évoqués au dé­tour des dia­logues). La caractérisation des personnages, fonda­men­tale pour comprendre les repré­sen­tations nationales, relève à la fois des dialogues et des didascalies.

Ceci n’est pas une thèse…

… et ce, pour au moins deux raisons.

Tout d’abord, j’ai soutenu le mémoire de master en 2009, il y a huit ans, durée excessive par rapport aux règles du jeu d’une thèse de doctorat – même si des dérogations sont possibles, notamment lorsqu’on travaille à plein temps par ailleurs. Il s’agit donc d’un travail d’une autre nature, qui répond à un autre cahier des charges.

D’autre part, 519 pages est a priori un volume excessif pour une thèse – même si une dérogation est possible, notamment dans notre cas, où il s’agit moins d’apporter une brique à l’édifice scien­ti­fique qu’une grosse pierre de fondation dans un domaine quasi­ment neuf en langue française.

Par ailleurs, le contenu n’est pas nouveau sur le fond, puisque tous ces matériaux ont déjà été publiés d’une manière ou d’une autre, à l’écrit ou à l’oral. Mais on peut répondre à cela que la forme sous laquelle ils sont publiés ici – mis à jour, parfois mis à l’écrit ou traduits – constitue une nouveauté. En effet, cette édition a requis une vaste réorganisation destinée à mettre en évidence la continuité logique de dix ans de travail et à rendre ces résultats plus accessibles.

Plan du recueil

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est impératif de définir plu­sieurs notions : la République de Komi[15], le théâtre en langue nationale, et les caractéristiques identitaires traditionnelles du peuple komi. À cet effet, une première partie, intitulée « Gé­né­ra­li­tés et société », réunit des articles qui définissent les principales caractéristiques identitaires du peuple komi et fournissent des informations sur la langue et la situation contemporaine du pays. Cette présentation préalable est indispensable pour comprendre le « sentiment national » à partir duquel la littérature komie (notamment dra­ma­tique) est née et s’est développée. Comme on le constate dans cette intro­duction même, il est impossible de parler de l’époque contemporaine sans faire référence à chaque instant aux décennies précédentes. J’aborderai donc d’abord l’histoire du pays komi, pour pouvoir parcourir celle de son théâtre.

Des racines de l’identité nationale komie, on peut passer ensuite à la création littéraire. C’est l’objet de la deuxième partie, « De la mythologie à la littérature », qui traite de la façon dont la tradition orale et le folklore, aux différentes époques, ont nourri le travail de création des écrivains komis.

Ce contexte de création littéraire en langue komie étant établi, on peut alors aborder les arts dramatiques proprement dits (troisième partie, « Thé­âtre en langue nationale »), puis faire tomber le quatrième mur et confronter la scène à la réalité de la société (quatrième partie, « Théâtre et société »).

La cinquième partie, « Perspective finno-ougrienne », adopte un point de vue plus large afin de procéder à d’indispensables compa­raisons du cas komi avec ceux des « peuples frères » de Russie et d’ailleurs.

Mais on ne saurait s’en tenir là. Après le « voyage intellectuel et physique » résumé dans cette introduction, comme après tout voyage, il vient un moment de rentrer chez soi – bör gortö, back home. Il serait hâtif de partager ces travaux avec les lecteurs fran­cophones sans fournir un minimum de clés pour confronter mes observations finno-ougriennes avec des réalités plus proches de nous. Car au théâtre, il est bien question d’identification, que ce soit dans le travail de l’acteur ou dans l’expérience du spectateur. La sixième et dernière partie de cet ouvrage, « Perspective eu­ro­pénne », fait donc dialoguer les résultats de mes recherches avec d’autres pays d’Europe, non finno-ougriens, notamment la France et mon pays niçois.

Les textes réunis ici sont des articles ou des communications ré­di­gés en 2008-2016, publiés (en français, en anglais, en komi ou en russe) ou inédits, ainsi que des éléments d’un mémoire de master soutenu à l’Inalco en 2009. Sans prétendre à constituer une mo­no­graphie exhaustive, l’ensemble a été réorganisé et mis à jour pour former un recueil cohérent.

À toutes fins utiles, après les annexes[16] et la bibliographie, on trouvera un index. Construit en dernier, il synthétise de façon rationnelle les sujets abordés pendant ces dix années de recherches et les « person­nages », réels ou mythiques (l’un n’empêche pas l’autre) ren­con­trés au cours de cette épopée, chemin faisant. Aussi invité-je les lecteurs à emprunter sans aucune retenue cette « porte de derrière ». Autrement dit, vous pouvez tout de suite passer à la page 485. Mais vous pouvez aussi – et je vous y inciterai vivement – tourner la page et prendre connaissance d’une autre liste de per­son­nages, qui ne figurent pas tous dans la bibliographie ou dans l’index.

 

 


[1] Il sera notamment question de cinéma dans le chapitre « Les trois âges du cinéma oudmourte », p. 321.

[2] En ce sens, la représentation considérée dans le présent ouvrage, en tant qu’« objet à l’égard d’un sujet, perception du spectateur », est à rapprocher de la Vorstellung de Schopenhauer, pour qui « Alles, was für die Erkenntniß da ist, also diese ganze Welt, nur Objekt in Beziehung auf das Subjekt ist, Anschauung des Anschauenden, mit Einem Wort, Vorstellung » (Schopenhauer 1844, vol. i, p. 3).

[3] Cf. infra « I. Pourquoi le théâtre ? », p. 401.

[4] L’odorat intervient fréquemment dans la perception d’un spectacle, souvent à l’insu du metteur en scène (fleurs, fumigènes, parfums), parfois de façon volontaire (essences aromatiques). Le toucher et le goût sont moins souvent sollicités par la mise en scène (dans le cadre d’interactions plus directes avec le public).

[5] La limite est indistincte, bien sûr, entre le texte déclamé et le spec­tacle : les pos­sibilités de gestes et de déplacements forment un conti­nuum. De nombreuses lectures publiques de poésie sont plus « vivantes » que beaucoup de spectacles scéniques, sans parler du théâtre radio­phonique qui supprime toute la dimension visuelle.

[6] Outre sa thèse, John G. Coates (1918-2007) a consacré des articles à la littérature komie en général et aux poètes contemporains en particulier : il a notamment fait l’éloge d’Al’bert Vaneev et de ses traductions mé­triques des sonnets de Shakespeare.

[7] Cf. infra « IV. Corollaire esthétique », p. 404.

[8] Sur la question nationale, je me réfère notamment aux travaux de Benedict Anderson (Anderson 2006).

[9] La critique littéraire komie en tant que genre à part entière, au même titre que la poésie, la prose ou le théâtre, mériterait une analyse appro­fondie, mais qui serait ici hors sujet. Au demeurant, elle a déjà fait l’objet d’études spécifiques : pour plus de renseignements, on pourra se tourner par exemple vers les chapitres consacrés à la critique littéraire dans hlk 1979-1981.

[10] Lebedev est l’un des rares écrivains de l’ancienne génération à avoir échappé aux répressions (mais il mourra en 1951). Dans l’histoire du théâtre, ltk 1951 (p. 6) le mentionne brièvement comme précurseur, avec son opérette La jolie fille [Mića nyv].

[11] Cette explication est discutable, si l’on songe à toutes les créations nationales apparues dès le xixe siècle dans les régions de Russie, no­tam­ment dans le domaine de la poésie.

[12] Natal’ja Gorinova a soutenu une thèse de doctorat en 2011 sur le théâtre komi de la fin du xxe siècle. Mentionnons notamment ses travaux sur Gennadij Juškov et sur Oleg Uljašev.

[13] À propos de Sorokin, voir infra « II.2. Le héros blanc exilé aux États-Unis : Pitirim Sorokin », p. 288.

[14] Il est probable que les textes étrangers aient tous été retraduits à partir de versions russes.

[15] Voir carte p. 451. Au sujet de la terminologie République de Komi, voir annexe 2, p. 438.

[16] En outre, on trouvera en annexes :

      1) les conventions de transcription utilisées dans cet ouvrage ;
2) une réflexion sur la nature et le sens du mot komi ;
3) une liste des toponymes komis avec leur équivalent russe ;
4) quelques statistiques sur l’usage de la langue ;
5) les articles de la Constitution en rapport avec la langue ;
6) une carte de la République. 


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Publié le Mercredi 21 Juin 2023, 20:02.


— 100 ans d'autonomie —
Il y a 100 ans, inspiré par le principe du « droit à l’autodétermination », un peuple du grand nord de l’Europe devenait titulaire d’un État autonome, fondé sur son identité ethnique et linguistique :


Depuis des siècles, les Komis habitaient des villages très clairsemés, sur des cours d’eau tributaires de l'océan Arctique, dans différentes provinces de l’Empire russe :

  
Les gouvernorats de Vologda et d'Arkhangelsk dans l'Empire russe ; les "Zyrianes" parmi les peuples de Russie.
      
Dès la chute des Romanov, bien conscients de leur particularisme culturel, ils créèrent leur propre alphabet et normalisèrent leur langue afin de jeter les bases d’une société nouvelle et autonome… un rêve qui devint réalité à l’issue de la guerre civile, le 22 août 1921.

  

Dans les forêts boréales de l'Oural

Le territoire est contrasté, avec 70 % de forêts boréales – au cœur desquelles on trouve la capitale Syktyvkar, dans les méandres du fleuve Syktyv –, mais aussi une bande de toundra dans le nord, au-delà du cercle polaire, jusqu'à l'agglomération minière de Vorkouta, non loin de l'océan Arctique. Les richesses minérales du pays komi, notamment les gisements d'hydrocarbures du bassin de l'Oussa, en font une des régions les plus riches de Russie. Dans l'est, les forêts vierges de l'Oural (classées par l'Unesco au patrimoine mondial naturel depuis 1995) sont les plus vastes d'Europe. Leurs crêtes, qui culminent entre 1600 et 1900 m, séparent l'Europe de l'Asie. Elles recèlent des merveilles de la nature comme le plateau sacré du Mańpupuńor, où des millions d'années d'érosion ont façonné sept spectaculaires colonnes rocheuses qui se dressent de 30 à 42 mètres au-dessus du sol.

     
Dans les forêts du Syktyv, en été et en hiver ; le monastère de Jemdin, fondé au XIVe siècle...

     
... Syktyvkar : l'aéroport, la grand-place, le théâtre,

  
une sculpture de glace et le monument à la lettre Ö...

     
... un aperçu du village de Turja ; une maison typique dans un village du Syktyv en amont de la capitale ; sur la route...

  
... la route d'hiver construite sur la Petchora gelée (troisième fleuve d'Europe par son débit) ; un village d'éleveurs de rennes dans le nord du pays...

     
... la toundra en fleur autour de Vorkouta ; la ligne de partage des eaux entre Europe (Komi) et Asie (Sibérie) ; les formations rocheuses du Mańpupuńor.

La langue komie et le théâtre

La langue est le vecteur de l’identité, et c'est ce qui a motivé la création d'un État autonome komi : il y a 100 ans, les locuteurs du komi étaient encore très largement majoritaires sur ce territoire. Or si la langue est un instrument de cohésion sociale, c'est parce qu'elle est un précieux outil de création, de partage et de transmission culturelle. Entre les pays komi et niçois, on a pu en faire l'expérience, ces dernières années, dans les domaines de la littérature et du théâtre

Parmi ces échanges théâtraux, les plus marquants sont la tournée komie du Théâtre niçois de Francis Gag en 2009 et la « Semaine komie » organisée à Nice en 2014, où le théâtre était à l’honneur, avec des concerts au conservatoire et à l'hippodrome, des spectacles au Théâtre municipal Francis-Gag, et un grand colloque européen à l'université sur le thème Théâtre en langue minorée.

  
Le Théâtre niçois de Francis Gag joue Una demanda en matrimoni, comédie en un acte de Tchekhov adaptée en niçois par Laurent Terese,
sur la scène du Théâtre national komi, avec traduction simultanée par oreillette (Syktyvkar, novembre 2009).

  
Le dramaturge komi Alexeï Popov présente son œuvre au grand château de Valrose ; le professeur Rémy Gasiglia relate l'histoire du théâtre niçois...

  
... Serge Dotti fait parler ses mariota ; la directrice des bibliothèques de la région de Körtkerös raconte l'histoire du théâtre komi...

Les échanges se sont poursuivis avec une pièce d'Alexeï Popov intitulée Les Cornes, montée en français par la compagnie La Chance du Débutant, et jouée d'abord devant un public komi à Syktyvkar puis, dans une nouvelle version, à Nice (Théâtre de l'Impasse) et dans les villages environnants.


La langue komie et la poésie

Mais surtout, c'est sans doute le chant – autrement dit la poésie – qui exprime le mieux l’originalité d’une langue et la vitalité d’une culture. C'est pour cette raison que paraît cette année un deuxième volume de l'Anthologie de la poésie komie aux éditions Paradigme. Ces recueils bilingues komi-français offrent une sélection de huit auteurs incontournables des XIXe et XXe siècles :

           


        
Kouratov Öľöš Vań (1839-1875), Jakov Paľö Kaľö (1866-1926), Savine Ńobdinsa Vittor (1888-1943), Tchistalov T’ima Veń (1890-1939)...

        
... Iouchkov Toľ Geń (1932-2009), Vaneïev Jogor Aľbert (1933-2001), Timine Igö Vaśö Voloď (1937-2015) et Loujikov Ӧľӧksan (1964-2006).

Le public niçois a déjà eu le loisir de se familiariser avec les écrivains komis, notamment à l'occasion de la rencontre de 2012 au MUSEAAV autour des littératures finno-ougriennes de Russie (organisée par la Maison de la Russie et l'Adéfo) :
 
  

En particulier, Savine alias Ńobdinsa Vittor jouit d'une certaine notoriété depuis les échanges théâtraux évoqués précédemment, rapportés dans l'ouvrage Ńobdinsa Vittor et Francis Gag - Le théâtre au service de la langue, et dans la presse grâce à Robert Bistolfi (Lou Sourgentin, 2011, en français) et à Rémy Gasiglia (Nice historique, 2012, en niçois). L’écrivain Miquèu de Carabatta, d’ailleurs, nous fait parvenir sa voix en niçois dans les poèmes Un sera d'ivern et La mar Komi.


http://ratatoulha.chez-alice.fr/textes/images/savine-gag-couv-red.jpg          


De même, en 2014, le public niçois a pu découvrir l'épopée Biarmia de Jakov sous la forme d'une adaptation théâtrale et musicale par la troupe du Théâtre national komi (L'âme de la taïga, au Théâtre municipal Francis-Gag, avec sur-titrage en français) :
 
     

La transmission par la jeunesse

Enfin, pour en revenir à la transmission de la culture komie, on ne peut que se réjouir de constater qu'elle est souvent assurée par la jeunesse. Et non seulement les jeunes Komis œuvrent dans leur pays pour partager leur patrimoine et l'enrichir, mais ils en font aussi la promotion ailleurs en Russie, et même à l'étranger :

     
Des jeunes du village de Pezmög jouent une version scénique du poème Kört Aïka de Milkhaïl Lebedev, en komi ; des lycéens de Syktyvkar jouent une pièce de Savine en version française (à Moscou et à Syktyvkar) ; des élèves de Vorkouta reçoivent un prix à Paris (Théâtre du Gymnase).

Les pichoui de la classe bilingue des Orangers rencontrent des journalistes komis et entreprennent une correspondance avec les enfants de Komi par l'intermédiaire du magazine L'Étincelle.

Un Komi de passage à Nice entre les révolutions russes...

Питирим Сорокин.jpgIl y a une centaine d’années, à l’époque des révolutions russes, des liens discrets existaient déjà entre les pays komi et niçois : par exemple, au début des années 1910, on a vu passer un certain Pitirim Sorokine, folkloriste et militant social-révolutionnaire. Incognito, muni de faux papiers, il échappait à la police tsariste en s’abritant quelque temps sur la « Riviera », de Sanremo à Nice. Sorokine allait devenir l’assistant de Kerenski puis, exilé, mener une glorieuse carrière de sociologue aux USA.

La République de Komi : 100 ans d'autonomie

Devenu « république » au sein de la Russie soviétique dans les années 1930, le Komi est aujourd'hui un État bilingue, où deux langues ont un statut officiel, le komi et le russe, ainsi que le confirme la nouvelle constitution en vigueur depuis les années 1990.
 
  

Après un XXe siècle mouvementé, désormais au cœur d’un monde contemporain globalisé, l’État de Komi souffle donc aujourd’hui ses 100 bougies.




Pour en savoir plus (en français)
  • Lever de rideau sur le pays komi offre un premier aperçu sur ce qui fait l'originalité des Komis et de leur territoire (généralités, société, économie), mais aussi des études sur la mythologie, la littérature et le théâtre. [978-2-343-15572-2]
  • Choix de poésies d'Ivan Kouratov (trad. Yves Avril, édition bilingue). [978-2-9538277-4-3]
  • Kört Aïka et autres légendes komies rassemble plusieurs contes d'inspiration traditionnelle, composés en vers par Mikhaïl Lebedev et Lytkine Ilľa Vaś (édition bilingue). [978-2-9538277-1-2]
  • Les Komis – Questions d'histoire et de culture rassemble les actes d'un colloque organisé à Paris en 2009. [978-2-296-12070-9  & 978-2-85831-266-5]
  • Parlons komi, par Yves Avril, permet de découvrir la langue, mais aussi l'histoire et la culture. [978-2-296-01064-2]
  • L'anthologie Le pouvoir du chant rassemble des textes de poésie populaire des Komis et d'autres peuples ouraliens (trad. Jean-Luc Moreau). [978-963-13-1150-1]
  • La vie, les mœurs et l'État économique du peuple zyriane (Paris, 1900), par le R.P. Alexandre Krassoff, était une extraordinaire description de la culture komie à l'époque de l'exposition universelle de 1900, et c'est toujours un document passionnant.
  • À travers la Russie boréale (1894) est la relation d'un voyage effectué par Charles Rabot de Kazan à Tobolsk en empruntant le col du Čugör, donc en traversant la moitié sud du pays komi.

                


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Publié le Samedi 26 Juin 2021, 21:19.


— d'Albert Vaneïev (1933-2001) —

Mon village natal

(cycle de sonnets)

1

Je suis né où reluit l’étoile boréale,
Où l’aurore polaire épand tous ses sept tons,
Tandis que, par poignées, du ciel d’hiver dévale
Le plus cher des trésors : les argentins flocons.

Je suis né où rugissent les bois infinis,
Où se pavanent pins, épicéas, mélèzes,
Où les rudes gelées font que l’été s’abrège,
Antre du renard bleu et du renne endurci.

Je suis né où les eaux de la taïga sont pures,
L’air se voile au printemps de fleurs de cerisiers,
Mais en hiver le sol gèle jusqu’aux rochers.

Or à quoi bon se plaindre de cette froidure ?
Je suis né, passe et passerai ma vie future
Où sous la lune brille un blanc manteau nacré.

Чужан сиктöй менам

(сонетъяс гöрöд)

1

Ме чужи сэн, кöн öзйö войвыв кодзув,
Вой кыа кöдзö сизим рöма дзирд,
А тöвся енэж вöзйö-койö соддзöн
Став дона сьöмсö – лымъя эзысь чир.

Ме чужи сэн, кöн шувгö помтöм вöр,
Кöн тшапитчöны ниа, коз да пожöм,
Кöн чорыд пужъяс дженьдöдöны гожöм,
Кöн олöны лöз кынь да винёв кöр.

Ме чужи сэн, кöн сöдзöсь парма ёльяс,
Кöн чöскыд льöм дзоридза тувсов тшын,
А тöвнас муыс овлö изйöдз кын.

Но кöдзыд йылысь мый ёнасö дольны?
Ме чужи сэн и нэмöс кута кольны,
Кöн тöлысь улын бисерасьö лым.

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Publié le Dimanche 6 Septembre 2020, 20:54.


— La mer komie —

КОМИ МОРЕ

Эг ме аддзыв некор море,
Ог тӧд сылысь сьылан гор.
Зэв пӧ паськыд синьӧй море,
Абу некӧн пом ни дор.
Эг ме аддзыв некор море,
Ог тӧд сылысь сьылан гор.

Меным тӧдса коми море —
Помтӧм-дортӧм паськыд вӧр.
Кыпыд горӧн уджӧ корӧ,
Сійӧ — олан гажлӧн шӧр.
Меным тӧдса коми море —
Помтӧм-дортӧм паськыд вӧр.

Зэв пӧ гажа югыд море,
Зэв пӧ мича, кодыр лӧнь.
Век пӧ ворсӧ сылӧн морӧс,
Оз и ланьтлы некор скӧнь.
Век пӧ гажа ворсӧ море,
Оз и ланьтлы некор скӧнь.

Али гажтӧм коми море?
Али мисьтӧм сылӧн сер?
Сэні юргӧ олӧм дорӧм,
Сьылӧ пила, ворсӧ чер.
Али гажтӧм коми море?
Сьылӧ пила, ворсӧ чер.

Зэв пӧ джуджыд ыджыд море,
Зэв пӧ ыджыд сылӧн вын:
Кор пӧ шковгӧ из креж дорӧ,
Сэк пӧ гӧгӧр мургӧ гым.
Зэв пӧ джуджыд ыджыд море,
Зэв пӧ ыджыд сылӧн вын.

Али вынтӧм коми море?
Али лажмыд сылӧн шӧр?
Мед эз личкав выль мир дорӧм –
Страна корӧ тырмидз вӧр.
Ызгы гора, зарни море!
Коми мырсьысь, зіля вӧр!

Нёбдiнса Виттор, 1933

LA MAR KOMI

Jamai noun ai vist la mar,
Noun counouissi lou siéu cant.
Dihon que la mar es larga, blu,
Sensa tremegna ni counfin.
Jamai noun ai vist la mar,
Noun counouissi lou siéu cant.

Iéu, counouissi la mar Komi :
La mairìs grana, sensa tremegna
Que d’un cant jouious counvida à l’obra,
Que’s lou luèc dóu gauch de viéure.
Iéu, counouissi la mar Komi :
La mairìs grana, sensa tremegna.

Dihon que la mar es jouiousa e lusenta,
E bèla quoura es chatelina ;
Que lou siéu piech va sempre mouvent,
Que noun està jamai silenta.
Que jouiouisa va sempre mouvent,
Que noun està jamai silenta.

Aloura ! trista la mar Komi ?
Aloura ! semblerìa laida ?
Aquì ressouòna la farga de la vida,
Canta la serra, juèga lou destrau.
Aloura ! trista la mar Komi ?
Aloura ! semblerìa laida ?

Dihon que la mar es grana e founda
Dihon que la mar  es proun fouòrta :
Quoura ven trucà un roucas,
Tout alentour reboumba lou tron.
Dihon que la mar es grana e founda
Dihon que la mar  es proun fouòrta :

Aloura ! debla la mar Komi ?
Que ! serìa gaire founda ?
Boumbilhèsse la farga dóu mounde nòu :
Lou nouòstre bouòsc nen fa mestié.
Bulhe a plena vous, mar daurada !
Travalhaire Komi, afane-ti !

Revirada : M. de Carabatta & S. Cagnoli, 2018

LA MER KOMIE

Je n’ai jamais connu la mer,
Son chant ne m’est point parvenu.
On la dit vaste et bleue, la mer,
Sans limite à perte de vue.
Je n’ai jamais connu la mer,
Son chant ne m’est point parvenu.

Mais je connais la mer komie :
La vaste forêt sans limites.
Son chant regorge d’énergie,
Sa joie de vivre nous invite.
Mais je connais la mer komie :
La vaste forêt sans limites.

On dit son flot brillant gaiement,
Et si beau lorsqu’elle est sereine.
Son sein serait toujours mouvant,
Jamais le silence n’y règne.
On dit son flot mouvant gaiement,
Jamais le silence n’y règne.

Comment, triste, la mer komie ?
Comment, laide, son apparence ?
Là sonne la forge de vie,
La scie chante et la hache danse.
Comment, triste, la mer komie ?
La scie chante et la hache danse.

On dit la mer grande et profonde,
Dotée d’une force grandiose :
Quand la falaise essuie sa fronde,
C’est le tonnerre qui explose.
On dit la mer grande et profonde,
Dotée d’une force grandiose.

Quoi, la mer komie serait frêle ?
Sa profondeur insuffisante ?
Que souffle la forge nouvelle :
Tous de nos forêts se contentent.
Bouillonne fort, trésor fidèle !
Main-d’œuvre komie, sois vaillante !

Traduction : S. Cagnoli, 2018


  
L'auteur : Viktor Savin, dit Ńobdinsa Vittor (1888-1943).
Photo SC, 2009.

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Publié le Mardi 27 Novembre 2018, 17:56.


— Soir d'hiver —

ТÖВСЯ РЫТ

Пеша дорын мамö печкö,
Батьö тюни гындö;
Ичöт вокöй чачöн ворсö,
Чойöй сыкöд зыньгö.

«Тайö менам, абу тэнад», –
Шуö сiйö воклы.
«Видзöд, мамö, чача мырддьö», –
Вок норасьö мамлы.

Пызан дорын, пемыдiнын,
Роч книга ме лыддя.
Зэв дöсаднö, гöгöрвотöг:
Ог тöд, мый и лыддя.

Сэнi ещö сартас кусö,
Выльысь колö пешны.
Чоя-вока пинясьöны, –
Дзикöдз олöм эштiс.

Ыджыд мамö кага видзö,
Потан дорын сьылö:
«Öв-вö, öв-вö, баю-бай, бай,
Узь жö, ичöт нылöй!»

(Кутшöм узьöм татшöм зыкын
Пеля ловъя мортлы?)
«Чирышт, Анна, мед оз увгы,
Пöра налы водны».

Сартас тшынöн керка лöзöдз
Быд рыт миян тырö.
Водан узьны – синтö сёйö,
Унмыд ставыс бырö.

Вольпась вылын, эшкын улын
Дыр ас костын дурам.
Ланьтам вöлись, кор ми батьлы
Тасма улö сюрам.

Гöбöч вылын ыджыд мамö
Мукöд рытын мойдö.
Шы ни тöв ми сэки кывзам
(Кöть код сюрö ойгö):

«Дуда, дуда, кытчö ветлiн?»
«Коса дорны ветлi».
Либö: «Бобö, кытчö ветлiн?»
«Чожö гуö ветлi...»

Нёбдiнса Виттор, 1918

UN SERA D’IVERN

Procha de la tea, mamà fila,
Papà fèutra li bota ;
Lou pichoun si recrea m’un juguet,
Ma souòre lou pounchounea.

« Es lou miéu, ren lou tiéu !»
Que li di au cagànchou.
« Mamà regarja, mi pilha lou juguet ! »
Que si lagne à la maire.

Entaulat, en l’entrabrun,
Liegi un libre rùssou.
Es tròu dur, li capissi ren :
Sabi pas cen que liegi.

La tea s’amuèrce tourna,
E mai la cau acendre.
Fraire e souòre si chicoton ;
Ma que foura, que vida !

Maigran velha sus lou bambin,
Va cantant sus lou bres :
« Souòn, souòn, vene vene vene…
Duèrme, la miéu pichouna !»

(Ma couma durmì en aquèu bacan
Caurìa estre balourt !)
« Cride-li, Anna ! proun d’esclissi !
Que si vagon courcà ! »

Cada sera la tea
Estuba maioun d’un fum blu.
Quoura ti courques, lu uès ti pougnon,
Aloura adiéu lou souòn !

En lou liech, souta la cuberta
Lountemp foulastrejan.
Ma la courèia de papà
Benlèu nous farà tàise.

En crota, la maigran,
Un autre sera, cuènta.
Silent l’escoutan
(E pura en un souspir) :

« Douda, Douda, doun t’en anères ?
– Anèri fargà un dai. »
O : « Coucouna, doun t’en anères ?
– Anèri sus la toumba dóu barba. »

Revirada : M. de Carabatta & S. Cagnoli, 2018

SOIR D’HIVER

Au porte-mèche maman file,
Papa feutre les bottes ;
Frérot joue avec un jouet,
Et notre sœur l’embête.

« C’est le mien, ce n’est pas le tien »,
Dit-elle à notre frère.
« Maman ! Elle a pris mon jouet ! »,
Se plaint-il à maman.

À la table, dans la pénombre,
Je lis un livre russe.
C’est très dur, incompréhensible :
Que lis-je ? Je ne sais.

Une fois encor meurt la mèche,
Il faut la remplacer.
Frère et sœur se cherchent querelle –
Ça commence à bien faire !

Grand-maman veille le bébé,
Chantant sur le berceau :
« Dodo, dodo, baïou-baï baï,
Dors, ma petite fille ! »

(Comment dormir dans ce vacarme
À moins que l’on soit sourd ?)
« Gronde-les, Anna, ça suffit,
Il faut les mettre au lit. »

Tous les soirs la mèche fumante
Teint la maison de bleu.
Dès qu’on se couche, les yeux piquent,
Et adieu le sommeil !

Dans le lit, sous la couverture,
Longtemps nous folâtrons.
Mais nous allons bientôt nous taire
Sous la ceinture de papa.

Un autre soir, dans le sous-sol,
Mamie conte une histoire.
Nous l’écoutons dans le silence
(Si ce n’est un murmure) :

« Douda, douda, où étais-tu ?
– Je forgeais une faux. »
Ou bien : « Chérie, où étais-tu ?
– Sur la tombe de l’oncle... »

Traduction : S. Cagnoli, 2018


  
L'auteur : Viktor Savin, dit Ńobdinsa Vittor (1888-1943).
Illustration d'Arkadij Mošev, 2017.

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Publié le Mardi 27 Novembre 2018, 17:50.


Présentation de l'ouvrage Lever de rideau sur le pays komi
à la Bibliothèque nationale komie (Syktyvkar, Komi, Russie),
le mardi 20 novembre 2018
 

Comptes rendus à la télévision

Юрган, "Вочакыв", en komi, 20.11.2018 :




Коми Гор (Россия 1, "Вести-Коми"), en komi, 20.11.2018 :



Коми Гор (Россия 1, "Вести-Коми"), en anglais/russe, 20.11.2018 :



Юрган, "Студия 11", en anglais/russe, 22.11.2018 :


Comptes rendus dans la presse :



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Publié le Dimanche 25 Novembre 2018, 16:34.


— Un théâtre finno-ougrien de Russie boréale en dialogue avec le monde —


La république de Komi, dans le nord-est de la Russie européenne, est bordée par l’Oural et par la toundra arctique. Au cœur de cette région finno-ougrienne où l’identité repose essentiellement sur la langue et sur le territoire, la société et son histoire entrent en résonance avec un siècle de représentations théâtrales dans l’idiome national.

Au fil des profonds changements de ces cent dernières années, le théâtre komi a pu s’avérer un vecteur de la mythologie et des traditions populaires, de propagande politique en ville et dans les campagnes, ou encore de communication mondialisée.

De l’auteur classique Mihail Lebedev, dont les personnages américains parlaient komi en Corée, au dramaturge contemporain Aleksej Popov, dont les pièces font aujourd’hui le tour de l’Eurasie, cet ouvrage « lève le rideau » sur une culture finno-ougrienne qui, bien au-delà des arts dramatiques, s’offre au dialogue avec le monde, entre les océans Atlantique et Pacifique, de l’Oural aux Alpes, de l’Arctique à la Méditerranée.
 
 
 
Sébastien Cagnoli. Lever de rideau sur le pays komi (Un théâtre finno-ougrien de Russie boréale en dialogue avec le monde). Préface d'Eva Toulouze. – Paris : L'Harmattan & Adéfo, coll. "Bibliothèque finno-ougrienne", vol. 27, 2018. – 520 p. ill. – ISBN 978-2-343-15572-2. – 39 €.
 
 

Présentations publiques en novembre-décembre 2018 :

  • à Nice : vendredi 09/11 à 18h, Librairie Jean Jaurès (2 rue Centrale) ;
  • à Moscou : jeudi 15/11 à 17h30, Représentation permanente de la République de Komi auprès du Président de la Fédération de Russie (Волоколамское шоссе 62) [compte-rendu] ;
  • à Syktyvkar (Komi, Russie) : mardi 20/11 à 13h30, Bibliothèque nationale komie (ул. Советская 13) ;
  • à Körtkerös (Komi, Russie) : jeudi 22/11 à 16h, Bibliothèque régionale de Körtkerös (ул. Советская 187) ;
  • à Paris : lundi 03/12 à 18h (salle 3.11) et mardi 04/12 à 15h (salle 3.18), Inalco (Pôle des langues et civilisations, 65 rue des Grands-Moulins, 13e).


Préface d'Eva Toulouze :

LEVER DE RIDEAU SUR UN PONT ENTRE KOMI ET LE MONDE

Le livre que vous tenez entre les mains est une œuvre originale et précieuse dont la conception et la réalisation ont pris une décennie.

Une œuvre originale et précieuse : ce n’est pas tous les jours que paraît une monographie présentant une vision d’ensemble d’une culture finno-ougrienne, certes à partir d’un aspect précis, mais dans une perspective globale. Le titre dit bien ce qu’il veut dire : Lever de rideau sur le pays komi. « Lever de rideau », parce que ce livre nous présente le pays komi. Ce n’est pas la première œuvre en français portant sur cette riche culture finno-ougrienne, puisque le premier volume de l’Encyclopédie des peuples finno-ougriens leur est consacré. Mais ce recueil d’articles saupoudrait de connaissances un sujet trop vaste pour être exhaustivement traité sous cette forme. Faute d’autres sources en français, ces quelques textes permettaient d’assurer une toute première information. Ils ont la qualité et le défaut d’un recueil rassemblant des études de différents auteurs. Maintenant, nous avons à disposition une somme qui nous permet de découvrir le pays komi de manière relativement systématique. C’est le premier sens du titre.

Mais « lever de rideau » nous conduit tout de suite vers un contexte précis : explicitement, nous sommes au théâtre. De même qu’une représentation scénique n’est pas la vie, le texte sur lequel s’ouvre ce rideau n’en est qu’une des innombrables éventuelles représentations. Mais surtout, l’auteur a fait le choix de nous montrer le pays komi par un angle d’attaque. C’est par le truchement de leur théâtre que les Komis viennent à nous. Tout angle d’attaque est bon et permet de pénétrer dans l’espace exploré. Mais celui-ci est particulièrement riche, car nous allons découvrir la vie komie à partir de la manière dont des auteurs komis représentent leur vie. Nous avons là une perspective infinie en miroir. Le texte de Sébastien Cagnoli dialogue en permanence entre vie et scène : ainsi, quand il nous parle de bilinguisme, c’est le bilinguisme de la société, diversement mis en scène, et intégrant le bilinguisme de la scène, qui s’inscrira dans la mémoire du lecteur. Reflet sui generis de la vie, l’œuvre théâtrale la montre de la manière dont l’auteur de la pièce veut la montrer, et en même temps en devient une partie intégrante.

Est-ce cette particularité qui a amené Sébastien Cagnoli à faire le choix de ce thème ? Il s’en explique dans l’ouvrage. Comme toujours, les voies sont diverses, et sans doute leur cohérence ne finit-elle par s’imposer qu’une fois le résultat achevé. En tout cas, la richesse de cette approche, qui fait dialoguer en permanence texte et contexte, s’impose à la lecture ne serait-ce que de la table des matières. Parler d’économie dans un livre en principe consacré au théâtre ? Mais comment percevoir, comment comprendre le pays komi sans l’éclairage des conditions de vie et de développement de sa population, dans son ensemble et de chacun des membres la composant ?

J’ai parlé de monographie. C’est en effet le résultat des recherches de Sébastien Cagnoli que nous découvrons, et ces recherches sont caractérisées par l’homogénéité que leur confère la personnalité de l’auteur. Pendant des années, au fil de ses découvertes, au gré des thèmes de colloques et des commandes d’articles, l’auteur a jeté des coups de sonde et levé des pans du rideau couvrant les réalités komies. Au bout de dix ans, le moment est venu de faire une synthèse, d’où ce livre. Ce chemin d’exploration, on peut le découvrir en parcourant la liste des œuvres complètes de Sébastien Cagnoli. Ce livre, pour sa part, en est la substantifique moelle.

Ce n’est pas tous les jours qu’une culture minoritaire de Russie trouve ses chantres. L’une des caractéristiques des cultures finno-ougriennes de Russie centrale est le déséquilibre de la recherche les concernant. La situation idéale est quand le regard de l’intérieur et le regard de l’extérieur existent, se complètent et dialoguent. Cette situation est regrettablement rare. Pour les cultures du centre de la Russie, la situation est tristement déséquilibrée en faveur d’une proportion outrageusement dominante du regard intérieur. Les Komis étudient les Komis. Loin de moi de vouloir prétendre qu’ils ont tort. Mais l’étude autochtone a ses limites, d’une part dans les évidences qu’elle est mal placée pour identifier, et d’autre part dans les tabous que la société elle-même produit. La confrontation ne peut être que constructive dans la quête d’une compréhension de plus en plus proche et complexe d’une vérité inaccessible… Quand je dis autochtone, je ne limite pas mon propos au sens étroit de ce mot : songeons à l’impulsion formidable qu’a donnée au débat sur la France dans la IIe guerre mondiale l’ouvrage, publié en 1972, de l’Américain Paxton sur Vichy… Or pour les sociétés non Russes de la Russie centrale, le regard extérieur, sinon inexistant, est minime. Pour le monde komi, on ne peut pas ne pas évoquer, comme le fait Cagnoli, l’Anglais Coates, grand précurseur qui a travaillé dans les années 1970. Quelques Hongrois – Domokos, Vászoly, Rédei… Mais la plupart des étrangers qui se sont penchés sur le monde komi, en raison des spécificités de la recherche finno-ougrienne, sont, comme Rédei, linguistes, et cantonnent leur recherche dans l’exploration synchronique et diachronique des mécanismes internes à la langue…

Sébastien Cagnoli est venu, on peut le dire, tout seul, à la découverte du pays komi. C’est par un intérêt esthétique qu’il y est entré, et non pas porté par une quelconque tradition universitaire. Il n’a certes pas manqué de rejoindre les milieux scientifiques en cours de route, de par le souci de rigueur que le caractérise, mais justement, avec l’indépendance de son itinéraire à lui, maintenant en permanence un dialogue d’égaux. Il a fait aux Komis l’honneur, trop rare, de les étudier à partir de leur langue et non à partir de la langue seconde, celle du colonisateur, aujourd’hui dominante. Il leur a ainsi présenté un miroir original, dont ils lui sont reconnaissants.

Ce livre est précieux, d’une part pour nous, je l’ai suggéré au départ, car il comble une lacune comme il y en a trop concernant les peuples finno-ougriens en français, et dans l’ensemble dans des langues de grande diffusion à l’exception du russe. Mais aussi il est précieux pour les Komis eux-mêmes : d’abord pour leur prouver le sérieux de l’entreprise de découverte et de partage de leur ami et partenaire français, auquel ils ont ouvert toutes les portes, et qui par cet opus magnum leur exprime sa reconnaissance. Mais aussi, tout simplement, dans l’absolu, par le regard extérieur qu’il met à leur disposition sur eux-mêmes et qui leur fait tant défaut.

Ce miroir, il est obligatoirement sui generis. Ce livre en français, ce n’est pas n’importe quel auteur français qui le leur livre : dans la dernière partie de ce livre, Cagnoli met en parallèle les faits komis avec l’expérience intérieure qu’il a des faits niçois. Il ne se contente pas de regarder l’autre. Il en tire des conséquences. Le fait que Cagnoli soit Niçois, engagé dans le monde niçois, le met particulièrement à même de regarder le monde komi avec une compréhension bien plus profonde que simplement un regard depuis Paris. À moins que ce ne soit le contraire ? Que la rencontre du pays komi lui ait permis pleinement de percevoir, de sentir, au-delà de la dimension intellectuelle, la richesse ignorée de la culture et de l’identité niçoise ? Sans doute l’œuf et la poule…

En tout cas, par cet ouvrage, non seulement il nous fait entrer dans le monde komi, mais il nous fait sentir toutes les ramifications de ce monde, jusqu’à très près de nous. Il me reste à souhaiter que Sébastien Cagnoli continuera à investir (au moins une part de) sa sensibilité et son talent à la découverte du monde finno-ougrien, qui n’a pas, au final autant de passeurs qu’il le mériterait…

Mõisamäe, le 24 juillet 2018


Table des matières

Préface (Eva Toulouze)................................................................................................................7

Introduction.................................................................................................................................11
Remerciements..............................................................................................................................27

Première partie – Généralités et société...................................................................................31
Trois caractéristiques identitaires des Komis...............................................................................33
Le sentiment national komi : vers une identité républicaine extralinguistique ?.........................55
Le komi, un cas stratégique pour la connaissance des langues ouraliennes.................................63
Fret ferroviaire entre le Transsibérien et la mer Blanche : le projet Belkomur............................81

Deuxième partie – De la mythologie à la littérature................................................................93
Aux confins de l’Europe boréale :
une introduction aux mythes nationaux dans la littérature komie................................................95
La parenté finno-ougrienne dans la littérature komie :
héritage commun ou influences récentes ?.................................................................................101
Mihail Lebedev et la poésie épique komie.................................................................................109
Ilľa Vaś et les légendes komies...................................................................................................121

Troisième partie – Théâtre en langue nationale.....................................................................125
Le théâtre en langue nationale dans l’histoire du pays komi......................................................127
Le Studio komi de Leningrad (1932-1936) : une nouvelle génération pour le théâtre komi.....145
Svetlana Gorčakova et l’élaboration d’un nouveau répertoire...................................................161
Les Komis entre animisme et christianisme : résonances entre les périodes post-impériale et
post-soviétique dans la création dramatique komie....................................................................169
“Le poème des temples” (1992) : le mythe de saint Étienne revisité.........................................181
“Un blindé perdu dans la taïga” (2009) : les Komis dans le vaste monde.................................219

Quatrième partie – Théâtre et société.....................................................................................243
Mihail Lebedev et la satire politique du monde contemporain..................................................245
Le bilinguisme de la société komie reflété dans le théâtre en langue nationale.........................257
Mises en scène d’une identité non slave de Russie : langue, territoire et décors.......................265
Les nouveaux héros nationaux dans le théâtre komi post-soviétique.........................................279
Un opéra national komi au XXIe siècle.....................................................................................295

Cinquième partie – Perspective finno-ougrienne..................................................................301
Interactions et identités dans les théâtres finno-ougriens de l’Oural et de la Volga...................303
La langue marie au théâtre et à l’opéra – Survol d’un genre littéraire prolifique......................309
Les trois âges du cinéma oudmourte..........................................................................................321
Les langues finno-ougriennes dans la révolution médiatique du « Web 2.0 »...........................357

Sixième partie – Perspective européenne : coopération internationale...............................373
Coopération académique, scientifique et culturelle entre France et Komi.................................375
Traduire Savin............................................................................................................................381
Une comédie komie
– Adaptations et mises en scène niçoises d’un théâtre minoritaire de Russie............................389
Le théâtre en langue nationale comme outil pédagogique dans une société bilingue................401
Observations sur le bilinguisme dans les théâtres komi et niçois
– L’exemple de Ńobdinsa Vittor et Francis Gag........................................................................407
Le modèle finno-ougrien appliqué aux langues régionales de France.......................................421

Annexes.....................................................................................................................................429
Annexe 1. Principes d’écriture...................................................................................................430
Annexe 2. Komi : projections d’un mot multidimensionnel......................................................438
Annexe 3. Toponymes................................................................................................................445
Annexe 4. Statistiques................................................................................................................447
Annexe 5. Constitution de la République komie (1994) : extraits.............................................450
Annexe 6. Cartes........................................................................................................................451

Bibliographie.............................................................................................................................463
Index...........................................................................................................................................485
Table des illustrations...............................................................................................................512

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Publié le Jeudi 23 Août 2018, 15:04.


— "Les cornes" à Nice —

Après une création à Syktyvkar, la version francophone de la comédie d'Öľekśej Popov Les cornes arrive à Nice en avril 2017.

Cette fois, les comédiens sont Sylviane Palomba et Olivier Martineau, dans une nouvelle mise en scène signée Serge Millet, et les personnages s'appellent Hélène et Stéphane.


Théâtre de l'Impasse, 4 ruelle Saint-André, 06300.
Les vendredis 21 et 28 avril à 20h30.
Les samedis 22 et 29 avril à 20h30.
Les dimanches 23 et 30 avril à 15h.



C'est la première fois qu'une pièce de théâtre komie est jouée en France dans une adaptation française. À l'occasion de cet événement, l'auteur n'a pas pu se déplacer mais il a communiqué ce message aux artistes et au public :



Пыдди пуктана артистъяс Сильвьяан, Oливье, режиссер Серж, пьесасö тiян кыв вылö вуджöдысь Себастьян да став войтырыс, кодъяс уджалiсны спектакль петкöдлöм вылын!
Зэв ыджыд аттьö ставныдлы!

Пыдди пуктана видзöдысьяс!
Пöсясьыс пöся чолöмала тiянöс премьераöн! Ме кöть и ылын ола, но тайö здукъясас лоа тiянкöд. Кута мöвпавны тiян йылысь, шуавны бур кывъяс да эскыны, мый артистъяслöн ворсöмыс воас сьöлом вылад. Спектакльыс гажöдыштас тiянöс, сьöлöм сетыштас, ловтö кыпöдас.
Муöдз копыр тiянлы да пöсь чолöм ылi Коми мусянь, кöнi сулалö помтöм-дортöм вöр. Сэнi арнас кутас кисьмыны пув, кодöн чöсмасисны Сильвьяан да Стан. Гашкö, кодсюрöлы и мукöдлы вичмыштiс. Горд пувйыс арнас кутас виччысьны, мед локтiнныд да вотчинныд. И ми Лариса гöтыркöд виччысям. Тi пыр лоанныд миянлы медся дона да пыдди пуктана гöсьтъяснас. И некор ог вунöдöй тiянлысь Коми муö волöмтö.

Аттьö став бурсьыс!

Кузь нэм да бур шуд ставныдлы!

Сыктывкар
Öлексей Попов,
Коми гижысь.
Chers Sylviane et Olivier, les comédiens ; Serge, le metteur en scène ; Sébastien, qui a traduit la pièce dans votre langue ; et tous les gens qui ont œuvré à l’élaboration de ce spectacle ;
un grand merci à tous !

Cher public,
C’est avec un immense plaisir que je vous souhaite la bienvenue à cette première !
Bien que j’habite un peu loin d’ici, sachez que je suis de tout cœur avec vous.
J’espère que le spectacle vous plaira, et que vous apprécierez cette pièce teintée à la fois de
mystère et de comédie.
Je m'adresse à vous depuis le bout du monde : le pays de Komi, où la forêt s’étend à perte de vue. Chez nous, en automne, on peut cueillir une
airelle rouge que Sylviane et Stan ont eu l’occasion de savourer lors de leur voyage : pouv, la canneberge. Je crois savoir que certains d’entre vous y ont goûté aussi. À votre tour, venez cueillir et déguster la canneberge ! Mon épouse Larissa et moi-même, nous vous attendons. Vous serez les bienvenus en pays komi !

Merci pour tout !

Avec toute mon amitié,

Syktyvkar,
Öľek
śej Popov,
écrivain komi.


  

  



Photos SC, avril 2017

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Publié le Lundi 10 Avril 2017, 14:30.


— нисарт йöзкостса висьт ~ conte populaire niçois —

Куль-изсянь[1] пö Антусыс аддзö му пасьтала.

Изйыс йитчö гöраувса тыкöд: сэнi олöны Антусöс кывзысьысь вöр-васа мутияс. Тыыс тайö Антуслöн эмбур. Кутшöмкö кö кыйсьысь чöвтлас вугырсö Ад тыас, то шедас сылы бегемот ыджда лягуша, ас бöрсяыс сэсся ва пыдöсас кыскас.

Колö повны зверъясысь, кодъяс олöны тайö Альпса гöра дорас Фонтан[2] да Бельведэр[3] сиктъяс гöгöр.

Коркö важöн öти вöралысь вöтлысис мичасьыс-мича сизим арöса кöр[4] бöрся.

Но тайö другысьöн мыччысьöм кöрыс вöлi зэв аслыспöлöс: абу мукöдыс кодь сибыд да шань. Збыль вылас тайö вöлi кöр ортсыа чöрт.

Вöралысьыс оз казяв кöрыслысь вожа гыжсö да биа гöрд синсö. Сiйö кутас кöрад пищальсьыс лыйлыны…

Но пуляыс бöр чеччыштö кöр кусьыс. Кульыслы тайö, тыдалö, зэв гажа ворсöм: збоя кöтöртыштас ылöкодь, сэсся вöралысьöс сибöдыштас, мед сiйö матысяньджык лыяс, а пуляыс мед бöр коньöр вöралысьлань чеччыштас. Вöралысьыд и пезьдöдлö, но некутшöм пуля оз пыр гöна куас. Кöрыс водзö котöртö… Вöралысьыд кашкыны нин кутiс… А кöрыд сералö. Кöрсö кыйны кöсйысь мортсö шмоньлив кульыс вайöдлiс Антус изöдз. Сэсянь кыйсьысьыд усьö Адö пыран йирö – некод на сэтысь абу сюрлöма.

Сё мöд висьт эм татшöм сяма накажитöмъяс йывсьыс. Антус мыждылiс найöс, кодъяс озырлун корсьöм могысь пыралiсны сылöн вöраланiнас.

Коркö сэсся Фонтанса да Бельведэрса йöзыс помöдз скöрмисны. Антуслы паныд войнаöн мöдöдчисны.

Котыртчисны зiль да повтöм том миссионеркöд, бура дасьтысисны. Коркö сэсся и петiсны чукöрнаныс туй вылö.

Мунöны. Попыс пасъялöм паськöма. Воисны Адса Ыджыдты нима медыджыд ты дорас.

Попыс Антуслы латин кывйöн шуö, васьыс пö пет да кывзы, мый висьтала.

Вочакывйыс дыркодь эз вöв. Чöв-лöняс кылiс сöмын сиктсаяслöн полана-апасяна лолалöмыс.

Сэсся вабергачöн шызис ва веркöсыс. Лёк дук йöзсö повзьöдiс.

Тайö дукыс петiс Антуслöн ныр-вомсьыс: корöм вылад петiс да сынöднас лолалö. Сиктсаяс аддзисны сiйöс да зэв ёна повзисны. Юрыс абу мортлöн ни абу пемöслöн кодь, куыс вежоват сьöма, сьöд сюра.

«Тайö ме!» – мурöстiс.

Попыс сылань вежа ва койис. Антус бöр вöйö. Ва ёна гыалö.

Миссионер корö Антуссö мунны мутиясыскöд гусьыс.

«Vade retro, Satanas[5]!» – тыас вежа васö койигöн бара шуö.

Вермöм Антус веськöдiс страшнöй бöжсö да чеччыштiс мöдар берегас, сэнi ассьыс мутияссö чукöртö.

Став мутиыс тшöтш петöны тысьыс. Лыд ни тшöт!

Ок кутшöм гаж став сиктсаяслы! Гундырсьыс пö нин мездысим!

Збыльысь-ö? Энöджык на!

Мöдар берегас Антуслы оз позь вежа ванас веськавны; сiйö шуö:

«Сöглас! Ме муна! Верманныд весиг вежны нимсö тайö изйыслысь, кöнi ме олi-вылi… Но ми кутам гортаныд тiянöс виччысьны… Бельведэрын… Фонтанын… ывлаын либö керка пытшканыд. Ми водзджык локтам – гöтыръясныд, тыдалö, тiянöс полöмпырысь виччысьöны, ми накöд сёрнитыштам. Тöдöны-ö найö став вöчöмторъяс йывсьыныд? Тöдö-ö Антонина, кодi век на бöрдö муса да мича ыж видзысь пондаыс, мый Öсип сöмын сылöн озырлун вылас гöтрасис?»

Öсипыс кöсйис вочавидзны. Но Антус лёк гöлöсöн водзö юасис:

«Тэ нö, Камийö, гöтырыдлы висьталiн сы йылысь, мыйта сьöм тэ Бöйса ярманга вылын колян тöлысьö перйин? Висьталiс-ö и Юстö Маргариталы, мый код юрöн усис телегасьыс, а эз чöрс чегöм понда? И Ваньö…»

Весьшöрö миссионерыс босьтчис вежа васö койны. Антуслы нем эз веськав, сiйö водзö лыддьöдлiс вермысьяслысь гуся грекъяссö, ичöтъяссö да ыджыдъяссö!

Ок кутшöм шог вермысьяслы сыысь, мый гöтыръясныс кутасны ставсö тöдны!

Сиктсаясыд вынаöсь, но абу геройяс!

«Кольччы татчö! Жалит миянöс Антус Öксай! – быдöн горзö. – Тэ танi лоан гортад!

 – Но меным окота нин лоис гортаныд ветлыны! Аддзысьлытöдз, бур йöз!»

И мунö мутиясыскöд …

Верöсъяс водзö горзöны:

«Эн! Эн! Эн мун! Сувт нин! Сувт! Ми тэнö колям асшоднад овны, и тэ миянöс эн вöрöд. Эн мун гöтыръяснымкöд аддзысьны!»

– Ичöт сьöлöмаöсь тi! – попыс скöрмис да налань уна вежа ва койис. – Тi öд сайöдчанныд вежа косьысь!

– Ок попöй! Мый тэ эськö вöчин, гöтыра мортöн кö вöлiн! Асьным вöчам могнымöс!»

Бара став выннас кевмысисны, мед Антус жалитас, бöр локтас… Некымынöн уськöдчисны ваö адса чукöрыс бöрся да кебыртчисны став вынсьыс мутияслöн кузь бöжъясас…

Сэки Антус Öксай босьтчис диктуйтны ассьыс условиеяс.

«Сöглас! Сöглас! Öксайö! Тайö изйыс дзикöдз тэнад! Мед век сiйöс шуасны “Куль-изöн”. Мед танi некор некод тэнö оз вöрзьöд! Ми кöсьысям некор не койны вежа васö матiгöгöрас, некор не петкöдлыны татöн ни перна ни мöдтор тэныд паныд. Сарав шумтöг-зыктöг!»

Сэки ваыс ёна резсьöм понда ставöн брöд кöтасисны уна сюрс мути юралысьныскöд вöйисны.




Conte populaire niçois adapté du français en komi par Sébastien Cagnoli et Olga Bazhenova (2011) sur la base de l’ouvrage suivant :

Jean Portail [Жан Портай], Contes et légendes du pays niçois [Ницца йöзкостса важ висьтъяс]. – Paris : Fernand Nathan, 1959.

 



[2] Fontan ~ ключьас, источник.

[3] Bel-védère ~ мича-аддзöм.

[4] Лат. Cervus elaphus («Благородный олень»).

[5] Лат.: «Мун татысь, Антусö!»


Illustrations : Юрий Лисовский ~ Iouri Lissovski
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Publié le Lundi 30 Novembre 2015, 17:03.


— 1937-2015 —
 

Paroles de Pam à son peuple

Avec précaution, [Sérafim] s’approcha de la maison. Même de près, il ne vit aucune lumière à la fenêtre ; seule scintillait dans un coin la pâle lueur du crépuscule. Et puis elle disparut de son champ de vision. Mais l’obscurité n’était pas encore totale.

Sérafim fit toc-toc à la porte. Il attendit un moment. Personne ne répondit ni ne sortit. Il toqua une seconde fois. Pas un bruit. Il saisit alors la poignée. Le lourd battant s’ouvrit en grinçant, comme à contrecœur. Il n’y avait personne. Dans la maison, il faisait encore plus sombre que dehors. Sérafim balaya l’intérieur du regard : une table, un banc et un petit poêle avec une cuisinière dans un coin. Il y avait aussi une armoire contre le mur. À part cela, rien, pas âme qui vive. Sur la table, quelque chose se déplaça en produisant un bruit. Des mouvements rapides s’enchaînèrent. Sérafim avança d’un pas ou deux et… il en resta bouche bée : il vit un échiquier sur lequel les pièces jouaient toutes seules. Aucune main ne les déplaçait. Quel miracle ! Il contempla longuement cette partie sans intervention humaine. Il ne savait que faire : s’asseoir ou ressortir ? Bon sang, allez savoir…

Alors que Sérafim faisait demi-tour, une porte s’ouvrit doucement du côté du poêle, laissant pénétrer une faible lumière. Par là arriva un vieillard chenu à longs cheveux et barbe. Il tenait à la main une chandelle à la flamme chétive. Elle s’était consumée jusqu’à son support de bois. Sur l’échiquier, les pièces bougèrent encore une fois, puis le jeu s’arrêta tout seul.

« Bonjour, voyageur, dit le vieillard avec bienveillance. Je t’attends depuis longtemps. »

Sérafim resta d’abord interdit, mais il finit par retrouver la parole.

« Bonjour, je ne sais pas comment t’appeler…

— Mon nom est long, rit doucement le vieillard, mais pour faire court : “Atlym Ćud Örep Laďej du clan du prince Pam de Permie” [1]. Tu peux dire “Vieux Laďej”. Assieds-toi.

— Et ça, demanda Sérafim en montra l’échiquier du regard, comment ça marche ?

— Je joue avec les yeux et la tête. On s’ennuie, tout seul.

— Ah oui… répliqua Sérafim, faisant semblant de comprendre.

— Je suis vieux, Sérafim…

— Comment me connais-tu ? s’étonna de nouveau le garçon.

— Il se trouve que je sais lire dans les yeux des gens. Je n’ai rien à faire, ici. Je suis un vieil homme. Dans mes rêves, les dieux me rappellent déjà auprès d’eux. Tu viens de Komi. J’ai invoqué une telle personne en pensée. Tu passais près de chez moi et tu as répondu à l’invitation. Écoute.

— Oui, Vieux Laďej.

— Écoute attentivement. N’oublie rien. Dans ma vie solitaire, j’ai vu bien des choses, et bien des choses non vues sont restées aussi dans ma tête. Les loups l’emportent sur les brebis. D’épaisses ténèbres se déploient. Et pas ici, mais dans la vie. Tu es un homme intelligent. Je le vois. Et c’est pourquoi je te raconte cela. Tu m’écoutes ?

— Oui, Vieux Laďej.

— C’est aujourd’hui l’anniversaire du prince Pam de Permie. Les dieux ont disparu, mais ils ne sont pas morts. Et il en est de même des descendants de Pam. En voici un qui étudie dans votre ville au bord du Syktyv [2], dans la plus grande école. Il a réussi à entrer. Il a été admis. Un garçon intelligent. Cultivé. Mais ici, dans la région de l’Ob, à part moi, la plupart des gens vivent avec le peuple local. Ils chassent, ils pêchent, ils élèvent les rennes. Ils ne m’oublient pas : je mange à ma faim, j’ai du bois pour le poêle. Que demander de plus ? J’ai même un chien.

— Je ne l’ai pas remarqué. Je n’ai rien entendu.

— Il aboyait, ici. Je l’ai envoyé un peu plus loin. Pour qu’il ne t’effraie pas. Il me protège. Un bon chien. À quatre-z-yeux.

— Alors tu n’es jamais seul, Vieux Laďej.

— Qu’est-ce que je disais ? Oui. Aujourd’hui, c’est l’anniversaire. Et il faut que je raconte à mon peuple une parole qui me tient à cœur. Ensuite, il n’y aura plus personne. Nul autre ne l’a entendue. Tu pourras revenir tantôt, mais je ne serai plus là.

— Tu vis encore, Vieux Laďej…

— Mais écoute-moi donc, coupa le vieillard. Ainsi parlait le prince Pam : “Ô, Komis, vous êtes peu nombreux. Protégez-vous les uns les autres. Un jour je reviendrai… non parmi vous, mais dans vos cœurs…

”Je ne dénigre pas le Moine Śťep, celui qu’on appelle Étienne de Permie [3]. Il apportait un nouveau Dieu, au profit de Moscou. Mais, mon cher fils, pendant mille ans nous avons eu notre propre mode de vie : si le peuple komi l’oublie, il disparaîtra complètement de la terre. Respecte tes grands-parents et tes parents, sache t’accorder avec la nature, veille sur ton pays natal comme sur toi-même. Qu’a-t-il dit de neuf, Étienne de Permie ?…

”Moi, je suis né, j’ai vécu et je mourrai dans la croyance en nos divinités. Je ne dis pas cela pour moi seul. Mais au nom de tous les Permiens. Ou bien pendant mille ans nos aïeux se seraient-ils fourvoyés ? Ils ont protégé notre pays contre les regards envieux…

”La Nouvelle Babylone approche. Si l’on a des griffes et des crocs, alors on est un homme. Ne vous disputez pas en vain avec les gens qui parlent une autre langue, mais ne perdez pas la vôtre. La vie embrouille les gens. Le gros poisson avale le petit. Gardez-vous en troupeau, vous resterez vous-mêmes ; si vous vous dispersez, vous vous perdrez…

”Pendant des siècles, le peuple komi a vécu sa vie propre. Aujourd’hui, un grand nombre de gens, au fond d’eux, oublient leurs noms, leur mode de vie, leur foi, leur langue. La chance sourit aux coupables, le malheur frappe des innocents…” Tu m’écoutes, Sérafim ?

— Oui, Vieux Laďej.

— Dans la région de l’Ob, il y a de longs siècles, existait une localité du nom de Šörkar : grande, joyeuse, c’est aujourd’hui le bourg de Sherkaly…

— Et c’est là que nous allons, avec mes camarades ! s’exclama Sérafim.

— Quelques verstes plus haut, et bien auparavant, se dressaient les yourtes d’Atlym : Grand-Atlym et Petit-Atlym, non loin l’une de l’autre. Là s’établit le prince Pam, qui avait été piégé et expulsé de Komi par la violence. Ils avaient voulu le tuer, mais ils n’y étaient pas parvenus. Il arriva avec sa suite. Les Komis étaient riches, puissants, mais surtout bienveillants. Si tu fais du bien à quelqu’un, il te le rendra dix fois. Les arrivants furent donc accueillis avec générosité. Et Pam dut vivre loin des terres et des tombes des Komis.

— Et où alla-t-il ensuite ?

— Il dort maintenant au bord de l’Ob, là où se dressaient les yourtes d’Atlym. En amont de l’actuel Sherkaly. La tombe, certes, s’est effacée. Mais il a promis de se réveiller et de sortir de terre, pour conduire les Komis vers un bonheur autonome. Ainsi parla-t-il : “Je vais dormir, pour me réveiller à une autre époque.”

— Et toi, tu as vu la tombe de Pam, Vieux Laďej ?

— Je l’ai vue. Mais je ne veux pas le réveiller avant l’heure. Il se réveillera lui-même. Ainsi parla-t-il. »

La chandelle clignotait sur la table.

Sérafim regarda sa montre. Le vieux Laďej hocha la tête.

« Tu dois te remettre en route.

— Oui, les camarades m’attendent.

— Savate (Čajpod) te conduira par le plus court chemin.

— Qui ?

— Savate. Mon chien. Il est noir, mais sa poitrine et le bout de sa queue et de ses pattes sont blancs.

— Il ne sait pas où je vais.

— Savate sait tout, il est capable de comprendre, il ne lui manque que la parole », répliqua le vieux Laďej avec un large sourire. “Un vieillard au cœur humble, au visage rayonnant, à l’esprit vif et très original, se dit Sérafim. À la maison, je leur raconterai cette rencontre.”

« Dans la vie, chaque jour est une fête, soupira le vieux Laďej. Un jour, une vie parfaite s’établira. La clarté de la terre est vaste. Il y en aura pour tout le monde. Chacun à sa place. Soyez amis avec la nature, c’est un cadeau des dieux, protégez-la comme vos ancêtres, apprenez leurs enseignements : il est difficile de vivre sans racines. Ne vous querellez pas les uns avec les autres. Les paroles dures, méchantes, ne plaisent ni aux gens, ni même aux végétaux : elles attaquent, elles tuent. Protégez votre pays. La violente tempête “Šuvgej” a tout balayé sur son passage, laissant derrière elle des terres broussailleuses et abandonnées, des prés en friche, des villages désertés [4]. Si vous ne vous protégez pas vous-mêmes, qui vous protégera ? Ne vous opposez pas à la nouvelle foi : gardez-la dans un coin de la tête et vivez selon votre bon sens. La Femme d’Or ne nous a pas attiré vers le mal : elle nous a éduqués au bien. Les anciens Komis l’adoraient par-dessus tout.

— La Femme d’Or ? J’en ai beaucoup entendu parler. De nos jours, on la cherche encore. Et elle existe ? La Femme d’Or ?

— Oui. Pam veille sur elle. Et de ce côté-ci de l’Oural, les gens vénèrent la Femme d’Or et Vojpöľ. Les Ougriens. Ils les considèrent comme leurs.

— Ils les vénèrent encore aujourd’hui ?

— Et depuis toujours. Elle recèle bien des secrets, la taïga, dans la région de l’Ob. Nous sommes des peuples cousins. Ce côté-ci de l’Oural s’appelle Manśipal, c’est-à-dire : “le pays mansi” ; l’autre côté de l’Oural, c’est Saranpal : “le pays zyriène”. Beaucoup de noms et de mots d’ici te seraient familiers : Šörkar (la ville du Centre), Śölöm-Iz (le mont du Cœur), Śura-Iz (le mont Cornu), ńań (le pain), luzan (le sac à dos) et bien d’autres. Et leur Sorńi-Naj, c’est votre Femme d’Or (Zarńi Ań). Et voilà. Eh bien, allons-y. Attends seulement un instant…

— Vieux Laďej, merci de tout cœur pour ton récit. Tes paroles se sont gravées en moi. Tiens, j’ai un lièvre dans ma besace, je viens de l’attraper, ainsi qu’un grand coq de bruyère et une gélinotte. Je veux te les laisser. »

Sérafim commença à ouvrir sa besace, mais le vieux Laďej l’arrêta.

« Il fait nuit, à présent, il est trop tard pour chasser. Et tu dois rapporter de la viande à tes camarades. Je le sais. Tu n’as pas chassé tout cela pour toi. Attends un instant. »

Le vieillard alla dans sa chambre et revint avec une boîte en écorce de bouleau haute de deux empans.

« Que veux-tu me donner ? Ce n’est pas la peine…

— Voici du miel. Des environs de Sherkaly. »

Sérafim bredouilla de surprise.

« Oh, non ! Je ne peux pas accepter.

— Prends-le, Sérafim. On me l’a apporté. Mais c’est un cadeau pour toi, de la part du prince Pam de Permie.

— C’est son anniversaire, aujourd’hui ?

— Oui, c’est cela.

— Eh bien, je laisse ce grand coq de bruyère de bon cœur. En cadeau de ma part.

— Tu auras beaucoup de difficultés à surmonter, Sérafim. Après l’armée, je te souhaite de rentrer étudier en Komi, dans la plus grande école, où s’instruit le descendant du prince Pam de Permie.

— J’y réfléchirai, Vieux Laďej. Et comment il s’appelle ?

— Le temps viendra… vous ferez connaissance », dit le vieux Laďej.

Et, se tournant vers la taïga, il poussa un long sifflement.

Aussitôt, son chien était à ses pieds.

… Et le chien à quatre-z-yeux du vieux Laďej, qui répondait au nom de Savate, conduisit vraiment Sérafim à travers l’épaisse forêt […].

« Merci, merci beaucoup à toi, mon chien Savate ! Transmets mes chaleureuses salutations et mes meilleurs vœux au vieux Laďej. Que longtemps encore il vive à la lumière. »

Et il agita la main vers la maison de Savate. Le chien comprit, remua la queue, jappa une fois ou deux et disparut dans la nuit noire.



Vladimir Timine naquit le 2 juillet 1937 en-deçà de l’Oural, dans un village de la « RSS autonome de Komi », en Russie soviétique. S’il est surtout connu pour sa poésie, il est également l’auteur de quelques récits très remarqués, où l’histoire et le folklore occupent une place prépondérante. Membre du mouvement national komi à partir de la fin des années 1980, il joua un rôle important dans la vie intellectuelle de la République lors des années de souveraineté (1991-1992) puis au sein de la Fédération de Russie. Rédacteur en chef de la revue littéraire L'Étoile du Nord [Войвыв кодзув], vice-président de l’Union des écrivains komis, il était une personnalité majeure de la scène culturelle du pays. Il est mort hier soir, le 25 novembre 2015, à Syktyvkar.

Le texte ci-dessus est extrait de son roman Un blindé perdu dans la taïga [Пармаын вошöм БТР], d’abord paru en feuilleton dans la revue Concorde [Арт] (numéros 1 à 3 de l’année 2007), puis la même année aux éditions Kola. Écrit en komi, l’une des deux langues officielles de la république, ce roman est une aventure humaine épique, caractéristique de cette grande contrée cosmopolite qu’est la Russie.


* * *


[1] Un nom komi traditionnel est constitué de la juxtaposition des noms d’usage des ascendants, du plus ancien jusqu’à la personne qu’il désigne (en l’occurrence : « Laďej fils d’Örep fils de Ćud… »), en partant d’aussi loin que le permette la transmission orale de la génalogie. Le fait que le personnage ait un nom « très long » laisse entendre 1) qu’il est issu d’une famille komie aussi vieille, peut-être, que le peuple komi lui-même, et 2) qu’il est porteur de la connaissance de toute l’histoire cette famille — et par extension, de toute l’histoire du peuple komi. Ce personnage incarne donc en quelque sorte « la conscience du peuple komi ».

[2] La ville au bord du Syktyv (en russe : Sysola), c’est « Syktyvkar », aujourd’hui capitale de la République de Komi.

[3] Envoyé par Moscou avec une armée russe, l’évêque Étienne de Permie a évangélisé les Komis au XIVe siècle. Les légendes ont gardé la mémoire d’un certain Pam, qui aurait tenté de défendre le pays komi et ses traditions face aux envahisseurs. À partir de cette époque, les Komis qui refusaient de se soumettre à l’autorité des Russes ont reculé peu à peu vers le nord (Izhma) et vers la Sibérie (Ob).

[4] Dans la mythologie komie, Šuvgej est un souffle, un vent, qui peut être dangereux, enlever les gens, les posséder. C’est un esprit maléfique susceptible d’induire ses victimes en erreur en changeant de forme et en se faisant passer pour diverses créatures.

photo : Körtkerös, 21/10/2007

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Publié le Jeudi 26 Novembre 2015, 18:59.


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