2021 : un épisode de la série H24 (Arte) écrit par Sofi Oksanen.
2021 : parution de l'article "Luiza Potolycina et son mari – L’œuvre komie d’Aleksandr Rekemčuk" dans la revue Études finno-ougriennes.
07/2021 : création d'Innocence, opéra de Kaija Saariaho sur un livret original de Sofi Oksanen, au festival d'Aix-en-Provence.
Printemps 2021 : parution d'une anthologie de poésie komie, en collaboration avec Yves Avril, aux éd. Paradigme.
04/2021 : représentations de Vincent River de Philip Ridley à Bertrix (Luxembourg belge).
04/2021 : deux nouveautés de Sofi Oksanen (Le parc à chiens @ Stock et Une jupe trop courte @ Points Poésie).
01/2021 : réédition de Sœurs de cœur, de Salla Simukka, au Livre de Poche.
01/2021 : parution du roman O, de Miki Liukkonen, au Castor Astral.
01/2021 : parution d'Espars à Nice.
01/2021 : parution du roman Sans toucher terre, d'Antti Rönkä, aux éd. Rivages.
12/2020 :"Jeff d'en Bellet", chronique sur Thomas Jefferson @ Cultura Viva.
11/2020 :Démocratie au temps du choléra : Herzen et Garibaldi à Nice autour de 1848, conférence-concert avec Nadia Metlov & Hélène Grabowska-Metlov à la bibliothèque Louis-Nucéra, Niceen ligne.
11/2020 :lecture de poèmes de Caj Westerberg dans le cadre de l'expo Sammallahti.
10/2020 : présentation de l'Anthologie de la poésie komie à Syktyvkar ("Journée des peuples finno-ougriens", Bibliothèque nationale de Komi).
09/2020-01/2021 : exposition de poèmes de Caj Westerberg à Nice (musée Charles Negre, expo Miniatures de Pentti Sammallahti).
08/2020 : Congressus XIII Internationalis Fenno-Ugristarum, Universität Wien. (reporté)
07/2020 : création d'Innocence, opéra de Kaija Saariaho sur un livret original de Sofi Oksanen, au festival d'Aix-en-Provence. (reporté)
05/2020 : collaboration à la revue Books à propos de l'actualité littéraire finlandaise.
03/2020 :1er prix ex-æquo au concours de traduction poétique organisé par l’Inalco et l’Ambassade d’Estonie.
03/2020 : représentations de Purge, de Sofi Oksanen, à Angoulême.
02/2020 : parution du roman Le papillon de nuit, de Katja Kettu, chez Actes Sud.
11/2019 : réédition de Ils ne savent pas ce qu'ils font, de Jussi Valtonen, au Livre de Poche.
11/2019 : Conférence sur les langues autochtones de l’Europe, Institut finlandais & Inalco, Paris.
10/2019 : parution de "Ni scandinaves, ni slaves : des voix originales d'Europe du Nord", préface à Ma muse n’est pas à vendre, poèmes d'Ivan Kouratov choisis et traduits par Yves Avril, éd. Paradigme.
08/2019 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi dans le cadre du 15e Congrès des littératures finno-ougriennes, Kolozsvár, Roumanie.
05/2019 : parution d'Une soirée de toute cruauté, de Karo Hämäläinen, chez Actes Sud (coll. Actes noirs).
03/2019 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi à Genève.
01/2019 : parution de Sœurs de cœur, de Salla Simukka, chez Hachette.
12/2018 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi à Paris.
11/2018 : lecture publique de la pièce Purge de Sofi Oksanen à Cognac.
11/2018 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi à Nice, à Moscou et en République de Komi (Syktyvkar et région de Körtkerös).
08/2018 : parution de Lever de rideau sur le pays komi, L'Harmattan & Adéfo, coll. "Bibliothèque finno-ougrienne".
05/2018 : réédition de Norma, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.
05/2018 : parution d'un article de Sofi Oksanen au Nouveau Magazine Littéraire, mai 2018.
03-04/2018 : représentations de Vincent River de Philip Ridley au Théâtre Ouvert Luxembourg.
01/2018 :Cent ans de musique et de poésie entre Nice et Finlande, concert-lecture autour d’Armas Launis et d’Uuno Kailas, Nice, bibliothèque Louis-Nucéra.
11/2017 : "L’imaginaire national finlandais à l’épreuve du centenaire - Un regard du XXIe siècle sur la poésie patriotique d’Uuno Kailas", dans le cadre du colloque Révolutions russes ; images et imaginaire en Russie et en France, Nice.
11/2017 : lecture d'extraits de la pièce Purge de Sofi Oksanen au Théâtre de l'Atalante (Paris) dans le cadre des rencontres Traduire - Transmettre.
10/2017-01/2018 : reprise des Cornes d'Alexeï Popov au Théâtre de l'Impasse (+ en tournée le 07/10 à Saint-André, le 27/10 à Falicon, les 13-14/01 à Vence).
09/2017 : réédition de Norma de Sofi Oksanen en grands caractères (éd. Voir de Près).
08/2017 : parution de l'article "Une comédie komie – Adaptations et mises en scène niçoises d'un théâtre minoritaire de Russie", dans la revue bretonne Klask, n° 11.
08/2017 : "Are Finns ashamed of their independence? - A 21st century look at Uuno Kailas’ patriotic poetry", dans le cadre du 14e Congrès des littératures finno-ougriennes, Tartu, Musée national d'Estonie.
08/2017 : "Garibaldi und Nizza – ein Epos zwischen Frankreich und Italien", dans le cadre du 4e colloque de la Garibaldi Gesellschaft, Kirchberg, Sachsen.
06/2017 : représentations des Cornes d'Alexeï Popov à Châteauneuf-Villevieille.
04/2017 : représentations des Cornes d'Alexeï Popov (Nice, Théâtre de l'Impasse).
03/2017 : parution de Norma, de Sofi Oksanen, chez Stock.
01/2017 : parution de Ils ne savent pas ce qu'ils font, de Jussi Valtonen, chez Fayard.
12/2016 : "Une comédie komie – Adaptations et mises en scène niçoises d'un théâtre minoritaire de Russie", dans le cadre d'une journée d'étude à l'université Rennes 2.
08/2016 : parution du Récif, de Seita Vuorela-Parkkola, chez Actes Sud Junior.
08/2016 : expo sur le pays komi dans les livres étrangers, Bibliothèque nationale de la République de Komi, Syktyvkar.
06/2016 : réédition des Chants des forêts de Nikolai Abramov à la Bibliothèque nationale de la République de Carélie.
01/2016 : présentation de Uuno Kailas de Heinola à Nice au Centre de Documentation Provençale (Bollène).
11/2015 : parution de Noir comme l'ébène, de Salla Simukka, chez Hachette et au Livre de Poche.
10/2015 :Uuno Kailas de Heinola à Nice – Cent ans de musique et de poésie entre Nice et Finlande, concert-lecture à Helsinki.
10/2015 :Sofi Oksanen à Nice, rencontre avec Sofi Oksanen et Miquèu de Carabatta à Helsinki autour de Quora despareissèron lu colombs.
09/2015 : première de la pièce d'Alexeï Popov Les cornes par la compagnie La Chance du Débutant (au Théâtre National Komi, Syktyvkar).
09/2015 : réédition de Baby Jane, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.
09-12/2015 : résidence de traduction à l'HCAS (Helsinki).
05/2015 : parution de Blanc comme la neige, de Salla Simukka, chez Hachette et au Livre de Poche.
03/2015 : parution du poème de Nina Obrezkova "Un jour tu rentreras chez toi", à Syktyvkar (brochure réunissant des traductions du même texte dans 14 langues différentes).
03/2015 :Destination Russie (Châtenay-Malabry), festival consacré à la République de Komi, à l'initiative de l'association MIR Franco-Russe.
02/2015 : présentation des Colombs à Aix-en-Provence.
01/2015 : parution de l'article "La parenté finno-ougrienne dans la littérature komie : héritage commun ou influences récentes ?" dans la revue Études finno-ougriennes.
12/2014 : 1é mercat leterari de Calèna (Nice)
11/2014 : parution de Rouge comme le sang, de Salla Simukka, chez Hachette et au Livre de Poche.
09/2014-01/2015 : exposition de travaux généalogiques et historiques à Nice (musée Masséna, expo La marqueterie niçoise).
05/2014 : parution de Baby Jane, de Sofi Oksanen, chez Stock.
04/2014 : réédition de Quand les colombes disparurent, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.
03/2014 : parution de La Sage-femme, de Katja Kettu, chez Actes Sud.
Je suis né où reluit l’étoile boréale,
Où l’aurore polaire épand tous ses sept tons,
Tandis que, par poignées, du ciel d’hiver dévale
Le plus cher des trésors : les argentins flocons.
Je suis né où rugissent les bois infinis,
Où se pavanent pins, épicéas, mélèzes,
Où les rudes gelées font que l’été s’abrège,
Antre du renard bleu et du renne endurci.
Je suis né où les eaux de la taïga sont pures,
L’air se voile au printemps de fleurs de cerisiers,
Mais en hiver le sol gèle jusqu’aux rochers.
Or à quoi bon se plaindre de cette froidure ?
Je suis né, passe et passerai ma vie future
Où sous la lune brille un blanc manteau nacré.
Али вынтӧм коми море? Али лажмыд сылӧн шӧр? Мед эз личкав выль мир дорӧм – Страна корӧ тырмидз вӧр. Ызгы гора, зарни море! Коми мырсьысь, зіля вӧр!
Нёбдiнса Виттор, 1933
LA MAR KOMI
Jamai noun ai vist la mar, Noun counouissi lou siéu cant. Dihon que la mar es larga, blu, Sensa tremegna ni counfin. Jamai noun ai vist la mar, Noun counouissi lou siéu cant.
Iéu, counouissi la mar Komi : La mairìs grana, sensa tremegna Que d’un cant jouious counvida à l’obra, Que’s lou luèc dóu gauch de viéure. Iéu, counouissi la mar Komi : La mairìs grana, sensa tremegna.
Dihon que la mar es jouiousa e lusenta, E bèla quoura es chatelina ; Que lou siéu piech va sempre mouvent, Que noun està jamai silenta. Que jouiouisa va sempre mouvent, Que noun està jamai silenta.
Aloura ! trista la mar Komi ? Aloura ! semblerìa laida ? Aquì ressouòna la farga de la vida, Canta la serra, juèga lou destrau. Aloura ! trista la mar Komi ? Aloura ! semblerìa laida ?
Dihon que la mar es grana e founda Dihon que la mar es proun fouòrta : Quoura ven trucà un roucas, Tout alentour reboumba lou tron. Dihon que la mar es grana e founda Dihon que la mar es proun fouòrta :
Aloura ! debla la mar Komi ? Que ! serìa gaire founda ? Boumbilhèsse la farga dóu mounde nòu : Lou nouòstre bouòsc nen fa mestié. Bulhe a plena vous, mar daurada ! Travalhaire Komi, afane-ti !
Revirada : M. de Carabatta & S. Cagnoli, 2018
LA MER KOMIE
Je n’ai jamais connu la mer, Son chant ne m’est point parvenu. On la dit vaste et bleue, la mer, Sans limite à perte de vue. Je n’ai jamais connu la mer, Son chant ne m’est point parvenu.
Mais je connais la mer komie : La vaste forêt sans limites. Son chant regorge d’énergie, Sa joie de vivre nous invite. Mais je connais la mer komie : La vaste forêt sans limites.
On dit son flot brillant gaiement, Et si beau lorsqu’elle est sereine. Son sein serait toujours mouvant, Jamais le silence n’y règne. On dit son flot mouvant gaiement, Jamais le silence n’y règne.
Comment, triste, la mer komie ? Comment, laide, son apparence ? Là sonne la forge de vie, La scie chante et la hache danse. Comment, triste, la mer komie ? La scie chante et la hache danse.
On dit la mer grande et profonde, Dotée d’une force grandiose : Quand la falaise essuie sa fronde, C’est le tonnerre qui explose. On dit la mer grande et profonde, Dotée d’une force grandiose.
Quoi, la mer komie serait frêle ? Sa profondeur insuffisante ? Que souffle la forge nouvelle : Tous de nos forêts se contentent. Bouillonne fort, trésor fidèle ! Main-d’œuvre komie, sois vaillante !
Traduction : S. Cagnoli, 2018
L'auteur : Viktor Savin, dit Ńobdinsa Vittor (1888-1943).
— Un théâtre finno-ougrien de Russie boréale en dialogue avec le monde —
La république de Komi, dans le nord-est de la Russie européenne, est bordée par l’Oural et par la toundra arctique. Au cœur de cette région finno-ougrienne où l’identité repose essentiellement sur la langue et sur le territoire, la société et son histoire entrent en résonance avec un siècle de représentations théâtrales dans l’idiome national.
Au fil des profonds changements de ces cent dernières années, le théâtre komi a pu s’avérer un vecteur de la mythologie et des traditions populaires, de propagande politique en ville et dans les campagnes, ou encore de communication mondialisée.
De l’auteur classique Mihail Lebedev, dont les personnages américains parlaient komi en Corée, au dramaturge contemporain Aleksej Popov, dont les pièces font aujourd’hui le tour de l’Eurasie, cet ouvrage « lève le rideau » sur une culture finno-ougrienne qui, bien au-delà des arts dramatiques, s’offre au dialogue avec le monde, entre les océans Atlantique et Pacifique, de l’Oural aux Alpes, de l’Arctique à la Méditerranée.
Sébastien Cagnoli. Lever de rideau sur le pays komi (Un théâtre finno-ougrien de Russie boréale en dialogue avec le monde). Préface d'Eva Toulouze. – Paris : L'Harmattan & Adéfo, coll. "Bibliothèque finno-ougrienne", vol. 27, 2018. – 520 p. ill. – ISBN 978-2-343-15572-2. – 39 €.
Présentations publiques en novembre-décembre 2018 :
à Nice : vendredi 09/11 à 18h, Librairie Jean Jaurès (2 rue Centrale) ;
à Moscou : jeudi 15/11 à 17h30, Représentation permanente de la République de Komi auprès du Président de la Fédération de Russie (Волоколамское шоссе 62) [compte-rendu] ;
à Syktyvkar (Komi, Russie) : mardi 20/11 à 13h30, Bibliothèque nationale komie (ул. Советская 13) ;
à Körtkerös (Komi, Russie) : jeudi 22/11 à 16h, Bibliothèque régionale de Körtkerös (ул. Советская 187) ;
à Paris : lundi 03/12 à 18h (salle 3.11) et mardi 04/12 à 15h (salle 3.18), Inalco (Pôle des langues et civilisations, 65 rue des Grands-Moulins, 13e).
Préface d'Eva Toulouze :
LEVER DE RIDEAU SUR UN PONT ENTRE KOMI ET LE MONDE
Le livre que vous tenez entre les mains est une œuvre originale et
précieuse dont la conception et la réalisation ont pris une décennie.
Une œuvre originale et précieuse : ce n’est pas tous les jours que
paraît une monographie présentant une vision d’ensemble d’une culture
finno-ougrienne, certes à partir d’un aspect précis, mais dans une
perspective globale. Le titre dit bien ce qu’il veut dire : Lever de
rideau sur le pays komi. « Lever de rideau », parce que ce livre nous
présente le pays komi. Ce n’est pas la première œuvre en français
portant sur cette riche culture finno-ougrienne, puisque le premier
volume de l’Encyclopédie des peuples finno-ougriens leur est consacré.
Mais ce recueil d’articles saupoudrait de connaissances un sujet trop
vaste pour être exhaustivement traité sous cette forme. Faute d’autres
sources en français, ces quelques textes permettaient d’assurer une
toute première information. Ils ont la qualité et le défaut d’un recueil
rassemblant des études de différents auteurs. Maintenant, nous avons à
disposition une somme qui nous permet de découvrir le pays komi de
manière relativement systématique. C’est le premier sens du titre.
Mais « lever de rideau » nous conduit tout de suite vers un contexte
précis : explicitement, nous sommes au théâtre. De même qu’une
représentation scénique n’est pas la vie, le texte sur lequel s’ouvre
ce rideau n’en est qu’une des innombrables éventuelles représentations.
Mais surtout, l’auteur a fait le choix de nous montrer le pays komi par
un angle d’attaque. C’est par le truchement de leur théâtre que les
Komis viennent à nous. Tout angle d’attaque est bon et permet de
pénétrer dans l’espace exploré. Mais celui-ci est particulièrement
riche, car nous allons découvrir la vie komie à partir de la manière
dont des auteurs komis représentent leur vie. Nous avons là une
perspective infinie en miroir. Le texte de Sébastien Cagnoli dialogue en
permanence entre vie et scène : ainsi, quand il nous parle de
bilinguisme, c’est le bilinguisme de la société, diversement mis en
scène, et intégrant le bilinguisme de la scène, qui s’inscrira dans la
mémoire du lecteur. Reflet sui generis de la vie, l’œuvre théâtrale la
montre de la manière dont l’auteur de la pièce veut la montrer, et en
même temps en devient une partie intégrante.
Est-ce cette particularité qui a amené Sébastien Cagnoli à faire le
choix de ce thème ? Il s’en explique dans l’ouvrage. Comme toujours, les
voies sont diverses, et sans doute leur cohérence ne finit-elle par
s’imposer qu’une fois le résultat achevé. En tout cas, la richesse de
cette approche, qui fait dialoguer en permanence texte et contexte,
s’impose à la lecture ne serait-ce que de la table des matières. Parler
d’économie dans un livre en principe consacré au théâtre ? Mais comment
percevoir, comment comprendre le pays komi sans l’éclairage des
conditions de vie et de développement de sa population, dans son
ensemble et de chacun des membres la composant ?
J’ai parlé de monographie. C’est en effet le résultat des recherches de
Sébastien Cagnoli que nous découvrons, et ces recherches sont
caractérisées par l’homogénéité que leur confère la personnalité de
l’auteur. Pendant des années, au fil de ses découvertes, au gré des
thèmes de colloques et des commandes d’articles, l’auteur a jeté des
coups de sonde et levé des pans du rideau couvrant les réalités komies.
Au bout de dix ans, le moment est venu de faire une synthèse, d’où ce
livre. Ce chemin d’exploration, on peut le découvrir en parcourant la
liste des œuvres complètes de Sébastien Cagnoli. Ce livre, pour sa part,
en est la substantifique moelle.
Ce n’est pas tous les jours qu’une culture minoritaire de Russie trouve
ses chantres. L’une des caractéristiques des cultures finno-ougriennes
de Russie centrale est le déséquilibre de la recherche les concernant.
La situation idéale est quand le regard de l’intérieur et le regard de
l’extérieur existent, se complètent et dialoguent. Cette situation est
regrettablement rare. Pour les cultures du centre de la Russie, la
situation est tristement déséquilibrée en faveur d’une proportion
outrageusement dominante du regard intérieur. Les Komis étudient les
Komis. Loin de moi de vouloir prétendre qu’ils ont tort. Mais l’étude
autochtone a ses limites, d’une part dans les évidences qu’elle est mal
placée pour identifier, et d’autre part dans les tabous que la société
elle-même produit. La confrontation ne peut être que constructive dans
la quête d’une compréhension de plus en plus proche et complexe d’une
vérité inaccessible… Quand je dis autochtone, je ne limite pas mon
propos au sens étroit de ce mot : songeons à l’impulsion formidable qu’a
donnée au débat sur la France dans la IIe guerre mondiale l’ouvrage,
publié en 1972, de l’Américain Paxton sur Vichy… Or pour les sociétés
non Russes de la Russie centrale, le regard extérieur, sinon
inexistant, est minime. Pour le monde komi, on ne peut pas ne pas
évoquer, comme le fait Cagnoli, l’Anglais Coates, grand précurseur qui a
travaillé dans les années 1970. Quelques Hongrois – Domokos, Vászoly,
Rédei… Mais la plupart des étrangers qui se sont penchés sur le monde
komi, en raison des spécificités de la recherche finno-ougrienne, sont,
comme Rédei, linguistes, et cantonnent leur recherche dans l’exploration
synchronique et diachronique des mécanismes internes à la langue…
Sébastien Cagnoli est venu, on peut le dire, tout seul, à la découverte
du pays komi. C’est par un intérêt esthétique qu’il y est entré, et non
pas porté par une quelconque tradition universitaire. Il n’a certes pas
manqué de rejoindre les milieux scientifiques en cours de route, de par
le souci de rigueur que le caractérise, mais justement, avec
l’indépendance de son itinéraire à lui, maintenant en permanence un
dialogue d’égaux. Il a fait aux Komis l’honneur, trop rare, de les
étudier à partir de leur langue et non à partir de la langue seconde,
celle du colonisateur, aujourd’hui dominante. Il leur a ainsi présenté
un miroir original, dont ils lui sont reconnaissants.
Ce livre est précieux, d’une part pour nous, je l’ai suggéré au départ,
car il comble une lacune comme il y en a trop concernant les peuples
finno-ougriens en français, et dans l’ensemble dans des langues de
grande diffusion à l’exception du russe. Mais aussi il est précieux
pour les Komis eux-mêmes : d’abord pour leur prouver le sérieux de
l’entreprise de découverte et de partage de leur ami et partenaire
français, auquel ils ont ouvert toutes les portes, et qui par cet opus
magnum leur exprime sa reconnaissance. Mais aussi, tout simplement, dans
l’absolu, par le regard extérieur qu’il met à leur disposition sur
eux-mêmes et qui leur fait tant défaut.
Ce miroir, il est obligatoirement sui generis. Ce livre en français, ce
n’est pas n’importe quel auteur français qui le leur livre : dans la
dernière partie de ce livre, Cagnoli met en parallèle les faits komis
avec l’expérience intérieure qu’il a des faits niçois. Il ne se contente
pas de regarder l’autre. Il en tire des conséquences. Le fait que
Cagnoli soit Niçois, engagé dans le monde niçois, le met
particulièrement à même de regarder le monde komi avec une compréhension
bien plus profonde que simplement un regard depuis Paris. À moins que
ce ne soit le contraire ? Que la rencontre du pays komi lui ait permis
pleinement de percevoir, de sentir, au-delà de la dimension
intellectuelle, la richesse ignorée de la culture et de l’identité
niçoise ? Sans doute l’œuf et la poule…
En tout cas, par cet ouvrage, non seulement il nous fait entrer dans le
monde komi, mais il nous fait sentir toutes les ramifications de ce
monde, jusqu’à très près de nous. Il me reste à souhaiter que Sébastien
Cagnoli continuera à investir (au moins une part de) sa sensibilité et
son talent à la découverte du monde finno-ougrien, qui n’a pas, au final
autant de passeurs qu’il le mériterait…
Première partie – Généralités et société...................................................................................31 Trois caractéristiques identitaires des Komis...............................................................................33 Le sentiment national komi : vers une identité républicaine extralinguistique ?.........................55 Le komi, un cas stratégique pour la connaissance des langues ouraliennes.................................63 Fret ferroviaire entre le Transsibérien et la mer Blanche : le projet Belkomur............................81
Deuxième partie – De la mythologie à la littérature................................................................93 Aux confins de l’Europe boréale : une introduction aux mythes nationaux dans la littérature komie................................................95 La parenté finno-ougrienne dans la littérature komie : héritage commun ou influences récentes ?.................................................................................101 Mihail Lebedev et la poésie épique komie.................................................................................109 Ilľa Vaś et les légendes komies...................................................................................................121
Troisième partie – Théâtre en langue nationale.....................................................................125 Le théâtre en langue nationale dans l’histoire du pays komi......................................................127 Le Studio komi de Leningrad (1932-1936) : une nouvelle génération pour le théâtre komi.....145
Svetlana Gorčakova et l’élaboration d’un nouveau répertoire...................................................161 Les Komis entre animisme et christianisme : résonances entre les périodes post-impériale et
post-soviétique dans la création dramatique komie....................................................................169 “Le poème des temples” (1992) : le mythe de saint Étienne revisité.........................................181 “Un blindé perdu dans la taïga” (2009) : les Komis dans le vaste monde.................................219
Quatrième partie – Théâtre et société.....................................................................................243 Mihail Lebedev et la satire politique du monde contemporain..................................................245 Le bilinguisme de la société komie reflété dans le théâtre en langue nationale.........................257 Mises en scène d’une identité non slave de Russie : langue, territoire et décors.......................265 Les nouveaux héros nationaux dans le théâtre komi post-soviétique.........................................279 Un opéra national komi au XXIe siècle.....................................................................................295
Cinquième partie – Perspective finno-ougrienne..................................................................301 Interactions et identités dans les théâtres finno-ougriens de l’Oural et de la Volga...................303 La langue marie au théâtre et à l’opéra – Survol d’un genre littéraire prolifique......................309 Les trois âges du cinéma oudmourte..........................................................................................321 Les langues finno-ougriennes dans la révolution médiatique du « Web 2.0 »...........................357
Sixième partie – Perspective européenne : coopération internationale...............................373 Coopération académique, scientifique et culturelle entre France et Komi.................................375 Traduire Savin............................................................................................................................381 Une comédie komie – Adaptations et mises en scène niçoises d’un théâtre minoritaire de Russie............................389 Le théâtre en langue nationale comme outil pédagogique dans une société bilingue................401 Observations sur le bilinguisme dans les théâtres komi et niçois – L’exemple de Ńobdinsa Vittor et Francis Gag........................................................................407 Le modèle finno-ougrien appliqué aux langues régionales de France.......................................421
Annexes.....................................................................................................................................429 Annexe 1. Principes d’écriture...................................................................................................430 Annexe 2. Komi : projections d’un mot multidimensionnel......................................................438 Annexe 3. Toponymes................................................................................................................445 Annexe 4. Statistiques................................................................................................................447 Annexe 5. Constitution de la République komie (1994) : extraits.............................................450 Annexe 6. Cartes........................................................................................................................451
Bibliographie.............................................................................................................................463 Index...........................................................................................................................................485 Table des illustrations...............................................................................................................512
Après une création à Syktyvkar, la version francophone de la comédie d'Öľekśej Popov Les cornes arrive à Nice en avril 2017.
Cette fois, les comédiens sont Sylviane Palomba et Olivier Martineau, dans une nouvelle mise en scène signée Serge Millet, et les personnages s'appellent Hélène et Stéphane.
Théâtre de l'Impasse, 4 ruelle Saint-André, 06300. Les vendredis 21 et 28 avril à 20h30. Les samedis 22 et 29 avril à 20h30. Les dimanches 23 et 30 avril à 15h.
C'est la première fois qu'une pièce de théâtre komie est jouée en France dans une adaptation française. À l'occasion de cet événement, l'auteur n'a pas pu se déplacer mais il a communiqué ce message aux artistes et au public :
Пыдди пуктана артистъяс Сильвьяан, Oливье, режиссер Серж, пьесасö тiян кыв вылö вуджöдысь Себастьян да став войтырыс, кодъяс уджалiсны спектакль петкöдлöм вылын! Зэв ыджыд аттьö ставныдлы!
Пыдди пуктана видзöдысьяс! Пöсясьыс пöся чолöмала тiянöс премьераöн! Ме кöть и ылын ола, но тайö здукъясас лоа тiянкöд. Кута мöвпавны тiян йылысь, шуавны бур кывъяс да эскыны, мый артистъяслöн ворсöмыс воас сьöлом вылад. Спектакльыс гажöдыштас тiянöс, сьöлöм сетыштас, ловтö кыпöдас. Муöдз копыр тiянлы да пöсь чолöм ылi Коми мусянь, кöнi сулалö помтöм-дортöм вöр. Сэнi арнас кутас кисьмыны пув, кодöн чöсмасисны Сильвьяан да Стан. Гашкö, кодсюрöлы и мукöдлы вичмыштiс. Горд пувйыс арнас кутас виччысьны, мед локтiнныд да вотчинныд. И ми Лариса гöтыркöд виччысям. Тi пыр лоанныд миянлы медся дона да пыдди пуктана гöсьтъяснас. И некор ог вунöдöй тiянлысь Коми муö волöмтö.
Аттьö став бурсьыс!
Кузь нэм да бур шуд ставныдлы!
Сыктывкар Öлексей Попов, Коми гижысь.
Chers Sylviane et Olivier, les comédiens ; Serge, le metteur en scène ; Sébastien, qui a traduit la pièce dans votre langue ; et tous les gens qui ont œuvré à l’élaboration de ce spectacle ; un grand merci à tous !
Cher public, C’est avec un immense plaisir que je vous souhaite la bienvenue à cette première ! Bien que j’habite un peu loin d’ici, sachez que je suis de tout cœur avec vous. J’espère que le spectacle vous plaira, et que vous apprécierez cette pièce teintée à la fois de mystère et de comédie. Je m'adresse à vous depuis le bout du monde : le pays de Komi, où la forêt s’étend à perte de vue. Chez nous, en automne, on peut cueillir une airelle rouge que Sylviane et Stan ont eu l’occasion de savourer lors de leur voyage : pouv, la canneberge. Je crois savoir que certains d’entre vous y ont goûté aussi. À votre tour, venez cueillir et déguster la canneberge ! Mon épouse Larissa et moi-même, nous vous attendons. Vous serez les bienvenus en pays komi !
«Сöглас! Сöглас! Öксайö! Тайö изйысдзикöдз тэнад! Мед век сiйöс шуасны “Куль-изöн”. Мед танiнекор некод тэнö оз вöрзьöд! Ми кöсьысям некор не койны вежа васö матiгöгöрас, некор непеткöдлыны татöн ни перна
ни мöдтортэныд паныд. Сарав шумтöг-зыктöг!»
Avec précaution, [Sérafim] s’approcha de la maison. Même de près,
il ne vit aucune lumière à la fenêtre ; seule scintillait dans un coin la
pâle lueur du crépuscule. Et puis elle disparut de son champ de vision. Mais l’obscurité
n’était pas encore totale.
Sérafim fit toc-toc à la porte. Il attendit un moment. Personne
ne répondit ni ne sortit. Il toqua une seconde fois. Pas un bruit. Il saisit
alors la poignée. Le lourd battant s’ouvrit en grinçant, comme à contrecœur. Il
n’y avait personne. Dans la maison, il faisait encore plus sombre que dehors. Sérafim
balaya l’intérieur du regard : une table, un banc et un petit poêle avec
une cuisinière dans un coin. Il y avait aussi une armoire contre le mur. À part
cela, rien, pas âme qui vive. Sur la table, quelque chose se déplaça en
produisant un bruit. Des mouvements rapides s’enchaînèrent. Sérafim avança d’un
pas ou deux et… il en resta bouche bée : il vit un échiquier sur lequel
les pièces jouaient toutes seules. Aucune main ne les déplaçait. Quel miracle !
Il contempla longuement cette partie sans intervention humaine. Il ne savait que
faire : s’asseoir ou ressortir ? Bon sang, allez savoir…
Alors que Sérafim faisait demi-tour, une porte s’ouvrit doucement
du côté du poêle, laissant pénétrer une faible lumière. Par là arriva un
vieillard chenu à longs cheveux et barbe. Il tenait à la main une chandelle à
la flamme chétive. Elle s’était consumée jusqu’à son support de bois. Sur l’échiquier,
les pièces bougèrent encore une fois, puis le jeu s’arrêta tout seul.
« Bonjour, voyageur, dit le vieillard avec bienveillance.
Je t’attends depuis longtemps. »
Sérafim resta d’abord interdit, mais il finit par retrouver la
parole.
« Bonjour, je ne sais pas comment t’appeler…
— Mon nom est long, rit doucement le vieillard, mais pour
faire court : “Atlym Ćud Örep Laďej du clan du prince Pam de Permie” [1]. Tu
peux dire “Vieux Laďej”. Assieds-toi.
— Et ça, demanda Sérafim en montra l’échiquier du regard,
comment ça marche ?
— Je joue avec les yeux et la tête. On s’ennuie, tout
seul.
— Ah oui… répliqua Sérafim, faisant semblant de
comprendre.
— Je suis vieux, Sérafim…
— Comment me connais-tu ? s’étonna de nouveau le
garçon.
— Il se trouve que je sais lire dans les yeux des gens. Je
n’ai rien à faire, ici. Je suis un vieil homme. Dans mes rêves, les dieux me rappellent
déjà auprès d’eux. Tu viens de Komi. J’ai invoqué une telle personne en pensée.
Tu passais près de chez moi et tu as répondu à l’invitation. Écoute.
— Oui, Vieux Laďej.
— Écoute attentivement. N’oublie rien. Dans ma vie
solitaire, j’ai vu bien des choses, et bien des choses non vues sont restées
aussi dans ma tête. Les loups l’emportent sur les brebis. D’épaisses ténèbres se
déploient. Et pas ici, mais dans la vie. Tu es un homme intelligent. Je le vois.
Et c’est pourquoi je te raconte cela. Tu m’écoutes ?
— Oui, Vieux Laďej.
— C’est aujourd’hui l’anniversaire du prince Pam de Permie.
Les dieux ont disparu, mais ils ne sont pas morts. Et il en est de même des
descendants de Pam. En voici un qui étudie dans votre ville au bord du Syktyv [2], dans
la plus grande école. Il a réussi à entrer. Il a été admis. Un garçon
intelligent. Cultivé. Mais ici, dans la région de l’Ob, à part moi, la plupart
des gens vivent avec le peuple local. Ils chassent, ils pêchent, ils élèvent
les rennes. Ils ne m’oublient pas : je mange à ma faim, j’ai du bois pour
le poêle. Que demander de plus ? J’ai même un chien.
— Je ne l’ai pas remarqué. Je n’ai rien entendu.
— Il aboyait, ici. Je l’ai envoyé un peu plus loin. Pour
qu’il ne t’effraie pas. Il me protège. Un bon chien. À quatre-z-yeux.
— Alors tu n’es jamais seul, Vieux Laďej.
— Qu’est-ce que je disais ? Oui. Aujourd’hui, c’est
l’anniversaire. Et il faut que je raconte à mon peuple une parole qui me tient
à cœur. Ensuite, il n’y aura plus personne. Nul autre ne l’a entendue. Tu
pourras revenir tantôt, mais je ne serai plus là.
— Tu vis encore, Vieux Laďej…
— Mais écoute-moi donc, coupa le vieillard. Ainsi parlait
le prince Pam : “Ô, Komis, vous êtes peu nombreux. Protégez-vous les uns
les autres. Un jour je reviendrai… non parmi vous, mais dans vos cœurs…
”Je ne dénigre pas le Moine Śťep, celui qu’on appelle Étienne
de Permie [3]. Il apportait un nouveau Dieu, au profit de Moscou. Mais, mon cher
fils, pendant mille ans nous avons eu notre propre mode de vie : si le
peuple komi l’oublie, il disparaîtra complètement de la terre. Respecte tes
grands-parents et tes parents, sache t’accorder avec la nature, veille sur ton
pays natal comme sur toi-même. Qu’a-t-il dit de neuf, Étienne de Permie ?…
”Moi, je suis né, j’ai vécu et je mourrai dans la croyance en
nos divinités. Je ne dis pas cela pour moi seul. Mais au nom de tous les
Permiens. Ou bien pendant mille ans nos aïeux se seraient-ils fourvoyés ? Ils
ont protégé notre pays contre les regards envieux…
”La Nouvelle Babylone approche. Si l’on a des griffes et des
crocs, alors on est un homme. Ne vous disputez pas en vain avec les gens qui
parlent une autre langue, mais ne perdez pas la vôtre. La vie embrouille les
gens. Le gros poisson avale le petit. Gardez-vous en troupeau, vous resterez vous-mêmes ;
si vous vous dispersez, vous vous perdrez…
”Pendant des siècles, le peuple komi a vécu sa vie propre. Aujourd’hui,
un grand nombre de gens, au fond d’eux, oublient leurs noms, leur mode de vie,
leur foi, leur langue. La chance sourit aux coupables, le malheur frappe des
innocents…” Tu m’écoutes, Sérafim ?
— Oui, Vieux Laďej.
— Dans la région de l’Ob, il y a de longs siècles, existait
une localité du nom de Šörkar : grande, joyeuse, c’est aujourd’hui le
bourg de Sherkaly…
— Et c’est là que nous allons, avec mes camarades ! s’exclama
Sérafim.
— Quelques verstes plus haut, et bien auparavant, se dressaient
les yourtes d’Atlym : Grand-Atlym et Petit-Atlym, non loin l’une de l’autre.
Là s’établit le prince Pam, qui avait été piégé et expulsé de Komi par la
violence. Ils avaient voulu le tuer, mais ils n’y étaient pas parvenus. Il arriva
avec sa suite. Les Komis étaient riches, puissants, mais surtout bienveillants.
Si tu fais du bien à quelqu’un, il te le rendra dix fois. Les arrivants furent donc
accueillis avec générosité. Et Pam dut vivre loin des terres et des tombes des
Komis.
— Et où alla-t-il ensuite ?
— Il dort maintenant au bord de l’Ob, là où se dressaient
les yourtes d’Atlym. En amont de l’actuel Sherkaly. La tombe, certes, s’est
effacée. Mais il a promis de se réveiller et de sortir de terre, pour conduire les
Komis vers un bonheur autonome. Ainsi parla-t-il : “Je vais dormir, pour me
réveiller à une autre époque.”
— Et toi, tu as vu la tombe de Pam, Vieux Laďej ?
— Je l’ai vue. Mais je ne veux pas le réveiller avant l’heure.
Il se réveillera lui-même. Ainsi parla-t-il. »
La chandelle clignotait sur la table.
Sérafim regarda sa montre. Le vieux Laďej hocha la tête.
« Tu dois te remettre en route.
— Oui, les camarades m’attendent.
— Savate (Čajpod)
te conduira par le plus court chemin.
— Qui ?
— Savate. Mon chien. Il est noir, mais sa poitrine et le
bout de sa queue et de ses pattes sont blancs.
— Il ne sait pas où je vais.
— Savate sait tout, il est capable de comprendre, il ne
lui manque que la parole », répliqua le vieux Laďej avec un large sourire.
“Un vieillard au cœur humble, au visage rayonnant, à l’esprit vif et très
original, se dit Sérafim. À la maison, je leur raconterai cette rencontre.”
« Dans la vie, chaque jour est une fête, soupira le vieux
Laďej. Un jour, une vie parfaite s’établira. La clarté de la terre est vaste. Il
y en aura pour tout le monde. Chacun à sa place. Soyez amis avec la nature, c’est
un cadeau des dieux, protégez-la comme vos ancêtres, apprenez leurs enseignements :
il est difficile de vivre sans racines. Ne vous querellez pas les uns avec les
autres. Les paroles dures, méchantes, ne plaisent ni aux gens, ni même aux végétaux :
elles attaquent, elles tuent. Protégez votre pays. La violente tempête “Šuvgej”
a tout balayé sur son passage, laissant derrière elle des terres
broussailleuses et abandonnées, des prés en friche, des villages désertés [4]. Si
vous ne vous protégez pas vous-mêmes, qui vous protégera ? Ne vous opposez
pas à la nouvelle foi : gardez-la dans un coin de la tête et vivez selon
votre bon sens. La Femme d’Or ne nous a pas attiré vers le mal : elle nous
a éduqués au bien. Les anciens Komis l’adoraient par-dessus tout.
— La Femme d’Or ? J’en ai beaucoup entendu parler. De
nos jours, on la cherche encore. Et elle existe ? La Femme d’Or ?
— Oui. Pam veille sur elle. Et de ce côté-ci de l’Oural,
les gens vénèrent la Femme d’Or et Vojpöľ. Les Ougriens. Ils les considèrent
comme leurs.
— Ils les vénèrent encore aujourd’hui ?
— Et depuis toujours. Elle recèle bien des secrets, la
taïga, dans la région de l’Ob. Nous sommes des peuples cousins. Ce côté-ci de l’Oural
s’appelle Manśipal, c’est-à-dire : “le pays mansi” ;
l’autre côté de l’Oural, c’est Saranpal : “le pays
zyriène”. Beaucoup de noms et de mots d’ici te seraient familiers : Šörkar
(la ville du Centre), Śölöm-Iz
(le mont du Cœur), Śura-Iz
(le mont Cornu), ńań (le pain), luzan (le sac à dos) et bien d’autres. Et leur Sorńi-Naj, c’est votre Femme d’Or (Zarńi Ań). Et voilà. Eh bien, allons-y. Attends seulement un
instant…
— Vieux Laďej, merci de tout cœur pour ton récit. Tes
paroles se sont gravées en moi. Tiens, j’ai un lièvre dans ma besace, je viens
de l’attraper, ainsi qu’un grand coq de bruyère et une gélinotte. Je veux te les
laisser. »
Sérafim commença à ouvrir sa besace, mais le vieux Laďej l’arrêta.
« Il fait nuit, à présent, il est trop tard pour chasser.
Et tu dois rapporter de la viande à tes camarades. Je le sais. Tu n’as pas
chassé tout cela pour toi. Attends un instant. »
Le vieillard alla dans sa chambre et revint avec une boîte en
écorce de bouleau haute de deux empans.
« Que veux-tu me donner ? Ce n’est pas la peine…
— Voici du miel. Des environs de Sherkaly. »
Sérafim bredouilla de surprise.
« Oh, non ! Je ne peux pas accepter.
— Prends-le, Sérafim. On me l’a apporté. Mais c’est un
cadeau pour toi, de la part du prince Pam de Permie.
— C’est son anniversaire, aujourd’hui ?
— Oui, c’est cela.
— Eh bien, je laisse ce grand coq de bruyère de bon cœur.
En cadeau de ma part.
— Tu auras beaucoup de difficultés à surmonter, Sérafim. Après
l’armée, je te souhaite de rentrer étudier en Komi, dans la plus grande école, où
s’instruit le descendant du prince Pam de Permie.
— J’y réfléchirai, Vieux Laďej. Et comment il s’appelle ?
— Le temps viendra… vous ferez connaissance », dit le
vieux Laďej.
Et, se tournant vers la taïga, il poussa un long sifflement.
Aussitôt, son chien était à ses pieds.
… Et le chien à quatre-z-yeux du vieux Laďej, qui répondait au
nom de Savate, conduisit vraiment Sérafim à travers l’épaisse forêt […].
« Merci, merci beaucoup à toi, mon chien Savate ! Transmets
mes chaleureuses salutations et mes meilleurs vœux au vieux Laďej. Que
longtemps encore il vive à la lumière. »
Et il agita la main vers la maison de Savate. Le chien comprit,
remua la queue, jappa une fois ou deux et disparut dans la nuit noire.
Vladimir Timine naquit le 2 juillet 1937 en-deçà de
l’Oural, dans un village de la « RSS autonome de Komi », en Russie soviétique. S’il est surtout
connu pour sa poésie, il est également l’auteur de quelques récits très
remarqués, où l’histoire et le folklore occupent une place prépondérante. Membre du mouvement national komi à partir de la fin des années 1980, il joua un rôle important dans la vie intellectuelle de la République lors des années de souveraineté (1991-1992) puis au sein de la Fédération de Russie. Rédacteur en chef de la revue littéraire L'Étoile du Nord [Войвыв кодзув], vice-président de l’Union des écrivains komis, il était une personnalité majeure de la scène culturelle du pays. Il est mort hier soir, le 25 novembre 2015, à Syktyvkar.
Le texte ci-dessus est extrait de son roman Un blindé perdu dans la taïga [Пармаын вошöм БТР], d’abord paru en feuilleton dans la revue Concorde [Арт] (numéros 1
à 3 de l’année 2007), puis la même
année aux éditions Kola. Écrit en komi, l’une des deux langues officielles de la république, ce roman est une aventure humaine épique,
caractéristique de cette grande contrée cosmopolite qu’est la Russie.
* * *
[1] Un nom komi traditionnel est constitué de la
juxtaposition des noms d’usage des ascendants, du plus ancien jusqu’à la
personne qu’il désigne (en l’occurrence : « Laďej fils d’Örep fils de
Ćud… »), en partant d’aussi loin que le permette la transmission orale de
la génalogie. Le fait que le personnage ait un nom « très long »
laisse entendre 1) qu’il est issu d’une famille komie aussi vieille, peut-être,
que le peuple komi lui-même, et 2) qu’il est porteur de la connaissance de toute l’histoire cette famille — et par extension,
de toute l’histoire du peuple komi. Ce personnage incarne donc en quelque sorte
« la conscience du peuple komi ».
[2] La ville au bord du Syktyv (en russe : Sysola),
c’est « Syktyvkar », aujourd’hui capitale de la République de Komi.
[3] Envoyé par Moscou avec une armée russe, l’évêque
Étienne de Permie a évangélisé les Komis au XIVe siècle. Les légendes
ont gardé la mémoire d’un certain Pam, qui aurait tenté de défendre le pays
komi et ses traditions face aux envahisseurs. À partir de cette époque, les
Komis qui refusaient de se soumettre à l’autorité des Russes ont reculé peu à
peu vers le nord (Izhma) et vers la Sibérie (Ob).
[4] Dans la mythologie komie, Šuvgej est un
souffle, un vent, qui peut être dangereux, enlever les gens, les posséder. C’est
un esprit maléfique susceptible d’induire ses victimes en erreur en changeant de
forme et en se faisant passer pour diverses créatures.
À Syktyvkar, la troupe est accueillie à l'Union des Écrivains Komis et au Théâtre National.
Le 23 septembre, l'ouverture du festival est célébrée avec la création de la pièce Lebalyś göśt (Le visiteur volant), version originale komie des Cornes.
Le lendemain, les artistes nicois et komis se réunissent lors d'une soirée folklorique :