2025 : parution du roman Paula, d'Ann-Christin Antell, chez Hachette.
2025 : parution du Livre rouge des ruptures, de Pirkko Saisio, chez Robert Laffont.
11/2024 : festival Les Boréales (Caen), avec Sofi Oksanen, Petra Rautiainen, Pirkko Saisio et Niillas Holmberg.
09/2024 : parution du roman Martta, d'Ann-Christin Antell, chez Hachette.
09/2024 : parution d'un roman d'Iida Turpeinen aux éditions Autrement.
09/2024 : parution d'À contre-jour, de Pirkko Saisio, chez Robert Laffont.
18/05/2024 : lecture concertante autour d'Espars (Citadelle Saint-Elme, Villefranche-sur-Mer).
02-03/05/2024 : représentations de Vincent River de Philip Ridley à Asnières (Compagnie SansElixir).
10/04/2024 : parution du roman Jenny, d'Ann-Christin Antell, chez Hachette (1er volume de la trilogie Trois femmes de la Baltique).
03/2024 : parution en CD du cycle Les sots et les sages, d'Henri-Claude Fantapié (notamment sur des textes d'Uuno Kailas), par Sophie Pattey et Marie-Christine Marella, chez Chanteloup Musique.
20/03/2024 : lecture concertante autour d'Espars (Cannes).
18/03/2024 : rencontre autour des mammifères marins dans les romans de Petra Rautiainen et d'Iida Turpeinen ainsi que dans Espars, à l'initiative de la Rivieran Suomi-seura (Nice).
15/03/2024 : réédition d'Un pays de neige et de cendres, de Petra Rautiainen, chez Points.
15/03/2024 : parution de La mémoire des mers, roman de Petra Rautiainen, au Seuil.
03-05/2024 : représentations de Vincent River de Philip Ridley à Paris (nouvelle production, La Porteuse d'Eau).
23-25/02/2024 : représentations de Vincent River de Philip Ridley à Paris (nouvelle production, Compagnie SansElixir).
16/02/2024 : parution de La femme grenouille, roman de Niillas Holmberg, au Seuil.
11/01/2024 : parution du Plus petit dénominateur commun, de Pirkko Saisio, chez Robert Laffont.
02/12/2023 : mercat leterari de Calèna (Nissa).
25-26/11/2023 : salon du livre des Essarts-le-Roi (Yvelines).
11/2023 : parution en avant-première de Lazaret, poème épique en mètre irrationnel, à Nice.
10/11/2023 : lecture concertante autour d'Espars (Nice).
08/11/2023 : parution de Deux fois dans le même fleuve, essai de Sofi Oksanen, chez Stock.
02-03/11/2023 : "Luovus" de Niillas Holmberg avec l'orchestre du Centre national des Arts (Ottawa).
28-29/10/2023 : salon du livre à Colmars.
24/10/2023 :Les sots et les sages, cycle de mélodies trilingue d'Henri-Claude Fantapié (notamment sur des textes d'Uuno Kailas), par Sophie Pattey et Marie-Christine Marella, à L'Accord Parfait (Paris 18e).
30/09/2023 : remise du prix Méditerranée "poésie" pour Espars à Perpignan.
23/08/2023 : réédition de Sans toucher terre, d'Antti Rönkä, chez Rivages Poche.
12/08/2023 : extraits d'Espars (lecture concertante) en la chapelle Notre-Dame de la Menour (Moulinet).
07/2023 : festival littéraire à Lectoure (Gers) sur le thème du Grand Nord (poésie komie et décolonialisme same).
06/2023 : réédition d'Une soirée de toute cruauté, de Karo Hämäläinen, chez Babel noir.
06/2023 : parution d'Elisabet, poèmes de Miki Liukkonen, au Castor Astral.
04/2023 :Prix Méditerranée poésie 2023 pour Espars.
03/2023 : parution d'Espars, poème épique en mètre irrationnel, aux éditions du Ver à Soie, avec des illustrations originales d'Elza Lacotte.
03/2023 : parution de Racines, recueil de poèmes en mètre irrationnel, à Nice.
02/2023 : réédition du Parc à chiens, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.
10/2022 : représentations de Purge de Sofi Oksanen à Bordeaux, par la compagnie Le Meilleur des Mondes.
09-10/2022 :Festival Vo-Vf, Paris et Gif-sur-Yvette.
09/2022 : parution de l'article "Luiza Potolycina et son mari – L’œuvre komie d’Aleksandr Rekemčuk" dans la revue Études finno-ougriennes.
04/2022 : parution du Vocalisateur ébaubi à Nice.
03/2022 : tribune de Sofi Oksanen sur la finlandisation dans Le Monde.
03/2022 : parution du roman Un pays de neige et de cendres, de Petra Rautiainen, au Seuil.
03/2022 : à l'occasion de la présidence française de l’UE, parution d'un article de Sofi Oksanen dans le recueil collectif Le Grand Tour (Grasset).
02/2022 :Lo Peolh Revengut, edicion promiera.
02/2022 : à l'occasion du Printemps des Poètes, présentation d'Espars dans l'anthologie Là où dansent les éphémères (Le Castor Astral).
11/2021 :Les sots et les sages, cycle de mélodies trilingue d'Henri-Claude Fantapié (notamment sur des textes d'Uuno Kailas), par Sophie Pattey et Marie-Christine Marella à L'Accord Parfait (Paris 18e).
10/2021 : reprise de Purge de Sofi Oksanen par la compagnie Le Meilleur des Mondes.
10/2021 : parution d'un poème d'Aaro Hellaakoski en exergue d'un ouvrage de Pentti Sammallahti, aux éd. Xavier Barral.
10/2021 :un épisode de la série H24 écrit par Sofi Oksanen ; diffusion sur Arte et parution en recueil collectif chez Actes Sud.
07/2021 : parution d'une anthologie de poésie komie, en collaboration avec Yves Avril, aux éd. Paradigme.
07/2021 : création d'Innocence, opéra de Kaija Saariaho sur un livret de Sofi Oksanen & Aleksi Barrière, au festival d'Aix-en-Provence ; diffusion sur Arte Concert.
05/2021 : réédition au Livre de Poche du recueil d'Ursula K. Le Guin Aux douze vents du monde, avec en exergue le poème d'AE Housman duquel il tire son titre.
04/2021 :rencontre avec Miki Liukkonen à l'initiative de l'Ambassade de Finlande à Paris.
04/2021 :représentations de Vincent River de Philip Ridley à Bertrix (Luxembourg belge). (reporté)
04/2021 :Une jupe trop courte de Sofi Oksanen @ Points Poésie.
04/2021 :Le parc à chiens de Sofi Oksanen @ Stock.
03/2021 :"La reconciliacion pantaiada", analyse de tableau @ Cultura Viva.
03/2021 : chronique hebdomadaire sur Cultures Sauvages.
01/2021 : réédition de Sœurs de cœur, de Salla Simukka, au Livre de Poche.
01/2021 : parution d'Espars, poème épique en mètre irrationnel, à Nice.
01/2021 : parution du roman O, de Miki Liukkonen, au Castor Astral.
01/2021 : parution du roman Sans toucher terre, d'Antti Rönkä, aux éd. Rivages.
12/2020 :"Jeff d'en Bellet", chronique sur Thomas Jefferson @ Cultura Viva.
11/2020 :Démocratie au temps du choléra : Herzen et Garibaldi à Nice autour de 1848, conférence-concert avec Nadia Metlov & Hélène Grabowska-Metlov à la bibliothèque Louis-Nucéra, Niceen ligne.
11/2020 :lecture de poèmes de Caj Westerberg dans le cadre de l'expo Sammallahti.
10/2020 : présentation de l'Anthologie de la poésie komie à Syktyvkar ("Journée des peuples finno-ougriens", Bibliothèque nationale de Komi).
09/2020-05/2021 : exposition de poèmes de Caj Westerberg à Nice (musée Charles Negre, expo Miniatures de Pentti Sammallahti).
08/2020 : Congressus XIII Internationalis Fenno-Ugristarum, Universität Wien. (reporté)
07/2020 : création d'Innocence, opéra de Kaija Saariaho sur un livret original de Sofi Oksanen, au festival d'Aix-en-Provence. (reporté)
08/2020 : parution d'un poème d'AE Housmandans le roman graphique L'accident de chasse (Carlson & Blair, éd. Sonatine ; prix Ouest-France-Quai des bulles 2020 ; fauve d'or au festival d'Angoulême 2021 ; grand prix des lectrices de Elle 2021).
05/2020 : collaboration à la revue Books à propos de l'actualité littéraire finlandaise.
03/2020 :1er prix ex-æquo au concours de traduction poétique organisé par l’Inalco et l’Ambassade d’Estonie.
03/2020 : représentations de Purge, de Sofi Oksanen, à Angoulême (compagnie Le Meilleur des Mondes).
02/2020 : concerts à Neuchâtel, avec des poèmes d'AE Housman.
02/2020 : parution du roman Le papillon de nuit, de Katja Kettu, chez Actes Sud.
11/2019 : réédition de Ils ne savent pas ce qu'ils font, de Jussi Valtonen, au Livre de Poche.
11/2019 : Conférence sur les langues autochtones de l’Europe, Institut finlandais & Inalco, Paris.
10/2019 : parution de "Ni scandinaves, ni slaves : des voix originales d'Europe du Nord", préface à Ma muse n’est pas à vendre, poèmes d'Ivan Kouratov choisis et traduits par Yves Avril, éd. Paradigme.
08/2019 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi dans le cadre du 15e Congrès des littératures finno-ougriennes, Kolozsvár, Roumanie.
05/2019 : parution d'Une soirée de toute cruauté, de Karo Hämäläinen, chez Actes Sud (coll. Actes noirs).
03/2019 : réédition en Folio du roman d'Anna Hope La salle de bal, avec des vers d'AE Housman.
03/2019 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi à Genève.
02/2019 : réédition au Livre de Poche du roman de Kate Atkinson L'homme est un dieu en ruine, avec des vers d'AE Housman.
01/2019 : parution de Sœurs de cœur, de Salla Simukka, chez Hachette.
12/2018 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi à Paris.
11/2018 : lecture publique de la pièce Purge de Sofi Oksanen à Cognac.
11/2018 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi à Nice, à Moscou et en République de Komi (Syktyvkar et région de Körtkerös).
08/2018 : parution de Lever de rideau sur le pays komi, L'Harmattan & Adéfo, coll. "Bibliothèque finno-ougrienne".
05/2018 : parution d'un poème d'AE Housman en exergue du recueil d'Ursula K. Le Guin Aux douze vents du monde (Le Bélial'), qui en tire son titre.
05/2018 : réédition de Norma, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.
05/2018 : parution d'un article de Sofi Oksanen au Nouveau Magazine Littéraire, mai 2018.
03-04/2018 : représentations de Vincent River de Philip Ridley au Théâtre Ouvert Luxembourg.
01/2018 :Cent ans de musique et de poésie entre Nice et Finlande, concert-lecture autour d’Armas Launis et d’Uuno Kailas, Nice, bibliothèque Louis-Nucéra.
11/2017 : "L’imaginaire national finlandais à l’épreuve du centenaire - Un regard du XXIe siècle sur la poésie patriotique d’Uuno Kailas", dans le cadre du colloque Révolutions russes ; images et imaginaire en Russie et en France, Nice.
11/2017 : lecture d'extraits de la pièce Purge de Sofi Oksanen au Théâtre de l'Atalante (Paris) dans le cadre des rencontres Traduire - Transmettre.
10/2017-01/2018 : reprise des Cornes d'Alexeï Popov au Théâtre de l'Impasse (+ en tournée le 07/10 à Saint-André, le 27/10 à Falicon, les 13-14/01 à Vence).
09/2017 : réédition de Norma de Sofi Oksanen en grands caractères (éd. Voir de Près).
08/2017 : parution de l'article "Une comédie komie – Adaptations et mises en scène niçoises d'un théâtre minoritaire de Russie", dans la revue bretonne Klask, n° 11.
08/2017 : "Are Finns ashamed of their independence? - A 21st century look at Uuno Kailas’ patriotic poetry", dans le cadre du 14e Congrès des littératures finno-ougriennes, Tartu, Musée national d'Estonie.
08/2017 : "Garibaldi und Nizza – ein Epos zwischen Frankreich und Italien", dans le cadre du 4e colloque de la Garibaldi Gesellschaft, Kirchberg, Sachsen.
06/2017 : parution de vers d'AE Housman dans le roman d'Anna Hope La salle de bal (Gallimard).
06/2017 : représentations des Cornes d'Alexeï Popov à Châteauneuf-Villevieille.
04/2017 : représentations des Cornes d'Alexeï Popov (Nice, Théâtre de l'Impasse).
03/2017 : parution de Norma, de Sofi Oksanen, chez Stock.
01/2017 : parution de vers d'AE Housman dans le roman de Kate Atkinson L'homme est un dieu en ruine (JC Lattès).
01/2017 : parution de Ils ne savent pas ce qu'ils font, de Jussi Valtonen, chez Fayard.
12/2016 : "Une comédie komie – Adaptations et mises en scène niçoises d'un théâtre minoritaire de Russie", dans le cadre d'une journée d'étude à l'université Rennes 2.
08/2016 : parution du Récif, de Seita Vuorela-Parkkola, chez Actes Sud Junior.
08/2016 : expo sur le pays komi dans les livres étrangers, Bibliothèque nationale de la République de Komi, Syktyvkar.
06/2016 : réédition des Chants des forêts de Nikolai Abramov à la Bibliothèque nationale de la République de Carélie.
01/2016 : présentation de Uuno Kailas de Heinola à Nice au Centre de Documentation Provençale (Bollène).
11/2015 : parution de Noir comme l'ébène, de Salla Simukka, chez Hachette et au Livre de Poche.
10/2015 :Uuno Kailas de Heinola à Nice – Cent ans de musique et de poésie entre Nice et Finlande, concert-lecture à Helsinki.
10/2015 :Sofi Oksanen à Nice, rencontre avec Sofi Oksanen et Miquèu de Carabatta à Helsinki autour de Quora despareissèron lu colombs.
09/2015 : première de la pièce d'Alexeï PopovLes cornes par la compagnie La Chance du Débutant (au Théâtre National Komi, Syktyvkar).
09/2015 : réédition de Baby Jane, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.
09-12/2015 : résidence de traduction à l'HCAS (Helsinki).
05/2015 : parution de Blanc comme la neige, de Salla Simukka, chez Hachette et au Livre de Poche.
03/2015 : parution du poème de Nina Obrezkova "Un jour tu rentreras chez toi", à Syktyvkar (brochure réunissant des traductions du même texte dans 14 langues différentes).
03/2015 :Destination Russie (Châtenay-Malabry), festival consacré à la République de Komi, à l'initiative de l'association MIR Franco-Russe.
02/2015 : présentation des Colombs à Aix-en-Provence.
01/2015 : réédition en Points Seuil du roman de Sam Millar Les chiens de Belfast, avec des vers d'AE Housman.
01/2015 : parution de l'article "La parenté finno-ougrienne dans la littérature komie : héritage commun ou influences récentes ?" dans la revue Études finno-ougriennes.
12/2014 : 1é mercat leterari de Calèna (Nice)
11/2014 : parution de Rouge comme le sang, de Salla Simukka, chez Hachette et au Livre de Poche.
09/2014-01/2015 : exposition de travaux généalogiques et historiques à Nice (musée Masséna, expo La marqueterie niçoise).
06/2014 : réédition en Point Seuil du recueil de nouvelles d'Alice Munro Trop de bonheur, avec des vers d'AE Housman.
05/2014 : parution de Baby Jane, de Sofi Oksanen, chez Stock.
04/2014 : réédition de Quand les colombes disparurent, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.
03/2014 : parution de La Sage-femme, de Katja Kettu, chez Actes Sud.
03/2014 : parution (en russe) d'une interview, de la nouvelle Le mur et de l'article "M.N. Lebedev et la satire politique du monde contemporain" dans la revue Арт.
02/2014 : Semaine komie à Nice.
01/2014 : parution de vers d'AE Housman dans le roman de Sam Millar Les chiens de Belfast (Seuil).
12/2013 : "Quora despareissèron lu colombs: translating a Finnish bestseller to a minority language of France" (Université de Helsinki, colloque Language revitalization in a Russian and European context: Exploring solutions for minority language maintenance).
11/2013 : présentation des Colombs en Iamal (Salekhard, 12e Congrès des littératures finno-ougriennes).
11/2013 : "Кыдзи вуджöдiсны Савинлысь гижöдъяссö" ["Traduire Savine"] (Académie des Sciences de Russie, Syktyvkar, colloque Savine).
11/2013 : "Entre Savoie et Romanov : la famille niçoise Michaud de Beauretour – Une synthèse complétée par des données inédites" (Beaulieu-sur-Mer, colloque Romanov).
06/10/2013 : présentation des Colombs au Festival du Livre de Mouans-Sartoux.
09/2013 : "The role of drama in the construction of national identities in the Ural-Volga area, through examples of Finno-Ugric interaction" (colloque "Oural-Volga", Samara).
08/2013 : présentation des Colombs à Annot.
06/2013 : parution de "La langue marie au théâtre et à l'opéra – Survol d'un genre littéraire prolifique" dans le volume collectif Les Maris – Un peuple finno-ougrien de Russie centrale.
01/06/2013 : lecture et table ronde avec Joni Pyysalo (Nuit de la Littérature, Paris).
22/05/2013 : présentation des Colombs à Contes.
05/2013 : parution de Quand les colombes disparurent, de b>Sofi Oksanen, chez Stock.
02/05/2013 : rencontres avec Sofi Oksanen au lycée Calmette, à la bibliothèque Louis Nucéra et à la librairie Jean Jaurès (Nice).
04/2013 : parution de vers d'AE Housman dans le recueil de nouvelles d'Alice Munro Trop de bonheur (L'Olivier).
04/2013 : parution de Quora despareissèron lu colombs, de Sofi Oksanen, à l'IEO.
04/2013 : réédition des Vaches de Staline, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.
03/2013 : première de la pièce Purge à Fontenay-sous-Bois.
03/2013 : interventions en Maths spé (Eucalyptus) et à la fac de lettres (Université de Nice).
02/2013 : parution de Sondage au pif, de Mikko Rimminen, chez Actes Sud.
12/2012 : projection d'Uzy-Bory (Les Fraises) à l'Inalco, Paris.
12/2012 : "Les trois âges du cinéma oudmourte", dans le cadre des Journées oudmourtes (quatrièmes journées finno-ougriennes de l'Adéfo)
11/2012 : colloque "Guerres et paix", Nice.
10/2012 : semaine de la langue et des lettres russes à Nice (MUSEAAV).
10/2012 : "Littérature sans frontière", île de Ré.
10/2012 : "M.N. Lebedev et la satire politique du monde contemporain" (colloque M.N. Lebedev, Körtkerös, Komi).
06/2012 : congrès international des traducteurs de littérature finlandaise à Helsinki.
05/2012 :Vincent River à Riedisheim.
04/2012 :Vincent River à Liège.
04/2012 : rencontre avec les lecteurs à Lons-le-Saunier et Arinthod (Jura).
03/2012 : lecture bilingue de poèmes komis à la Bibliothèque nationale de Komi, Syktyvkar.
03/2012 : colloque Dialectes décisifs, langues prototypiques, Sorbonne Nouvelle.
02/2012 : parution de bonus sur le site de Sofi Oksanen au Livre de Poche.
02/2012 : réédition de Purge, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.
2011 : parution de "Билингвизм в коми и нисартском театрах: Нёбдiнса Виттор и Франсис Гаг" dans des volumes collectifs à Syktyvkar et à Saransk.
11/2011 : lecture de poèmes de Nikolai Abramov dans le cadre des Journées fenniques (troisièmes journées finno-ougriennes de l'Adéfo).
11/2011 : parution des Chants des forêts, de Nikolai Abramov, traduits du vepse (éd. Adéfo).
10/2011 : parution de "Mises en scène d’une identité non slave de Russie : le théâtre komi dans un monde russe en mutation" // Revue russe, n° 36.
10/2011 : parution de "Les nouveaux héros nationaux dans le théâtre komi post-soviétique" // Slovo, n° 36.
09/2011 : parution des Vaches de Staline, de Sofi Oksanen, traduit du finnois (éd. Stock).
22/05/2011 : représentation de Ode à l'amour, spectacle de Vihtori Rämä et Tuukka Vasama sur des poèmes de Tuomas Timonen (en finnois avec sous-titres), au Festival "Printemps d'Europe", Lyon.
05/2011 : "Il faut partir pour Paris", de Sofi Oksanen, in Paris en Cosmopolite, Stock (hors commerce).
25/03/2011 : "La parenté finno-ougrienne dans la littérature komie : héritage commun ou influences récentes ?" (colloque Littératures finno-ougriennes : regards croisés, Institut Finlandais, Paris).
17-19/03/2011 : Salon du livre, Paris (manifestations à l'Institut suédois et à la Médiathèque de Boulogne-Billancourt).
03/2011 : parution de L'amour du lion berbère, de Daniel Katz, traduit du finnois (éd. Gaïa).
10/02/2011 : projection de Of Time and the City, de Terence Davies, au Forum des Images, Paris (sous-titré de l'anglais en collaboration avec Emmanuel Denizot).
09/02/2011 : "Observations sur le bilinguisme dans les théâtres komi et niçois – L’exemple de Ńobdinsa Vittor et Francis Gag" (Colloque de l'Université de Syktyvkar).
01/2011 : parution de "Kuratov de Serge Noskov – Écrire un opéra national au XXIe siècle" (avec Henri-Claude Fantapié) // Études finno-ougriennes, n° 42.
01/2011 : parution de Ńobdinsa Vittor et Francis Gag – Le théâtre au service de la langue (éd. Serre).
01/2011 :Purge, de Sofi Oksanen : parution du livre audio chez Audiolib, lu par Marianne Épin.
25/11/2010 : "Ilľa Vaś and Komi legends" (Colloque "В.И. Лыткин: грани наследия", Université de Syktyvkar).
11/2010 : parution de Kört Aïka et autres légendes komies, poèmes épiques traduits du komi (éd. Adéfo).
11/2010 : "La langue marie au théâtre et à l'opéra", à l'Institut hongrois de Paris, dans le cadre des Journées maries (deuxièmes journées finno-ougriennes de l'Adéfo).
11/2010 : Prix Femina étranger 2010 attribué à Purge, de Sofi Oksanen.
10/2010 : "Mises en scène d’une identité non slave de Russie : le théâtre komi dans un monde russe en mutation" (Normale Sup Lyon).
08/2010 : parution de Purge, de Sofi Oksanen, traduit du finnois (éd. Stock). Prix du roman Fnac 2010.
« All
the world’s a stage, And all the men and women merely
players. »
Shakespeare, As you
like it, II, vii.
… daher liegt das Außer uns, wohin
wir, auf Anlaß der Gesichtsempfindung, Gegenstände versetzen, selbst innerhalb
unsers Kopfes: denn da ist sein ganzer Schauplatz. Ungefähr wie wir im Theater
Berge, Wald und Meer sehn, aber doch Alles im Hause bleibt.
Schopenhauer, Die Welt
als Wille und Vorstellung, II, 2.
Toutes les cérémonies de la vie quotidienne, de la vie
religieuse, de la vie sociale, de la vie politique, sont des représentations
théâtrales dans le sens le plus large.
Si les adultes, dans les fauteuils ou sur les bancs, se
contentent de verser discrètement quelques larmesou de rire aux éclats, il suffit d’assister à
un spectacle destiné aux enfants pour constater que l’action représentée sur la
scène produit rigoureusement les mêmes effets que la vie
« réelle » : les enfants parlent avec les personnages, et ont
même tendance à vouloir monter sur la scène pour participer physiquement à l’action.
Ce comportement « enfantin », que les adultes ne font que réprimer
par un souci de bienséance inculqué par l’éducation, montre bien que le
théâtre, comme la vie sociale et comme les rêves, est un monde de conventions
et de représentations où s’exprime pleinement l’être humain, consciemment et
inconsciemment. La différence repose sur deux paramètres : la nature des
conventions, et la conscience qu’on a de s’y soumettre.
En tant que créature « sociale », je suis moi-même
amené à jouer toutes sortes de rôles ; je vis ma vie à la fois comme
acteur et comme spectateur, et je me demande quelles surprises me réserve le
prochain acte. Les travaux de recherche dont les fruits sont réunis dans le
présent ouvrage s’appuient sur ce constat. L’étude du théâtre est un prétexte
pour étudier une réalité humaine et sociale.
La vie est faite de mises en scène, et sa théâtralisation est
particulièrement frappante en Russie. À l’époque soviétique, la stigmatisation
du religieux et de l’irrationnel a donné lieu à une sacralisation de la vie
civile (personnelle et professionnelle) et militaire au moyen de cérémonies en
tous genres – anniversaires, décorations, commémorations…
– ainsi qu’à une augmentation des observations de phénomènes paranormaux. Ces
habitudes ne se sont pas perdues, et d’autres jeux viennent les compléter au
gré de l’évolution du monde.
En outre, lorsqu’on voyage, le regard d’étranger (innocent,
« enfantin ») qu’on porte sur toutes choses est frappé par les traits
culturels qui passent inaperçus localement mais qui apparaissent comme
exotiques ou inattendus au visiteur. Lors de mes séjours en pays komi ainsi que
n’importe où ailleurs, le théâtre n’est pas seulement sur la scène d’un édifice
à vocation culturelle. Il est partout : dans les musées, ou le passé est
mis en scène ; dans les écoles, où les cours de langue sont des jeux de
rôle ; dans la rue, où chacun s’habille et se comporte conformément à son
rôle (la femme, l’homme, la vieille dame, le policier…) ; au travail, où
chacun joue le rôle qui convient à son statut hiérarchique ; dans la vie
politique, bien sûr (j’ai eu le loisir d’assister à une campagne électorale) ;
dans le monde du journalisme et de la communication, où il s’agit de mettre en
scène l’actualité ; etc. Seuls les plus jeunes enfants se comportent
peut-être en simples spectateurs émerveillés ; mais dès les premières
années d’école, chacun est obligé de jouer sérieusement son rôle – si possible,
celui du bon élève.
Dans ces études, je me suis concentré sur le théâtre littéraire,
c’est-à-dire sur des textes de forme dramatique : toute œuvre littéraire
fournissant des règles de conduite à des acteurs susceptibles d’en incarner les
personnages devant un public. Les textes peuvent être manuscrits, imprimés
(destinés à être lus ou joués) ou représentés sur scène (destinés à être vus
et entendus). Cela inclut donc les pièces conçues pour la scène (comédies,
tragédies, drames…) ainsi que les films[1] ;
en marge de ce répertoire, j’ai pris en compte le registre lyrique (il y a tout
un continuum de théâtre musical entre le théâtre strictement parlé et le
théâtre strictement chanté, en passant par l’opéra, l’opérette et le musical) et le ballet(théâtre sans paroles, mais avec un argument).
Si je peux assister aujourd’hui à des spectacles ou voir des captations vidéo, je profite de ces expériences
extrêmement utiles, mais mon matériau prioritaire reste le texte, seul support
qui permette une approche historique et littéraire continue du xixe siècle à nos jours.
Ce répertoire, considéré dans sa totalité, devrait donc donner
des idées de la société (images de la
vie réelles qui transparaissent du texte sur la scène, de façon consciente ou
inconsciente) et de ses représentations
(images que l’auteur, l’État ou le peuple lui-même veulent donner de la
société, consciemment ou inconsciemment[2]).
En somme, il s’agit de se tenir quelque part au balcon et d’observer
la société komie des deux côtés du quatrième mur.
Un vecteur de la langue et un miroir de la société
Le théâtre est une activité qui peut être mise en œuvre quels
que soient les moyens dont on dispose. Selon les ressources de la production
et le professionnalisme des intervenants, les représentations peuvent prendre
des formes très variées, et atteindre un public plus ou moins nombreux et
diversifié : entre une représentation bénévole dans une salle polyvalente
de village et la tournée mondiale d’une troupe professionnelle de quarante
personnes, toutes les formes sont possibles. Du point de vue du spectateur, le
théâtre est l’un des genres les plus accessibles puisque le texte y est dit (pas besoin de lire) et joué (pas besoin de visualiser)[3].
Mais si la littérature est
un moyen, en l’occurrence, elle n’est certainement pas la finalité de mes
travaux : mon objectif est bien de faire des observations sur la société. La littérature est un vecteur
de la langue et un miroirde la société – par ce qu’elle raconte,
certes, mais plus encore par son histoire, par la façon dont elle voit le jour
et se développe, par comment et pourquoi elle raconte ou ne raconte pas.
Quant au théâtre, son
histoire est indissociable de celle de la musique, des arts plastiques et des
arts de la scène : c’est intrinsèquement le genre littéraire le plus vivant, et le plus public – du moins dans un pays comme celui que j’étudie, où il n’existe
pas de production cinématographiquelocale. C’est même le seul genre littéraire universel : la totalité des
locuteurs de la langue (en l’occurrence, la langue komie) 1) sont des
spectateurs potentiels et 2) peuvent se reconnaître dans les personnages
représentés, voire s’y identifier. Ce n’est pas le cas des autres genres, qui
sont généralement réservés aux gens qui savent lire. Le théâtre doit cette
universalité au fait qu’il ait la possibilité de s’adresser à plusieurs
sens : au minimum, l’ouïe et la vue[4].
La poésie peut être dite, déclamée, chantée, mais elle n’est pas
visuelle ; si elle le devient, elle devient du théâtre[5].
Dans une pièce de théâtre, il y a toujours une part d’imaginaire
et une part de réel : entre les deux, toutes les proportions sont possibles.
La part de réel, volontaire ou non, illustre une société, une communauté dans
laquelle l’auteur, les acteurs ou les spectateurs se reconnaissent. Là
encore, entre le conscient et l’inconscient, toutes les proportions sont
possibles.
Komi ? Qu’es aquò ?
C’est par le biais de la musique– plus précisément, de la musique vocale et
de l’opéra – que je suis tombé dans la marmite des langues finno-ougriennes(Sibeliuset
Sallinen, Tubinet Tormis…). À partir du finnoiset de l’estonien, je me suis laissé séduire
par les autres langues de la famille.
Les langues finno-ougriennessont parlées dans le nord de l’Europeet de l’Asie, de la mer Baltiqueà la Sibérie(ainsi qu’en Europe centrale : Hongrieet environs). La langue qui nous intéresse
ici est le komi. Après le hongrois, le komi est la deuxième
langue de la famille à avoir franchi le cap de l’écriture, dès le xive siècle. C’est une
date toute symbolique, certes, étant entendu que les textes médiévaux avaient
un objectif strictement religieux et politique (croisadesrussesvisant à conquérir les territoires jusqu’alors
sous domination de Novgorod), sans aucune ambition littéraire,
et que l’écriture moderne, qui a ouvert la voie à la littérature
« savante », n’a vu le jour que vers le xixe siècle. Néanmoins, l’ancienneté de l’écriture
komie confère à ce peuple finno-ougrien un statut à part au sein de sa famille
linguistique.
En principe, mon approche est finno-ougrienne, et c’est dans ce
cadre que se sont inscrites mes recherches universitaires. À partir du finnois, le voyage intellectuel et
matériel dans lequel j’étais lancé sans le savoir m’a conduit auprès des
peuples non russes de Russie.
La langue komie s’est imposée par le hasard des matériaux disponibles et par
une certaine proximité géographique avec les pays de la Baltique(l’Europedu Nord).
Le komi est une langue littéraire depuis le xixe siècle : la
première génération d’écrivains est celle des humanistes Pëtr Kločkov(1831-1853), Vasilij Kuratov(1820-1862)
et son frère Ivan(1839-1875),
ainsi que Georgij Lytkin(1835-1907),
qui ont étudié la langue komie (« zyriène »), récolté des vers
populaires, et esquissé une poésie littéraire originale de style
national-romantique. C’est Ivan Kuratovque la postérité a retenu comme
« fondateur de la littérature komie » et érigé en héros national.
Leurs expériences littéraires, de leur vivant, sont restées en grande partie
confidentielles ; c’est surtout au début du xxe siècle que les finno-ougristesont exhumé et glorifié l’œuvre de ces
pionniers, qui va servir d’exemple pour les générations suivantes.
La littérature en langue komie s’est épanouie de façon spectaculaire
à partir de 1918, quand la langue a été normalisée et pourvue d’un alphabet
propre. La poésie, bien sûr, s’est
développée d’abord. Sur les fondations jetées par Kuratov, plusieurs générations ont continué d’ajouter
des briques. La poésie komie a souvent été étudiée par les finno-ougristes, et elle a même fait l’objet
de remarquables études du chercheur anglais John Coates– d’autant
plus remarquables qu’il a soutenu en 1968, à Cambridge, sa thèse sur des Aspects de la littérature komie [Aspects
of Komi Literature] et que
ses travaux[6] lui ont
valu d’être invité à passer deux mois dans la rssaen 1974 (obituary
2007).
Au début du xxe siècle,
la prose a suivi la poésie. On présente généralement T’ima Veń(1890-1939) comme le premier grand prosateur
komi, qui a su capter la psychologie du peuple komi et le lyrisme de son
environnement naturel. À l’époque, c’est-à-dire
avant la fin des années 1930, écrire en langue komie était le meilleur moyen
de toucher un vaste public. La langue russe était alors peu parlée, et n’était
accessible qu’aux personnes les plus éduquées, qui l’étudiaient comme une
langue étrangère.
Mais avec la poésie ou la prose écrites, on restreint le
public aux personnes qui savent lire et qui en ont le temps. Le théâtre permet
d’aller plus loin : en transmettant des textes dramatiques par l’oral et
par la mise en scène, on peut s’adresser à tous les habitants du pays, dans
tous les villages. Les premiers auteurs, d’ailleurs, étaient généralement à la
fois poètes, prosateurs et dramaturges (Mihail Lebedev, Ńobdinsa Vittor,
T’ima Veń). Leur objectif était à la
fois d’atteindre le public le plus vaste possible et d’élaborer une littérature
nationale sur laquelle asseoir le prestige et la pérennité de la culture komie.
Rappelons que l’État komi a vu le jour entre 1917 et 1921, à la suite de la
Révolutionet dans l’enthousiasme des promesses du
« droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».
Contrairement à la poésie et à la prose, le théâtre, dans la
Russiefinno-ougrienne, est un genre littéraire
souvent négligé par les chercheurs, lecteurs et gens de lettres : alors qu’en
Franceon a l’habitude
d’une sorte de « culte de l’auteur », le théâtre contemporain, dans
la Russie finno-ougrienne, s’il est généralement respecté en tant qu’art
vivant, est considéré, d’un point de vue littéraire, comme un
« sous-genre »[7].
Toutefois, quelques chercheurs se sont penchés, en komi ou
en russe, sur ce sujet. Voyons d’abord, dans un bref aperçu historiographique,
quelles ont été les façons de parler du théâtre national au cours des
décennies.
La question nationale
On rencontre souvent dans ces pages l’adjectif national. Le mot nation, en français, est devenu très ambigu – et quasiment inutilisable
– dans la mesure où il ne désigne plus seulement un « groupe humain,
généralement assez vaste, qui se caractérise par la conscience de son unité
(historique, sociale, culturelle) et la volonté de vivre en commun » (Le Petit Robert 2001) – définition qui
est parfaitement adaptée aux Komis –, mais aussi un « groupe humain
constituant une communauté politique, établie sur un territoire défini ou un
ensemble de territoires définis, et personnifiée par une autorité souveraine » (ibid.), autrement dit un État.
Cette confusion introduite en Franceentre État
et nation est une source de nombreux
malentendus – voire conflits– politiques et sociaux[8].
Par précaution, j’éviterai de qualifier les Komis de nation, et je parlerai plutôt de peuple (et je réserve le mot ethnie
aux ensembles d’individus qui partagent des variantes dialectalesou des coutumes locales : Komis du haut
Ežva,
Komis de l’Iźva,
etc.). D’où l’adjectif populaire,
équivalent à national – mais ce
dernier est de rigueur dans l’expression langue
nationale (« langue d’un groupe ethnique dont l’usage est légalement
reconnu dans l’État auquel appartient ce groupe », id.), qui s’oppose à langue
officielle : la langue komie est bien la langue nationale de l’État komi (en l’occurrence, la
République), qui reconnaît dans sa constitution deux langues officielles, le
komi et le russe.
Aperçu historiographique
Dès les premières années d’autonomie (infra p. 137),
en même temps que commence à s’élaborer un théâtre littéraire, l’écrivain
Viktor Savin(alias
Ńobdinsa Vittor) et ses contemporains publient des manifestes et des textes de
critique littéraire et théâtrale. Les articles de Savinfixent une ligne de conduite et lancent des
projets à long terme. En 1928, dans « Le répertoire komi qu’il nous
faut » [« Kučöm komi repertuar
kolö »] (repris partiellement dans le recueil Savin 1998), il fait l’état des lieux des premières années
du théâtre en langue nationale et pointe du doigt ce qu’il considère comme la
direction à suivre. Dans d’autres articles, il rend compte de son activité et
des réalisations de sa compagnie : créations, tournées dans les villages,
réactions du public… (« Komi ťeatrlön
poduv em », Ordym, 1930, n° 20 ;
« Medvoddźa tuj Komi ťeatrlön »,
Udarńik,
1931, n° 3-4 ; ces deux articles sont rapportés partiellement dans
le recueil Savin 1998).
Parallèlement à cette autopromotion, d’autres écrivains publient des comptes
rendus d’ouvrages et de spectacles : une critique se forme, qui contribue
à commenter et orienter la création littéraire en général et dramatique en
particulier[9].
Après les répressions de la fin des années 1930, on fait
table rase de tout ce qui précède, et l’on procède à une récriture « staliniennementcorrecte » de l’histoire du théâtre. Pour
commencer, on réinvente la naissance du théâtre komi : Savinet ses contemporains n’existent plus, leurs
noms ne doivent pas figurer dans les livres (sauf celui de Lebedev,
qui a fini par écrire suffisamment de poèmes sur les tracteursdans les années 1940 pour faire oublier ses
œuvres de jeunesse d’inspiration mythologique ou traditionnelle[10]).
L’ouvrage collectif paru en 1951 sous le titre Les gens du Théâtre de Komi (ltk
1951) est tout à fait représentatif de cette époque : c’est un
témoignage contemporain et officiel des années de stalinisme, qui retrace les vingt
premières années du théâtre professionnel komi – de 1930 à 1950. Le fait
même qu’on parle de « vingt ans de théâtre komi » en 1951 laisse
supposer qu’il n’existait pas de théâtre à proprement parler avant 1931. Les
compagnies fondées par Savinsont superbement ignorées : son nom même
n’apparaît pas dans l’ouvrage (puisque Savin ne sera réhabilité qu’en 1955). Le
théâtre professionnel, tel qu’il est présenté ici, commence avec la nouvelle
génération (infra p. 139
à propos de l’année charnière de 1936) : les premiers grands noms du
théâtre komi sont Fëdorovet D’jakonov(ltk 1951, p. 5), qui écrivent leurs
premières pièces à la fin des années 1930. La promotion de comédiens komis
formés à Leningradentre 1932
et 1936 (infra p. 139,
à propos du studio komi de Leningradet des changements de l’année 1936) est considérée
comme la première véritable formationprofessionnelle
pour les Komis puisque venant de Leningrad(id.,
pp. 7-8). Ce qui reste inchangé, dans l’historiographie officielle, c’est
que « l’art théâtral de la rssa
de Komiest né de la Révolutiond’Octobre » (id., p. 3). Cette affirmation, qui peut paraître un peu
hâtive, n’est sans doute pas très éloignée de la réalité. Les auteurs mettent
cela sur le compte de la « politique colonisatrice de la Russietsariste » (ibid.) – c’est-à-dire que le pouvoir impérial réduisait les peuples
de Russieau silence, tandis que 1917 leur a donné la
parole[11].
Avec la déstalinisation, les victimes des répressions sont
réhabilitées peu à peu, et la critique prend du recul. Dans ce contexte, l’Encyclopédie du théâtre parue à Moscouentre 1961 et 1965 fait maintenant commencer l’histoire
du théâtre komi avec les toutes premières activités de Savinà Ust’-Sysol’sk(Mokul’skijet al. 1961, entrée
« Коми театр и драматургия »). De même, un ouvrage de référence
paraît à Syktyvkaren 1965, sous le titre Pages de l’histoire du théâtre komi [Stranicy istorii Komi teatra], qui offre une nouvelle lecture des
décennies passées (Popova 1965).
Savinest réhabilité : l’histoire du théâtre
komi commence maintenant avec la création, en février 1919, de la pièce de
Savin Un grand crime[Ydžyd myž], que Popovaconsidère
comme « la première pièce nationale komie » (ch. « Les
origines du théâtre komi », p. 7). On s’intéresse à nouveau à la
période des années 1920 et on prend au sérieux les compagnies fondées par Savin…
Mais un réalisme socialistetrès strict reste de rigueur.
Les mémoires de l’actrice Glafira Sidorova,
publiés en 1992 (à l’occasion des ses cinquante ans de carrière au Théâtre d’État),
constituent un témoignage touchant. Née en 1922, formée à Syktyvkardans les années 1930 et au gitisde Moscouen
1938-1942, l’auteur raconte l’histoire du théâtre komi telle qu’on la lui a enseignée
à l’époque, ce qui ne manque pas de donner, dans les années 1990, une
impression surannée. Sidorovafait commencer le théâtre professionnel komi
en 1930 avec la troupe de Savin(Sidorova1992, p. 11), après quoi elle évoque la
promotion komie qui rentre de Leningraden 1936 (mais elle ne connaît cet épisode que
par ouï-dire, et elle ne fait donc que répéter ce qu’on en disait à l’époque, d’où
l’intérêt de son témoignage) : Sidorovaaffirme que les étudiants, à leur retour à Syktyvkar, ont joué le répertoire russe
qu’ils avaient travaillé à Leningrad, mais qu’il leur manquait un
« répertoire national » : certes, il existait des pièces en un
acte, dit-elle, mais pas de pièces en plusieurs actes. Même en 1992, donc,
Sidorova, élevée dans les années 1930,
semble ignorer que Savin, T’ima Veń, Nikolaj Popov, etc., avaient déjà écrit,
dans les années 1920, un répertoire solide. Pourtant, Ljudmila Oplesnina (1990,
p. 6) rapporte que les étudiants komis, à Leningrad, avaient travaillé une
pièce de Savin, Le bilan[Art] : apparemment, la formationmême des étudiants du studio komi de Leningrad,
dès leur retour, a fait l’objet d’une négation partielle.
En 1979-1981, on commence à avoir une vision plus complète
de l’histoire du théâtre komi au sein de l’Histoire
de la littérature komie en trois volumes (hlk
1979-1981). Pour la première fois, cet ouvrage étudie en profondeur toutes les périodes de l’histoire. La
question du théâtre est soulevée dès le premier volume, consacré à la
littérature traditionnelle ; puis elle fait l’objet de descriptions
détaillées à partir des premières représentations en langue komie données en
1918.
Aujourd’hui, on peut mentionner les travaux de Vera Latyševa
(1985, sur « l’évolution des genres dramaturgiques des peuples
finno-ougriens de la Volga et de l’Oural » ; cinq articles
sur le théâtre komi in Latyševaet al.
1991), Ljudmila Oplesnina (préface in D’jakonov1990), Raisa Kuklina (préfaces in Popov N.
2001, Ermolin2004a ;
articles séparés), Gorinova, etc. La façon de raconter l’histoire du théâtre n’a
pas beaucoup changé depuis l’époque soviétique qui a suivi les réhabilitations.
On se penche peut-être davantage sur les auteurs des années 1920 (à l’occasion
des jubilés, etc.), sur l’étude du théâtre national dans le contexte
finno-ougrien et, bien sûr, sur la création contemporaine (par exemple Gorinova 2008, sur le théâtre d’Aleksej
Popov[12]).
Lorsque j’ai commencé les travaux présentés ici, il n’existait
aucune étude globale sur le théâtre komi en dehors de ce que je viens de
mentionner, et certainement pas dans une autre langue que le komi ou le russe.
Trois ouvrages notables ont paru à Syktyvkarentre-temps (en russe) : une
Histoire de la culture théâtrale et
musicale en République de Komi au xxe siècle
par D.T. Kozlova (2007) ; puis un album sur l’histoire et les
personnalités du Théâtre komi (sous
la direction de M.A. Udoratina, 2013) – principalement dans l’acception
restreinte de « Théâtre dramatique d’État de Komi »
–, et Théâtre komi – Lumièredu
passé, un recueil d’essais de N.A. Mitjušëva (2013).
Mon expérience et ma démarche
Mon expérience professionnelle du théâtre vient surtout de l’écriture
(en français) et de la traduction (de pièces anglaises, américaineset finnoises). Mon expérience des langues
et « identités nationales » finno-ougriennes passe par la Finlandeet l’Estonie, et par la participation à
des rencontres internationales comme les congrès des écrivains finno-ougriens(le 10e à Joškar-Olaen septembre 2008, le 11e à Ouluen 2010), la présentation publique de poètes
oudmourtesà Parisen octobre 2008, les Journées finno-ougriennes
de l’Adéfo,
l’organisation d’un colloque international à Niceen février 2014… Ces expériences me permettent
de mettre mon sujet en perspective dans un paysage théâtral et finno-ougrien
plus général.
En outre, le fait d’avoir parcouru diverses régions de
Russiepresque chaque année depuis 2004 (Saint-Pétersbourg, Moscou, Ekaterinburg, Irkutsk, Pskov, Samara, Mordovie, villages de Mari-El, de l’Oural, du Baïkal, de Iamalie, etc.) me permet de mettre en
perspective la République de Komidans le contexte de la Fédération de Russieet m’aide à faire la part du général et du
particulier dans mes observations de terrain.
Mes premiers travaux sur la langue et la littérature komies
s’appuyaient exclusivement sur des livres : dictionnaires, grammaires et
textes littéraires trouvés sur des sites web. Mes premières traductions (2006)
m’ont permis d’entrer en contact, en 2007, avec des institutions
gouvernementales komies et avec des enthousiastes indépendants – avec lesquels
se sont établies des correspondances fructueuses –, et d’effectuer mon premier
séjour en République de Komi : une semaine, en
octobre 2007, pour participer à un colloque quinquennal consacré à Mihail
Lebedev(à Syktyvkaret dans plusieurs villages de la région de
Körtkerös). J’en ai profité pour
visiter des musées, voir un balletet une pièce de théâtre, faire la connaissance
de quelques professionnels du théâtre – mais je n’avais pas beaucoup de temps
libre.
Le théâtre restant ma forme d’expression de prédilection, je
me suis concentré ensuite sur la littérature dramatique komie, et une
traduction de fragments de deux comédies de Ńobdinsa Vittorm’a valu d’être invité aux célébrations du 120e anniversairedu grand écrivain national, pour une semaine,
en novembre 2008 (à nouveau à Syktyvkaret dans plusieurs villages de la région de
Körtkerös). À cette occasion, j’ai
passé une journée à la Bibliothèque nationale, et approfondi mes contacts –
mais c’était encore trop court.
Le troisième séjour, qui était nécessaire à l’élaboration du
mémoire de master, a eu lieu en février-mars 2009, et m’a permis de consacrer
trois semaines aux recherches documentaires (bibliothèques, archives) et aux
entretiens (chercheurs, professionnels du théâtre). Outre le théâtre, ce séjour
m’a permis de me familiariser avec la vie quotidienne (en ville et au village)
et avec différentes facettes de la société de la République. De cette expérience, j’ai pu
tirer des observations plus équilibrées sur cette notion, difficile à cerner, d’« identité
nationale ».
Au cours des nombreuses visites suivantes, des partenariats ont
été signés entre des institutions de recherche et d’enseignement supérieur de
Russie(Syktyvkar, Saransk) et de Paris(Inalcoet Adéfo), et j’ai eu l’occasion d’effectuer
un stage de six semaines au sein de la chaire komie et finno-ougriennede l’université d’État de Syktyvkar(aujourd’hui
« Pitirim Sorokin »[13]).
Les correspondances se sont développées, et mes matériaux ont augmenté de
façon exponentielle. Mes sources sont donc principalement des ouvrages, des
articles, et des fichiers audio et vidéo. De nombreuses publications
étaient disponibles en lignes : dans ce cas, je fournis dans la
bibliographie un lien hypertexte vers une page où l’on peut consulter ou
télécharger tout ou partie du document.
Depuis 2008, au moyen de nombreuses correspondances et de travaux
de terrain, je constitue un catalogue systématique de pièces de théâtre dans le
domaine komi, tout en m’imprégnant de la situation de la culture et de la
société (en particulier au sujet du bilinguisme). À partir des pièces komies
en langue nationale, j’ai élargi ce catalogue au théâtre komi, puis
finno-ougrien, quelle que soit la langue –
et j’y ajoute enfin des entrées russes ou étrangères afin de mieux percevoir
les similitudes et différences et, partant, identifier celles de mes
observations qui sont propres au théâtre komi.
Mon corpus est donc constitué de textes dramatiques de différentes
époques. Selon le cas, je peux disposer du texte intégral, de comptes rendus de
seconde main, ou d’une simple mention. Dans l’ensemble, j’ai répertorié environ
1073 pièces sur l’ensemble de l’aire Oural-Volga, dont 629 sur le périmètre
strictement komi-zyriène, parmi lesquelles 100 pièces étrangères traduites en
komi (du russe, mais aussi de l’anglais, du français, de l’italien, de l’allemandet de quelques langues finno-ougriennes[14])
et 9 incertaines ou indéterminées, soit 520 références komies fiables, parmi
lesquelles 452 textes originaux intégraux. En outre, j’ai pu voir des représentations
(professionnelles ou d’amateurs) à Syktyvkaret dans les villages de l’Ežva, et je dispose de quelques
enregistrements vidéode
spectacles contemporains. Si l’on cherche des caractéristiques nationales dans
les pièces en langue komie, elles se révéleront dans les thèmes généraux (sur
lesquels est construite l’action), dans les décors, costumeset accessoires(décrits par les didascalies), et dans des références,
allusions, etc. (évoqués au détour des dialogues). La caractérisation des
personnages, fondamentale pour comprendre les représentations nationales,
relève à la fois des dialogues et des didascalies.
Ceci n’est pas une thèse…
… et ce, pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, j’ai soutenu le mémoire de master en 2009, il
y a huit ans, durée excessive par rapport aux règles du jeu d’une thèse de
doctorat – même si des dérogations sont possibles, notamment lorsqu’on
travaille à plein temps par ailleurs. Il s’agit donc d’un travail d’une autre
nature, qui répond à un autre cahier des charges.
D’autre part, 519 pages est a priori un volume excessif pour une thèse – même si une dérogation
est possible, notamment dans notre cas, où il s’agit moins d’apporter une
brique à l’édifice scientifique qu’une grosse pierre de fondation dans un
domaine quasiment neuf en langue française.
Par ailleurs, le contenu n’est pas nouveau sur le fond,
puisque tous ces matériaux ont déjà été publiés d’une manière ou d’une autre, à
l’écrit ou à l’oral. Mais on peut répondre à cela que la forme sous laquelle
ils sont publiés ici – mis à jour, parfois mis à l’écrit ou traduits –
constitue une nouveauté. En effet, cette édition a requis une vaste réorganisation
destinée à mettre en évidence la continuité logique de dix ans de travail et à
rendre ces résultats plus accessibles.
Plan du recueil
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est impératif de
définir plusieurs notions : la République
de Komi[15],
le théâtre en langue nationale, et les caractéristiques identitaires
traditionnelles du peuple komi. À cet effet, une première partie, intitulée
« Généralités et société », réunit des articles qui définissent les
principales caractéristiques identitaires du peuple komi et fournissent des
informations sur la langue et la situation contemporaine du pays. Cette
présentation préalable est indispensable pour comprendre le « sentiment
national » à partir duquel la littérature komie (notamment dramatique)
est née et s’est développée. Comme on le constate dans cette introduction
même, il est impossible de parler de l’époque contemporaine sans faire
référence à chaque instant aux décennies précédentes. J’aborderai donc d’abord l’histoire
du pays komi, pour pouvoir parcourir celle de son théâtre.
Des racines de l’identité nationale komie, on peut passer
ensuite à la création littéraire. C’est l’objet de la deuxième partie,
« De la mythologie à la littérature », qui traite de la façon dont la
tradition orale et le folklore, aux différentes époques, ont nourri le travail
de création des écrivains komis.
Ce contexte de création littéraire en langue komie étant
établi, on peut alors aborder les arts dramatiques proprement dits (troisième partie,
« Théâtre en langue nationale »), puis faire tomber le quatrième mur
et confronter la scène à la réalité de la société (quatrième partie,
« Théâtre et société »).
La cinquième partie, « Perspective
finno-ougrienne », adopte un point de vue plus large afin de procéder à d’indispensables
comparaisons du cas komi avec ceux des « peuples frères » de Russieet d’ailleurs.
Mais on ne saurait s’en tenir là. Après le « voyage
intellectuel et physique » résumé dans cette introduction, comme après
tout voyage, il vient un moment de rentrer chez soi – bör gortö, back home. Il
serait hâtif de partager ces travaux avec les lecteurs francophones sans fournir
un minimum de clés pour confronter mes observations finno-ougriennes avec des
réalités plus proches de nous. Car au théâtre, il est bien question d’identification,
que ce soit dans le travail de l’acteur ou dans l’expérience du spectateur. La
sixième et dernière partie de cet ouvrage, « Perspective europénne »,
fait donc dialoguer les résultats de mes recherches avec d’autres pays d’Europe, non finno-ougriens,
notamment la Franceet mon pays niçois.
Les textes réunis ici sont des articles ou des
communications rédigés en 2008-2016, publiés (en français, en anglais, en komi ou en russe) ou inédits, ainsi que des
éléments d’un mémoire de master soutenu à l’Inalcoen 2009. Sans prétendre à constituer une monographie
exhaustive, l’ensemble a été réorganisé et mis à jour pour former un recueil
cohérent.
À toutes fins utiles, après les annexes[16]
et la bibliographie, on trouvera un index. Construit en dernier, il synthétise
de façon rationnelle les sujets abordés pendant ces dix années de recherches et
les « personnages », réels ou mythiques (l’un n’empêche pas l’autre)
rencontrés au cours de cette épopée,
chemin faisant. Aussi invité-je les lecteurs à emprunter sans aucune retenue
cette « porte de derrière ». Autrement dit, vous pouvez tout de suite
passer à la page 485.
Mais vous pouvez aussi – et je vous y inciterai vivement – tourner la page et
prendre connaissance d’une autre liste de personnages, qui ne figurent pas
tous dans la bibliographie ou dans l’index.
[1] Il sera notamment question de cinéma
dans le chapitre « Les
trois âges du cinéma oudmourte », p. 321.
[2] En ce sens, la représentation considérée dans le
présent ouvrage, en tant qu’« objet à l’égard d’un sujet, perception du
spectateur », est à rapprocher de la Vorstellung
de Schopenhauer, pour qui « Alles, was für die Erkenntniß da ist, also
diese ganze Welt, nur Objekt in Beziehung auf das Subjekt ist, Anschauung des
Anschauenden, mit Einem Wort, Vorstellung » (Schopenhauer 1844, vol. i,
p. 3).
[3]Cf. infra « I.
Pourquoi le théâtre ? », p. 401.
[4] L’odorat intervient
fréquemment dans la perception d’un spectacle, souvent à l’insu du metteur en
scène (fleurs, fumigènes, parfums), parfois de façon volontaire (essences
aromatiques). Le toucher et le goût sont moins souvent sollicités par la mise
en scène (dans le cadre d’interactions plus directes avec le public).
[5] La limite est
indistincte, bien sûr, entre le texte déclamé et le spectacle : les possibilités
de gestes et de déplacements forment un continuum. De nombreuses lectures
publiques de poésie sont plus « vivantes » que beaucoup de spectacles
scéniques, sans parler du théâtre radiophonique qui supprime toute la
dimension visuelle.
[6] Outre
sa thèse, John G. Coates(1918-2007) a consacré des articles à la
littérature komie en général et aux poètes contemporains en particulier : il
a notamment fait l’éloge d’Al’bert Vaneevet de ses
traductions métriques des sonnetsde Shakespeare.
[7]Cf. infra « IV.
Corollaire esthétique », p. 404.
[8] Sur la question
nationale, je me réfère notamment aux travaux de Benedict Anderson(Anderson 2006).
[9] La critique
littéraire komie en tant que genre à part entière, au même titre que la poésie,
la prose ou le théâtre, mériterait une analyse approfondie, mais qui serait
ici hors sujet. Au demeurant, elle a déjà fait l’objet d’études
spécifiques : pour plus de renseignements, on pourra se tourner par
exemple vers les chapitres consacrés à la critique littéraire dans hlk 1979-1981.
[10] Lebedevest l’un
des rares écrivains de l’ancienne génération à avoir échappé aux répressions
(mais il mourra en 1951). Dans l’histoire du théâtre, ltk 1951 (p. 6) le mentionne brièvement comme
précurseur, avec son opérette La jolie
fille[Mića nyv].
[11] Cette
explication est discutable, si l’on songe à toutes les créations nationales
apparues dès le xixe siècle
dans les régions de Russie, notamment dans le domaine
de la poésie.
[12] Natal’ja Gorinova a
soutenu une thèse de doctorat en 2011 sur le théâtre komi de la fin du xxe siècle. Mentionnons
notamment ses travaux sur Gennadij Juškovet sur
Oleg Uljašev.
[13] À propos de Sorokin, voir infra
« II.2. Le héros blanc exilé aux
États-Unis : Pitirim Sorokin », p. 288.
[14] Il est probable que
les textes étrangers aient tous été retraduits à partir de versions russes.
[15] Voir carte p. 451.
Au sujet de la terminologie République de
Komi,
voir annexe 2, p. 438.
1)les conventions de transcription utilisées dans
cet ouvrage ; 2)une réflexion sur la nature et le sens du mot komi ; 3)une liste des toponymes komis avec leur
équivalent russe ; 4)quelques statistiques sur l’usage de la
langue ; 5)les articles de la Constitution en rapport avec
la langue ; 6)une carte de la République.
Il y a 100 ans, inspiré par le principe du « droit à l’autodétermination », un peuple du grand nord de l’Europe devenait titulaire d’un État autonome, fondé sur son identité ethnique et linguistique :
Depuis des siècles, les Komis habitaient des villages très clairsemés, sur des cours d’eau tributaires de l'océan Arctique, dans différentes provinces de l’Empire russe :
Les gouvernorats de Vologda et d'Arkhangelsk dans l'Empire russe ; les "Zyrianes" parmi les peuples de Russie.
Dès la chute des Romanov, bien conscients de leur particularisme culturel, ils créèrent leur propre alphabet et normalisèrent leur langue afin de jeter les bases d’une société nouvelle et autonome… un rêve qui devint réalité à l’issue de la guerre civile, le 22 août 1921.
Dans les forêts boréales de l'Oural
Le territoire est contrasté, avec 70 % de forêts boréales – au cœur desquelles on trouve la capitale Syktyvkar, dans les méandres du fleuve Syktyv –, mais aussi une bande de toundra dans le nord, au-delà du cercle polaire, jusqu'à l'agglomération minière de Vorkouta, non loin de l'océan Arctique. Les richesses minérales du pays komi, notamment les gisements
d'hydrocarbures du bassin de l'Oussa, en font une des régions les plus
riches de Russie. Dans l'est, les forêts vierges de l'Oural (classées par l'Unesco au patrimoine mondial naturel depuis 1995) sont les plus vastes d'Europe. Leurs crêtes, qui culminent entre 1600 et 1900 m, séparent l'Europe de l'Asie. Elles recèlent des merveilles de la nature comme le plateau sacré du Mańpupuńor, où des millions d'années d'érosion ont façonné sept spectaculaires colonnes rocheuses qui se dressent de 30 à 42 mètres au-dessus du sol.
Dans les forêts du Syktyv, en été et en hiver ; le monastère de Jemdin, fondé au XIVe siècle...
... Syktyvkar : l'aéroport, la grand-place, le théâtre,
une sculpture de glace et le monument à la lettre Ö...
... un aperçu du village de Turja ; une maison typique dans un village du Syktyv en amont de la capitale ; sur la route...
... la route d'hiver construite sur la Petchora gelée (troisième fleuve d'Europe par son débit) ; un village d'éleveurs de rennes dans le nord du pays...
... la toundra en fleur autour de Vorkouta ; la ligne de partage des eaux entre Europe (Komi) et Asie (Sibérie) ; les formations rocheuses du Mańpupuńor.
La langue komie et le théâtre
La langue est le vecteur de l’identité, et c'est ce qui a motivé la création d'un État autonome komi : il y a 100 ans, les locuteurs du komi étaient encore très largement majoritaires sur ce territoire. Or si la langue est un instrument de cohésion sociale, c'est parce qu'elle est un précieux outil de création, de partage et de transmission culturelle. Entre les pays komi et niçois, on a pu en faire l'expérience, ces dernières années, dans les domaines de la littérature et du théâtre.
Parmi ces échanges théâtraux, les plus marquants sont la tournée komie du Théâtre niçois de Francis Gag en 2009 et la « Semaine komie » organisée à Nice en 2014, où le théâtre était à l’honneur, avec des concerts au conservatoire et à l'hippodrome, des spectacles au Théâtre municipal Francis-Gag, et un grand colloque européen à l'université sur le thème Théâtre en langue minorée.
Le Théâtre niçois de Francis Gag joue Una demanda en matrimoni, comédie en un acte de Tchekhov adaptée en niçois par Laurent Terese,
Mais surtout, c'est sans doute le chant – autrement dit la poésie – qui exprime le mieux l’originalité d’une langue et la vitalité d’une culture. C'est pour cette raison que paraît cette année un deuxième volume de l'Anthologie de la poésie komie aux éditions Paradigme. Ces recueils bilingues komi-français offrent une sélection de huit auteurs incontournables des XIXe et XXe siècles :
Le public niçois a déjà eu le loisir de se familiariser avec les écrivains komis, notamment à l'occasion de la rencontre de 2012 au MUSEAAV autour des littératures finno-ougriennes de Russie (organisée par la Maison de la Russie et l'Adéfo) :
En particulier, Savine alias Ńobdinsa Vittor jouit d'une certaine notoriété depuis les échanges théâtraux évoqués précédemment, rapportés dans l'ouvrage Ńobdinsa Vittor et Francis Gag - Le théâtre au service de la langue, et dans la presse grâce à Robert Bistolfi (Lou Sourgentin, 2011, en français) et à Rémy Gasiglia (Nice historique, 2012, en niçois). L’écrivain Miquèu de Carabatta, d’ailleurs, nous fait parvenir sa voix en niçois dans les poèmes Un sera d'ivern et La mar Komi.
De même, en 2014, le public niçois a pu découvrir l'épopée Biarmia de Jakov sous la forme d'une adaptation théâtrale et musicale par la troupe du Théâtre national komi (L'âme de la taïga, au Théâtre municipal Francis-Gag, avec sur-titrage en français) :
La transmission par la jeunesse
Enfin, pour en revenir à la transmission de la culture komie, on ne peut que se réjouir de constater qu'elle est souvent assurée par la jeunesse. Et non seulement les jeunes Komis œuvrent dans leur pays pour partager leur patrimoine et l'enrichir, mais ils en font aussi la promotion ailleurs en Russie, et même à l'étranger :
Des jeunes du village de Pezmög jouent une version scénique du poème Kört Aïka de Milkhaïl Lebedev, en komi ; des lycéens de Syktyvkar jouent une pièce de Savine en version française (à Moscou et à Syktyvkar) ; des élèves de Vorkouta reçoivent un prix à Paris (Théâtre du Gymnase).
Un Komi de passage à Nice entre les révolutions russes...
Il y a une centaine d’années, à l’époque des révolutions russes, des liens discrets existaient déjà entre les pays komi et niçois : par exemple, au début des années 1910, on a vu passer un certain Pitirim Sorokine, folkloriste et militant social-révolutionnaire. Incognito, muni de faux papiers, il échappait à la police tsariste en s’abritant quelque temps sur la « Riviera », de Sanremo à Nice. Sorokine allait devenir l’assistant de Kerenski puis, exilé, mener une glorieuse carrière de sociologue aux USA.
La République de Komi : 100 ans d'autonomie
Devenu « république » au sein de la Russie soviétique dans les années 1930, le Komi est aujourd'hui un État bilingue, où deux langues ont un statut officiel, le komi et le russe, ainsi que le confirme la nouvelle constitution en vigueur depuis les années 1990.
Après un XXe siècle mouvementé, désormais au cœur d’un monde
contemporain globalisé, l’État de Komi souffle donc aujourd’hui ses 100
bougies.
Pour en savoir plus (en français)
Lever de rideau sur le pays komi offre un premier aperçu sur ce
qui fait l'originalité des Komis et de leur territoire (généralités, société,
économie), mais aussi des études sur la mythologie, la littérature et le
théâtre. [978-2-343-15572-2]
Choix de poésiesd'Ivan Kouratov (trad. Yves Avril, édition bilingue). [978-2-9538277-4-3]
Kört Aïka et autres légendes komiesrassemble plusieurs contes d'inspiration traditionnelle, composés en vers par Mikhaïl Lebedev et Lytkine Ilľa Vaś (édition bilingue). [978-2-9538277-1-2]
Les Komis – Questions d'histoire et de culture rassemble les actes d'un colloque organisé à Paris en 2009. [978-2-296-12070-9 & 978-2-85831-266-5]
Parlons komi, par Yves Avril, permet de découvrir la langue, mais aussi l'histoire et la culture. [978-2-296-01064-2]
L'anthologie Le pouvoir du chantrassemble des textes de poésie populaire des Komis et d'autres peuples ouraliens (trad. Jean-Luc Moreau). [978-963-13-1150-1]
La vie, les mœurs et l'État économique du peuple zyriane(Paris,
1900), par le R.P. Alexandre Krassoff, était une extraordinaire description
de la culture komie à l'époque de l'exposition universelle de 1900, et
c'est toujours un document passionnant.
À travers la Russie boréale(1894) est la relation d'un voyage effectué par Charles Rabot de Kazan à Tobolsk en empruntant le col du Čugör, donc en traversant la moitié sud du pays komi.
Je suis né où reluit l’étoile boréale,
Où l’aurore polaire épand tous ses sept tons,
Tandis que, par poignées, du ciel d’hiver dévale
Le plus cher des trésors : les argentins flocons.
Je suis né où rugissent les bois infinis,
Où se pavanent pins, épicéas, mélèzes,
Où les rudes gelées font que l’été s’abrège,
Antre du renard bleu et du renne endurci.
Je suis né où les eaux de la taïga sont pures,
L’air se voile au printemps de fleurs de cerisiers,
Mais en hiver le sol gèle jusqu’aux rochers.
Or à quoi bon se plaindre de cette froidure ?
Je suis né, passe et passerai ma vie future
Où sous la lune brille un blanc manteau nacré.
Али вынтӧм коми море? Али лажмыд сылӧн шӧр? Мед эз личкав выль мир дорӧм – Страна корӧ тырмидз вӧр. Ызгы гора, зарни море! Коми мырсьысь, зіля вӧр!
Нёбдiнса Виттор, 1933
LA MAR KOMI
Jamai noun ai vist la mar, Noun counouissi lou siéu cant. Dihon que la mar es larga, blu, Sensa tremegna ni counfin. Jamai noun ai vist la mar, Noun counouissi lou siéu cant.
Iéu, counouissi la mar Komi : La mairìs grana, sensa tremegna Que d’un cant jouious counvida à l’obra, Que’s lou luèc dóu gauch de viéure. Iéu, counouissi la mar Komi : La mairìs grana, sensa tremegna.
Dihon que la mar es jouiousa e lusenta, E bèla quoura es chatelina ; Que lou siéu piech va sempre mouvent, Que noun està jamai silenta. Que jouiouisa va sempre mouvent, Que noun està jamai silenta.
Aloura ! trista la mar Komi ? Aloura ! semblerìa laida ? Aquì ressouòna la farga de la vida, Canta la serra, juèga lou destrau. Aloura ! trista la mar Komi ? Aloura ! semblerìa laida ?
Dihon que la mar es grana e founda Dihon que la mar es proun fouòrta : Quoura ven trucà un roucas, Tout alentour reboumba lou tron. Dihon que la mar es grana e founda Dihon que la mar es proun fouòrta :
Aloura ! debla la mar Komi ? Que ! serìa gaire founda ? Boumbilhèsse la farga dóu mounde nòu : Lou nouòstre bouòsc nen fa mestié. Bulhe a plena vous, mar daurada ! Travalhaire Komi, afane-ti !
Revirada : M. de Carabatta & S. Cagnoli, 2018
LA MER KOMIE
Je n’ai jamais connu la mer, Son chant ne m’est point parvenu. On la dit vaste et bleue, la mer, Sans limite à perte de vue. Je n’ai jamais connu la mer, Son chant ne m’est point parvenu.
Mais je connais la mer komie : La vaste forêt sans limites. Son chant regorge d’énergie, Sa joie de vivre nous invite. Mais je connais la mer komie : La vaste forêt sans limites.
On dit son flot brillant gaiement, Et si beau lorsqu’elle est sereine. Son sein serait toujours mouvant, Jamais le silence n’y règne. On dit son flot mouvant gaiement, Jamais le silence n’y règne.
Comment, triste, la mer komie ? Comment, laide, son apparence ? Là sonne la forge de vie, La scie chante et la hache danse. Comment, triste, la mer komie ? La scie chante et la hache danse.
On dit la mer grande et profonde, Dotée d’une force grandiose : Quand la falaise essuie sa fronde, C’est le tonnerre qui explose. On dit la mer grande et profonde, Dotée d’une force grandiose.
Quoi, la mer komie serait frêle ? Sa profondeur insuffisante ? Que souffle la forge nouvelle : Tous de nos forêts se contentent. Bouillonne fort, trésor fidèle ! Main-d’œuvre komie, sois vaillante !
Traduction : S. Cagnoli, 2018
L'auteur : Viktor Savin, dit Ńobdinsa Vittor (1888-1943).
— Un théâtre finno-ougrien de Russie boréale en dialogue avec le monde —
La république de Komi, dans le nord-est de la Russie européenne, est bordée par l’Oural et par la toundra arctique. Au cœur de cette région finno-ougrienne où l’identité repose essentiellement sur la langue et sur le territoire, la société et son histoire entrent en résonance avec un siècle de représentations théâtrales dans l’idiome national.
Au fil des profonds changements de ces cent dernières années, le théâtre komi a pu s’avérer un vecteur de la mythologie et des traditions populaires, de propagande politique en ville et dans les campagnes, ou encore de communication mondialisée.
De l’auteur classique Mihail Lebedev, dont les personnages américains parlaient komi en Corée, au dramaturge contemporain Aleksej Popov, dont les pièces font aujourd’hui le tour de l’Eurasie, cet ouvrage « lève le rideau » sur une culture finno-ougrienne qui, bien au-delà des arts dramatiques, s’offre au dialogue avec le monde, entre les océans Atlantique et Pacifique, de l’Oural aux Alpes, de l’Arctique à la Méditerranée.
Sébastien Cagnoli. Lever de rideau sur le pays komi (Un théâtre finno-ougrien de Russie boréale en dialogue avec le monde). Préface d'Eva Toulouze. – Paris : L'Harmattan & Adéfo, coll. "Bibliothèque finno-ougrienne", vol. 27, 2018. – 520 p. ill. – ISBN 978-2-343-15572-2. – 39 €.
Présentations publiques en novembre-décembre 2018 :
à Nice : vendredi 09/11 à 18h, Librairie Jean Jaurès (2 rue Centrale) ;
à Moscou : jeudi 15/11 à 17h30, Représentation permanente de la République de Komi auprès du Président de la Fédération de Russie (Волоколамское шоссе 62) [compte-rendu] ;
à Syktyvkar (Komi, Russie) : mardi 20/11 à 13h30, Bibliothèque nationale komie (ул. Советская 13) ;
à Körtkerös (Komi, Russie) : jeudi 22/11 à 16h, Bibliothèque régionale de Körtkerös (ул. Советская 187) ;
à Paris : lundi 03/12 à 18h (salle 3.11) et mardi 04/12 à 15h (salle 3.18), Inalco (Pôle des langues et civilisations, 65 rue des Grands-Moulins, 13e).
Préface d'Eva Toulouze :
LEVER DE RIDEAU SUR UN PONT ENTRE KOMI ET LE MONDE
Le livre que vous tenez entre les mains est une œuvre originale et
précieuse dont la conception et la réalisation ont pris une décennie.
Une œuvre originale et précieuse : ce n’est pas tous les jours que
paraît une monographie présentant une vision d’ensemble d’une culture
finno-ougrienne, certes à partir d’un aspect précis, mais dans une
perspective globale. Le titre dit bien ce qu’il veut dire : Lever de
rideau sur le pays komi. « Lever de rideau », parce que ce livre nous
présente le pays komi. Ce n’est pas la première œuvre en français
portant sur cette riche culture finno-ougrienne, puisque le premier
volume de l’Encyclopédie des peuples finno-ougriens leur est consacré.
Mais ce recueil d’articles saupoudrait de connaissances un sujet trop
vaste pour être exhaustivement traité sous cette forme. Faute d’autres
sources en français, ces quelques textes permettaient d’assurer une
toute première information. Ils ont la qualité et le défaut d’un recueil
rassemblant des études de différents auteurs. Maintenant, nous avons à
disposition une somme qui nous permet de découvrir le pays komi de
manière relativement systématique. C’est le premier sens du titre.
Mais « lever de rideau » nous conduit tout de suite vers un contexte
précis : explicitement, nous sommes au théâtre. De même qu’une
représentation scénique n’est pas la vie, le texte sur lequel s’ouvre
ce rideau n’en est qu’une des innombrables éventuelles représentations.
Mais surtout, l’auteur a fait le choix de nous montrer le pays komi par
un angle d’attaque. C’est par le truchement de leur théâtre que les
Komis viennent à nous. Tout angle d’attaque est bon et permet de
pénétrer dans l’espace exploré. Mais celui-ci est particulièrement
riche, car nous allons découvrir la vie komie à partir de la manière
dont des auteurs komis représentent leur vie. Nous avons là une
perspective infinie en miroir. Le texte de Sébastien Cagnoli dialogue en
permanence entre vie et scène : ainsi, quand il nous parle de
bilinguisme, c’est le bilinguisme de la société, diversement mis en
scène, et intégrant le bilinguisme de la scène, qui s’inscrira dans la
mémoire du lecteur. Reflet sui generis de la vie, l’œuvre théâtrale la
montre de la manière dont l’auteur de la pièce veut la montrer, et en
même temps en devient une partie intégrante.
Est-ce cette particularité qui a amené Sébastien Cagnoli à faire le
choix de ce thème ? Il s’en explique dans l’ouvrage. Comme toujours, les
voies sont diverses, et sans doute leur cohérence ne finit-elle par
s’imposer qu’une fois le résultat achevé. En tout cas, la richesse de
cette approche, qui fait dialoguer en permanence texte et contexte,
s’impose à la lecture ne serait-ce que de la table des matières. Parler
d’économie dans un livre en principe consacré au théâtre ? Mais comment
percevoir, comment comprendre le pays komi sans l’éclairage des
conditions de vie et de développement de sa population, dans son
ensemble et de chacun des membres la composant ?
J’ai parlé de monographie. C’est en effet le résultat des recherches de
Sébastien Cagnoli que nous découvrons, et ces recherches sont
caractérisées par l’homogénéité que leur confère la personnalité de
l’auteur. Pendant des années, au fil de ses découvertes, au gré des
thèmes de colloques et des commandes d’articles, l’auteur a jeté des
coups de sonde et levé des pans du rideau couvrant les réalités komies.
Au bout de dix ans, le moment est venu de faire une synthèse, d’où ce
livre. Ce chemin d’exploration, on peut le découvrir en parcourant la
liste des œuvres complètes de Sébastien Cagnoli. Ce livre, pour sa part,
en est la substantifique moelle.
Ce n’est pas tous les jours qu’une culture minoritaire de Russie trouve
ses chantres. L’une des caractéristiques des cultures finno-ougriennes
de Russie centrale est le déséquilibre de la recherche les concernant.
La situation idéale est quand le regard de l’intérieur et le regard de
l’extérieur existent, se complètent et dialoguent. Cette situation est
regrettablement rare. Pour les cultures du centre de la Russie, la
situation est tristement déséquilibrée en faveur d’une proportion
outrageusement dominante du regard intérieur. Les Komis étudient les
Komis. Loin de moi de vouloir prétendre qu’ils ont tort. Mais l’étude
autochtone a ses limites, d’une part dans les évidences qu’elle est mal
placée pour identifier, et d’autre part dans les tabous que la société
elle-même produit. La confrontation ne peut être que constructive dans
la quête d’une compréhension de plus en plus proche et complexe d’une
vérité inaccessible… Quand je dis autochtone, je ne limite pas mon
propos au sens étroit de ce mot : songeons à l’impulsion formidable qu’a
donnée au débat sur la France dans la IIe guerre mondiale l’ouvrage,
publié en 1972, de l’Américain Paxton sur Vichy… Or pour les sociétés
non Russes de la Russie centrale, le regard extérieur, sinon
inexistant, est minime. Pour le monde komi, on ne peut pas ne pas
évoquer, comme le fait Cagnoli, l’Anglais Coates, grand précurseur qui a
travaillé dans les années 1970. Quelques Hongrois – Domokos, Vászoly,
Rédei… Mais la plupart des étrangers qui se sont penchés sur le monde
komi, en raison des spécificités de la recherche finno-ougrienne, sont,
comme Rédei, linguistes, et cantonnent leur recherche dans l’exploration
synchronique et diachronique des mécanismes internes à la langue…
Sébastien Cagnoli est venu, on peut le dire, tout seul, à la découverte
du pays komi. C’est par un intérêt esthétique qu’il y est entré, et non
pas porté par une quelconque tradition universitaire. Il n’a certes pas
manqué de rejoindre les milieux scientifiques en cours de route, de par
le souci de rigueur que le caractérise, mais justement, avec
l’indépendance de son itinéraire à lui, maintenant en permanence un
dialogue d’égaux. Il a fait aux Komis l’honneur, trop rare, de les
étudier à partir de leur langue et non à partir de la langue seconde,
celle du colonisateur, aujourd’hui dominante. Il leur a ainsi présenté
un miroir original, dont ils lui sont reconnaissants.
Ce livre est précieux, d’une part pour nous, je l’ai suggéré au départ,
car il comble une lacune comme il y en a trop concernant les peuples
finno-ougriens en français, et dans l’ensemble dans des langues de
grande diffusion à l’exception du russe. Mais aussi il est précieux
pour les Komis eux-mêmes : d’abord pour leur prouver le sérieux de
l’entreprise de découverte et de partage de leur ami et partenaire
français, auquel ils ont ouvert toutes les portes, et qui par cet opus
magnum leur exprime sa reconnaissance. Mais aussi, tout simplement, dans
l’absolu, par le regard extérieur qu’il met à leur disposition sur
eux-mêmes et qui leur fait tant défaut.
Ce miroir, il est obligatoirement sui generis. Ce livre en français, ce
n’est pas n’importe quel auteur français qui le leur livre : dans la
dernière partie de ce livre, Cagnoli met en parallèle les faits komis
avec l’expérience intérieure qu’il a des faits niçois. Il ne se contente
pas de regarder l’autre. Il en tire des conséquences. Le fait que
Cagnoli soit Niçois, engagé dans le monde niçois, le met
particulièrement à même de regarder le monde komi avec une compréhension
bien plus profonde que simplement un regard depuis Paris. À moins que
ce ne soit le contraire ? Que la rencontre du pays komi lui ait permis
pleinement de percevoir, de sentir, au-delà de la dimension
intellectuelle, la richesse ignorée de la culture et de l’identité
niçoise ? Sans doute l’œuf et la poule…
En tout cas, par cet ouvrage, non seulement il nous fait entrer dans le
monde komi, mais il nous fait sentir toutes les ramifications de ce
monde, jusqu’à très près de nous. Il me reste à souhaiter que Sébastien
Cagnoli continuera à investir (au moins une part de) sa sensibilité et
son talent à la découverte du monde finno-ougrien, qui n’a pas, au final
autant de passeurs qu’il le mériterait…
Première partie – Généralités et société...................................................................................31 Trois caractéristiques identitaires des Komis...............................................................................33 Le sentiment national komi : vers une identité républicaine extralinguistique ?.........................55 Le komi, un cas stratégique pour la connaissance des langues ouraliennes.................................63 Fret ferroviaire entre le Transsibérien et la mer Blanche : le projet Belkomur............................81
Deuxième partie – De la mythologie à la littérature................................................................93 Aux confins de l’Europe boréale : une introduction aux mythes nationaux dans la littérature komie................................................95 La parenté finno-ougrienne dans la littérature komie : héritage commun ou influences récentes ?.................................................................................101 Mihail Lebedev et la poésie épique komie.................................................................................109 Ilľa Vaś et les légendes komies...................................................................................................121
Troisième partie – Théâtre en langue nationale.....................................................................125 Le théâtre en langue nationale dans l’histoire du pays komi......................................................127 Le Studio komi de Leningrad (1932-1936) : une nouvelle génération pour le théâtre komi.....145
Svetlana Gorčakova et l’élaboration d’un nouveau répertoire...................................................161 Les Komis entre animisme et christianisme : résonances entre les périodes post-impériale et
post-soviétique dans la création dramatique komie....................................................................169 “Le poème des temples” (1992) : le mythe de saint Étienne revisité.........................................181 “Un blindé perdu dans la taïga” (2009) : les Komis dans le vaste monde.................................219
Quatrième partie – Théâtre et société.....................................................................................243 Mihail Lebedev et la satire politique du monde contemporain..................................................245 Le bilinguisme de la société komie reflété dans le théâtre en langue nationale.........................257 Mises en scène d’une identité non slave de Russie : langue, territoire et décors.......................265 Les nouveaux héros nationaux dans le théâtre komi post-soviétique.........................................279 Un opéra national komi au XXIe siècle.....................................................................................295
Cinquième partie – Perspective finno-ougrienne..................................................................301 Interactions et identités dans les théâtres finno-ougriens de l’Oural et de la Volga...................303 La langue marie au théâtre et à l’opéra – Survol d’un genre littéraire prolifique......................309 Les trois âges du cinéma oudmourte..........................................................................................321 Les langues finno-ougriennes dans la révolution médiatique du « Web 2.0 »...........................357
Sixième partie – Perspective européenne : coopération internationale...............................373 Coopération académique, scientifique et culturelle entre France et Komi.................................375 Traduire Savin............................................................................................................................381 Une comédie komie – Adaptations et mises en scène niçoises d’un théâtre minoritaire de Russie............................389 Le théâtre en langue nationale comme outil pédagogique dans une société bilingue................401 Observations sur le bilinguisme dans les théâtres komi et niçois – L’exemple de Ńobdinsa Vittor et Francis Gag........................................................................407 Le modèle finno-ougrien appliqué aux langues régionales de France.......................................421
Annexes.....................................................................................................................................429 Annexe 1. Principes d’écriture...................................................................................................430 Annexe 2. Komi : projections d’un mot multidimensionnel......................................................438 Annexe 3. Toponymes................................................................................................................445 Annexe 4. Statistiques................................................................................................................447 Annexe 5. Constitution de la République komie (1994) : extraits.............................................450 Annexe 6. Cartes........................................................................................................................451
Bibliographie.............................................................................................................................463 Index...........................................................................................................................................485 Table des illustrations...............................................................................................................512
Après une création à Syktyvkar, la version francophone de la comédie d'Öľekśej Popov Les cornes arrive à Nice en avril 2017.
Cette fois, les comédiens sont Sylviane Palomba et Olivier Martineau, dans une nouvelle mise en scène signée Serge Millet, et les personnages s'appellent Hélène et Stéphane.
Théâtre de l'Impasse, 4 ruelle Saint-André, 06300. Les vendredis 21 et 28 avril à 20h30. Les samedis 22 et 29 avril à 20h30. Les dimanches 23 et 30 avril à 15h.
C'est la première fois qu'une pièce de théâtre komie est jouée en France dans une adaptation française. À l'occasion de cet événement, l'auteur n'a pas pu se déplacer mais il a communiqué ce message aux artistes et au public :
Пыдди пуктана артистъяс Сильвьяан, Oливье, режиссер Серж, пьесасö тiян кыв вылö вуджöдысь Себастьян да став войтырыс, кодъяс уджалiсны спектакль петкöдлöм вылын! Зэв ыджыд аттьö ставныдлы!
Пыдди пуктана видзöдысьяс! Пöсясьыс пöся чолöмала тiянöс премьераöн! Ме кöть и ылын ола, но тайö здукъясас лоа тiянкöд. Кута мöвпавны тiян йылысь, шуавны бур кывъяс да эскыны, мый артистъяслöн ворсöмыс воас сьöлом вылад. Спектакльыс гажöдыштас тiянöс, сьöлöм сетыштас, ловтö кыпöдас. Муöдз копыр тiянлы да пöсь чолöм ылi Коми мусянь, кöнi сулалö помтöм-дортöм вöр. Сэнi арнас кутас кисьмыны пув, кодöн чöсмасисны Сильвьяан да Стан. Гашкö, кодсюрöлы и мукöдлы вичмыштiс. Горд пувйыс арнас кутас виччысьны, мед локтiнныд да вотчинныд. И ми Лариса гöтыркöд виччысям. Тi пыр лоанныд миянлы медся дона да пыдди пуктана гöсьтъяснас. И некор ог вунöдöй тiянлысь Коми муö волöмтö.
Аттьö став бурсьыс!
Кузь нэм да бур шуд ставныдлы!
Сыктывкар Öлексей Попов, Коми гижысь.
Chers Sylviane et Olivier, les comédiens ; Serge, le metteur en scène ; Sébastien, qui a traduit la pièce dans votre langue ; et tous les gens qui ont œuvré à l’élaboration de ce spectacle ; un grand merci à tous !
Cher public, C’est avec un immense plaisir que je vous souhaite la bienvenue à cette première ! Bien que j’habite un peu loin d’ici, sachez que je suis de tout cœur avec vous. J’espère que le spectacle vous plaira, et que vous apprécierez cette pièce teintée à la fois de mystère et de comédie. Je m'adresse à vous depuis le bout du monde : le pays de Komi, où la forêt s’étend à perte de vue. Chez nous, en automne, on peut cueillir une airelle rouge que Sylviane et Stan ont eu l’occasion de savourer lors de leur voyage : pouv, la canneberge. Je crois savoir que certains d’entre vous y ont goûté aussi. À votre tour, venez cueillir et déguster la canneberge ! Mon épouse Larissa et moi-même, nous vous attendons. Vous serez les bienvenus en pays komi !
«Сöглас! Сöглас! Öксайö! Тайö изйысдзикöдз тэнад! Мед век сiйöс шуасны “Куль-изöн”. Мед танiнекор некод тэнö оз вöрзьöд! Ми кöсьысям некор не койны вежа васö матiгöгöрас, некор непеткöдлыны татöн ни перна
ни мöдтортэныд паныд. Сарав шумтöг-зыктöг!»
Avec précaution, [Sérafim] s’approcha de la maison. Même de près,
il ne vit aucune lumière à la fenêtre ; seule scintillait dans un coin la
pâle lueur du crépuscule. Et puis elle disparut de son champ de vision. Mais l’obscurité
n’était pas encore totale.
Sérafim fit toc-toc à la porte. Il attendit un moment. Personne
ne répondit ni ne sortit. Il toqua une seconde fois. Pas un bruit. Il saisit
alors la poignée. Le lourd battant s’ouvrit en grinçant, comme à contrecœur. Il
n’y avait personne. Dans la maison, il faisait encore plus sombre que dehors. Sérafim
balaya l’intérieur du regard : une table, un banc et un petit poêle avec
une cuisinière dans un coin. Il y avait aussi une armoire contre le mur. À part
cela, rien, pas âme qui vive. Sur la table, quelque chose se déplaça en
produisant un bruit. Des mouvements rapides s’enchaînèrent. Sérafim avança d’un
pas ou deux et… il en resta bouche bée : il vit un échiquier sur lequel
les pièces jouaient toutes seules. Aucune main ne les déplaçait. Quel miracle !
Il contempla longuement cette partie sans intervention humaine. Il ne savait que
faire : s’asseoir ou ressortir ? Bon sang, allez savoir…
Alors que Sérafim faisait demi-tour, une porte s’ouvrit doucement
du côté du poêle, laissant pénétrer une faible lumière. Par là arriva un
vieillard chenu à longs cheveux et barbe. Il tenait à la main une chandelle à
la flamme chétive. Elle s’était consumée jusqu’à son support de bois. Sur l’échiquier,
les pièces bougèrent encore une fois, puis le jeu s’arrêta tout seul.
« Bonjour, voyageur, dit le vieillard avec bienveillance.
Je t’attends depuis longtemps. »
Sérafim resta d’abord interdit, mais il finit par retrouver la
parole.
« Bonjour, je ne sais pas comment t’appeler…
— Mon nom est long, rit doucement le vieillard, mais pour
faire court : “Atlym Ćud Örep Laďej du clan du prince Pam de Permie” [1]. Tu
peux dire “Vieux Laďej”. Assieds-toi.
— Et ça, demanda Sérafim en montra l’échiquier du regard,
comment ça marche ?
— Je joue avec les yeux et la tête. On s’ennuie, tout
seul.
— Ah oui… répliqua Sérafim, faisant semblant de
comprendre.
— Je suis vieux, Sérafim…
— Comment me connais-tu ? s’étonna de nouveau le
garçon.
— Il se trouve que je sais lire dans les yeux des gens. Je
n’ai rien à faire, ici. Je suis un vieil homme. Dans mes rêves, les dieux me rappellent
déjà auprès d’eux. Tu viens de Komi. J’ai invoqué une telle personne en pensée.
Tu passais près de chez moi et tu as répondu à l’invitation. Écoute.
— Oui, Vieux Laďej.
— Écoute attentivement. N’oublie rien. Dans ma vie
solitaire, j’ai vu bien des choses, et bien des choses non vues sont restées
aussi dans ma tête. Les loups l’emportent sur les brebis. D’épaisses ténèbres se
déploient. Et pas ici, mais dans la vie. Tu es un homme intelligent. Je le vois.
Et c’est pourquoi je te raconte cela. Tu m’écoutes ?
— Oui, Vieux Laďej.
— C’est aujourd’hui l’anniversaire du prince Pam de Permie.
Les dieux ont disparu, mais ils ne sont pas morts. Et il en est de même des
descendants de Pam. En voici un qui étudie dans votre ville au bord du Syktyv [2], dans
la plus grande école. Il a réussi à entrer. Il a été admis. Un garçon
intelligent. Cultivé. Mais ici, dans la région de l’Ob, à part moi, la plupart
des gens vivent avec le peuple local. Ils chassent, ils pêchent, ils élèvent
les rennes. Ils ne m’oublient pas : je mange à ma faim, j’ai du bois pour
le poêle. Que demander de plus ? J’ai même un chien.
— Je ne l’ai pas remarqué. Je n’ai rien entendu.
— Il aboyait, ici. Je l’ai envoyé un peu plus loin. Pour
qu’il ne t’effraie pas. Il me protège. Un bon chien. À quatre-z-yeux.
— Alors tu n’es jamais seul, Vieux Laďej.
— Qu’est-ce que je disais ? Oui. Aujourd’hui, c’est
l’anniversaire. Et il faut que je raconte à mon peuple une parole qui me tient
à cœur. Ensuite, il n’y aura plus personne. Nul autre ne l’a entendue. Tu
pourras revenir tantôt, mais je ne serai plus là.
— Tu vis encore, Vieux Laďej…
— Mais écoute-moi donc, coupa le vieillard. Ainsi parlait
le prince Pam : “Ô, Komis, vous êtes peu nombreux. Protégez-vous les uns
les autres. Un jour je reviendrai… non parmi vous, mais dans vos cœurs…
”Je ne dénigre pas le Moine Śťep, celui qu’on appelle Étienne
de Permie [3]. Il apportait un nouveau Dieu, au profit de Moscou. Mais, mon cher
fils, pendant mille ans nous avons eu notre propre mode de vie : si le
peuple komi l’oublie, il disparaîtra complètement de la terre. Respecte tes
grands-parents et tes parents, sache t’accorder avec la nature, veille sur ton
pays natal comme sur toi-même. Qu’a-t-il dit de neuf, Étienne de Permie ?…
”Moi, je suis né, j’ai vécu et je mourrai dans la croyance en
nos divinités. Je ne dis pas cela pour moi seul. Mais au nom de tous les
Permiens. Ou bien pendant mille ans nos aïeux se seraient-ils fourvoyés ? Ils
ont protégé notre pays contre les regards envieux…
”La Nouvelle Babylone approche. Si l’on a des griffes et des
crocs, alors on est un homme. Ne vous disputez pas en vain avec les gens qui
parlent une autre langue, mais ne perdez pas la vôtre. La vie embrouille les
gens. Le gros poisson avale le petit. Gardez-vous en troupeau, vous resterez vous-mêmes ;
si vous vous dispersez, vous vous perdrez…
”Pendant des siècles, le peuple komi a vécu sa vie propre. Aujourd’hui,
un grand nombre de gens, au fond d’eux, oublient leurs noms, leur mode de vie,
leur foi, leur langue. La chance sourit aux coupables, le malheur frappe des
innocents…” Tu m’écoutes, Sérafim ?
— Oui, Vieux Laďej.
— Dans la région de l’Ob, il y a de longs siècles, existait
une localité du nom de Šörkar : grande, joyeuse, c’est aujourd’hui le
bourg de Sherkaly…
— Et c’est là que nous allons, avec mes camarades ! s’exclama
Sérafim.
— Quelques verstes plus haut, et bien auparavant, se dressaient
les yourtes d’Atlym : Grand-Atlym et Petit-Atlym, non loin l’une de l’autre.
Là s’établit le prince Pam, qui avait été piégé et expulsé de Komi par la
violence. Ils avaient voulu le tuer, mais ils n’y étaient pas parvenus. Il arriva
avec sa suite. Les Komis étaient riches, puissants, mais surtout bienveillants.
Si tu fais du bien à quelqu’un, il te le rendra dix fois. Les arrivants furent donc
accueillis avec générosité. Et Pam dut vivre loin des terres et des tombes des
Komis.
— Et où alla-t-il ensuite ?
— Il dort maintenant au bord de l’Ob, là où se dressaient
les yourtes d’Atlym. En amont de l’actuel Sherkaly. La tombe, certes, s’est
effacée. Mais il a promis de se réveiller et de sortir de terre, pour conduire les
Komis vers un bonheur autonome. Ainsi parla-t-il : “Je vais dormir, pour me
réveiller à une autre époque.”
— Et toi, tu as vu la tombe de Pam, Vieux Laďej ?
— Je l’ai vue. Mais je ne veux pas le réveiller avant l’heure.
Il se réveillera lui-même. Ainsi parla-t-il. »
La chandelle clignotait sur la table.
Sérafim regarda sa montre. Le vieux Laďej hocha la tête.
« Tu dois te remettre en route.
— Oui, les camarades m’attendent.
— Savate (Čajpod)
te conduira par le plus court chemin.
— Qui ?
— Savate. Mon chien. Il est noir, mais sa poitrine et le
bout de sa queue et de ses pattes sont blancs.
— Il ne sait pas où je vais.
— Savate sait tout, il est capable de comprendre, il ne
lui manque que la parole », répliqua le vieux Laďej avec un large sourire.
“Un vieillard au cœur humble, au visage rayonnant, à l’esprit vif et très
original, se dit Sérafim. À la maison, je leur raconterai cette rencontre.”
« Dans la vie, chaque jour est une fête, soupira le vieux
Laďej. Un jour, une vie parfaite s’établira. La clarté de la terre est vaste. Il
y en aura pour tout le monde. Chacun à sa place. Soyez amis avec la nature, c’est
un cadeau des dieux, protégez-la comme vos ancêtres, apprenez leurs enseignements :
il est difficile de vivre sans racines. Ne vous querellez pas les uns avec les
autres. Les paroles dures, méchantes, ne plaisent ni aux gens, ni même aux végétaux :
elles attaquent, elles tuent. Protégez votre pays. La violente tempête “Šuvgej”
a tout balayé sur son passage, laissant derrière elle des terres
broussailleuses et abandonnées, des prés en friche, des villages désertés [4]. Si
vous ne vous protégez pas vous-mêmes, qui vous protégera ? Ne vous opposez
pas à la nouvelle foi : gardez-la dans un coin de la tête et vivez selon
votre bon sens. La Femme d’Or ne nous a pas attiré vers le mal : elle nous
a éduqués au bien. Les anciens Komis l’adoraient par-dessus tout.
— La Femme d’Or ? J’en ai beaucoup entendu parler. De
nos jours, on la cherche encore. Et elle existe ? La Femme d’Or ?
— Oui. Pam veille sur elle. Et de ce côté-ci de l’Oural,
les gens vénèrent la Femme d’Or et Vojpöľ. Les Ougriens. Ils les considèrent
comme leurs.
— Ils les vénèrent encore aujourd’hui ?
— Et depuis toujours. Elle recèle bien des secrets, la
taïga, dans la région de l’Ob. Nous sommes des peuples cousins. Ce côté-ci de l’Oural
s’appelle Manśipal, c’est-à-dire : “le pays mansi” ;
l’autre côté de l’Oural, c’est Saranpal : “le pays
zyriène”. Beaucoup de noms et de mots d’ici te seraient familiers : Šörkar
(la ville du Centre), Śölöm-Iz
(le mont du Cœur), Śura-Iz
(le mont Cornu), ńań (le pain), luzan (le sac à dos) et bien d’autres. Et leur Sorńi-Naj, c’est votre Femme d’Or (Zarńi Ań). Et voilà. Eh bien, allons-y. Attends seulement un
instant…
— Vieux Laďej, merci de tout cœur pour ton récit. Tes
paroles se sont gravées en moi. Tiens, j’ai un lièvre dans ma besace, je viens
de l’attraper, ainsi qu’un grand coq de bruyère et une gélinotte. Je veux te les
laisser. »
Sérafim commença à ouvrir sa besace, mais le vieux Laďej l’arrêta.
« Il fait nuit, à présent, il est trop tard pour chasser.
Et tu dois rapporter de la viande à tes camarades. Je le sais. Tu n’as pas
chassé tout cela pour toi. Attends un instant. »
Le vieillard alla dans sa chambre et revint avec une boîte en
écorce de bouleau haute de deux empans.
« Que veux-tu me donner ? Ce n’est pas la peine…
— Voici du miel. Des environs de Sherkaly. »
Sérafim bredouilla de surprise.
« Oh, non ! Je ne peux pas accepter.
— Prends-le, Sérafim. On me l’a apporté. Mais c’est un
cadeau pour toi, de la part du prince Pam de Permie.
— C’est son anniversaire, aujourd’hui ?
— Oui, c’est cela.
— Eh bien, je laisse ce grand coq de bruyère de bon cœur.
En cadeau de ma part.
— Tu auras beaucoup de difficultés à surmonter, Sérafim. Après
l’armée, je te souhaite de rentrer étudier en Komi, dans la plus grande école, où
s’instruit le descendant du prince Pam de Permie.
— J’y réfléchirai, Vieux Laďej. Et comment il s’appelle ?
— Le temps viendra… vous ferez connaissance », dit le
vieux Laďej.
Et, se tournant vers la taïga, il poussa un long sifflement.
Aussitôt, son chien était à ses pieds.
… Et le chien à quatre-z-yeux du vieux Laďej, qui répondait au
nom de Savate, conduisit vraiment Sérafim à travers l’épaisse forêt […].
« Merci, merci beaucoup à toi, mon chien Savate ! Transmets
mes chaleureuses salutations et mes meilleurs vœux au vieux Laďej. Que
longtemps encore il vive à la lumière. »
Et il agita la main vers la maison de Savate. Le chien comprit,
remua la queue, jappa une fois ou deux et disparut dans la nuit noire.
Vladimir Timine naquit le 2 juillet 1937 en-deçà de
l’Oural, dans un village de la « RSS autonome de Komi », en Russie soviétique. S’il est surtout
connu pour sa poésie, il est également l’auteur de quelques récits très
remarqués, où l’histoire et le folklore occupent une place prépondérante. Membre du mouvement national komi à partir de la fin des années 1980, il joua un rôle important dans la vie intellectuelle de la République lors des années de souveraineté (1991-1992) puis au sein de la Fédération de Russie. Rédacteur en chef de la revue littéraire L'Étoile du Nord [Войвыв кодзув], vice-président de l’Union des écrivains komis, il était une personnalité majeure de la scène culturelle du pays. Il est mort hier soir, le 25 novembre 2015, à Syktyvkar.
Le texte ci-dessus est extrait de son roman Un blindé perdu dans la taïga [Пармаын вошöм БТР], d’abord paru en feuilleton dans la revue Concorde [Арт] (numéros 1
à 3 de l’année 2007), puis la même
année aux éditions Kola. Écrit en komi, l’une des deux langues officielles de la république, ce roman est une aventure humaine épique,
caractéristique de cette grande contrée cosmopolite qu’est la Russie.
* * *
[1] Un nom komi traditionnel est constitué de la
juxtaposition des noms d’usage des ascendants, du plus ancien jusqu’à la
personne qu’il désigne (en l’occurrence : « Laďej fils d’Örep fils de
Ćud… »), en partant d’aussi loin que le permette la transmission orale de
la génalogie. Le fait que le personnage ait un nom « très long »
laisse entendre 1) qu’il est issu d’une famille komie aussi vieille, peut-être,
que le peuple komi lui-même, et 2) qu’il est porteur de la connaissance de toute l’histoire cette famille — et par extension,
de toute l’histoire du peuple komi. Ce personnage incarne donc en quelque sorte
« la conscience du peuple komi ».
[2] La ville au bord du Syktyv (en russe : Sysola),
c’est « Syktyvkar », aujourd’hui capitale de la République de Komi.
[3] Envoyé par Moscou avec une armée russe, l’évêque
Étienne de Permie a évangélisé les Komis au XIVe siècle. Les légendes
ont gardé la mémoire d’un certain Pam, qui aurait tenté de défendre le pays
komi et ses traditions face aux envahisseurs. À partir de cette époque, les
Komis qui refusaient de se soumettre à l’autorité des Russes ont reculé peu à
peu vers le nord (Izhma) et vers la Sibérie (Ob).
[4] Dans la mythologie komie, Šuvgej est un
souffle, un vent, qui peut être dangereux, enlever les gens, les posséder. C’est
un esprit maléfique susceptible d’induire ses victimes en erreur en changeant de
forme et en se faisant passer pour diverses créatures.