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sébastien cagnoli

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À paraître :
– 3 romans de Pirkko Saisio, chez Robert Laffont.
La femme grenouille, roman de Niillas Holmberg, au Seuil.
07/2023 : festival littéraire à Lectoure (Gers) sur le thème du Grand Nord.
06/2023 : réédition d'Une soirée de toute cruauté, de Karo Hämäläinen, chez Babel noir.

06/2023 : parution d'Elisabet, poèmes de Miki Liukkonen, au Castor Astral.

03/2023 : parution d'Espars, poème épique en mètre irrationnel, aux éditions du Ver à Soie, avec des illustrations originales d'Elza Lacotte.

03/2023 : parution de Racines, recueil de poèmes en mètre irrationnel, à Nice.

02/2023 : réédition du Parc à chiens, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.

10/2022 : représentations de Purge de Sofi Oksanen à Bordeaux, par la compagnie Le Meilleur des Mondes.
09-10/2022 : Festival Vo-Vf, Paris et Gif-sur-Yvette.
09/2022 : parution de l'article "Luiza Potolycina et son mari – L’œuvre komie d’Aleksandr Rekemčuk" dans la revue Études finno-ougriennes.
04/2022 : parution du Vocalisateur ébaubi à Nice.

03/2022 : mise en ligne des matériaux du colloque international Théâtre en langue minorée (Nice, février 2014).
03/2022 : représentations de Vincent River de Philip Ridley à Bertrix (Luxembourg belge).

03/2022 : tribune de Sofi Oksanen sur la finlandisation dans Le Monde.
03/2022 : parution du roman Un pays de neige et de cendres, de Petra Rautiainen, au Seuil.

03/2022 : à l'occasion de la présidence française de l’UE, parution d'un article de Sofi Oksanen dans le recueil collectif Le Grand Tour (Grasset).
02/2022 : Lo Peolh Revengut, edicion promiera.
02/2022 : à l'occasion du Printemps des Poètes, présentation d'Espars dans l'anthologie Là où dansent les éphémères (Le Castor Astral).
11/2021 : Les sots et les sages, cycle de mélodies trilingue d'Henri-Claude Fantapié (notamment sur des textes d'Uuno Kailas), à L'Accord Parfait (Paris 18e), dans le cadre d'un concert de l'ensemble Il Passaggio.
10/2021 : reprise de Purge de Sofi Oksanen par la compagnie Le Meilleur des Mondes.
10/2021 : parution d'un poème d'Aaro Hellaakoski en exergue d'un ouvrage de Pentti Sammallahti, aux éd. Xavier Barral.
10/2021 : un épisode de la série H24 écrit par Sofi Oksanen ; diffusion sur Arte et parution en recueil collectif chez Actes Sud.
07/2021 : parution d'une anthologie de poésie komie, en collaboration avec Yves Avril, aux éd. Paradigme.

07/2021 : création d'Innocence, opéra de Kaija Saariaho sur un livret de Sofi Oksanen & Aleksi Barrière, au festival d'Aix-en-Provence ; diffusion sur Arte Concert.

05/2021 : réédition au Livre de Poche du recueil d'Ursula K. Le Guin Aux douze vents du monde, avec en exergue le poème d'AE Housman duquel il tire son titre.
04/2021 : rencontre avec Miki Liukkonen à l'initiative de l'Ambassade de Finlande à Paris.
04/2021 : représentations de Vincent River de Philip Ridley à Bertrix (Luxembourg belge). (reporté)
04/2021 : Une jupe trop courte de Sofi Oksanen @ Points Poésie.

04/2021 : Le parc à chiens de Sofi Oksanen @ Stock.

03/2021 : "La reconciliacion pantaiada", analyse de tableau @ Cultura Viva.
03/2021 : chronique hebdomadaire sur Cultures Sauvages.
01/2021 : réédition de Sœurs de cœur, de Salla Simukka, au Livre de Poche.

01/2021 : parution d'Espars, poème épique en mètre irrationnel, à Nice.

01/2021 : parution du roman O, de Miki Liukkonen, au Castor Astral.

01/2021 : parution du roman Sans toucher terre, d'Antti Rönkä, aux éd. Rivages.

12/2020 : "Jeff d'en Bellet", chronique sur Thomas Jefferson @ Cultura Viva.
11/2020 : Démocratie au temps du choléra : Herzen et Garibaldi à Nice autour de 1848, conférence-concert avec Nadia Metlov & Hélène Grabowska-Metlov à la bibliothèque Louis-Nucéra, Nice en ligne.

11/2020 : lecture de poèmes de Caj Westerberg dans le cadre de l'expo Sammallahti.
10/2020 : présentation de l'Anthologie de la poésie komie à Syktyvkar ("Journée des peuples finno-ougriens", Bibliothèque nationale de Komi).
09/2020-05/2021 : exposition de poèmes de Caj Westerberg à Nice (musée Charles Negre, expo Miniatures de Pentti Sammallahti).
08/2020 : Congressus XIII Internationalis Fenno-Ugristarum, Universität Wien. (reporté)
07/2020 : création d'Innocence, opéra de Kaija Saariaho sur un livret original de Sofi Oksanen, au festival d'Aix-en-Provence. (reporté)

08/2020 : parution d'un poème d'AE Housman dans le roman graphique L'accident de chasse (Carlson & Blair, éd. Sonatine ; prix Ouest-France-Quai des bulles 2020 ; fauve d'or au festival d'Angoulême 2021 ; grand prix des lectrices de Elle 2021).
05/2020 : collaboration à la revue Books à propos de l'actualité littéraire finlandaise.
03/2020 : 1er prix ex-æquo au concours de traduction poétique organisé par l’Inalco et l’Ambassade d’Estonie.
03/2020 : représentations de Purge, de Sofi Oksanen, à Angoulême (compagnie Le Meilleur des Mondes).

02/2020 : concerts à Neuchâtel, avec des poèmes d'AE Housman.
02/2020 : parution du roman Le papillon de nuit, de Katja Kettu, chez Actes Sud.

11/2019 : réédition de Ils ne savent pas ce qu'ils font, de Jussi Valtonen, au Livre de Poche.

11/2019 : Conférence sur les langues autochtones de l’Europe, Institut finlandais & Inalco, Paris.
10/2019 : parution de "Ni scandinaves, ni slaves : des voix originales d'Europe du Nord", préface à Ma muse n’est pas à vendre, poèmes d'Ivan Kouratov choisis et traduits par Yves Avril, éd. Paradigme.
08/2019 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi dans le cadre du 15e Congrès des littératures finno-ougriennes, Kolozsvár, Roumanie.
05/2019 : parution d'Une soirée de toute cruauté, de Karo Hämäläinen, chez Actes Sud (coll. Actes noirs).

03/2019 : réédition en Folio du roman d'Anna Hope La salle de bal, avec des vers d'AE Housman.
03/2019 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi à Genève.
02/2019 : réédition au Livre de Poche du roman de Kate Atkinson L'homme est un dieu en ruine, avec des vers d'AE Housman.
01/2019 : parution de Sœurs de cœur, de Salla Simukka, chez Hachette.

12/2018 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi à Paris.
11/2018 : lecture publique de la pièce Purge de Sofi Oksanen à Cognac.
11/2018 : présentations de Lever de rideau sur le pays komi à Nice, à Moscou et en République de Komi (Syktyvkar et région de Körtkerös).
08/2018 : parution de Lever de rideau sur le pays komi, L'Harmattan & Adéfo, coll. "Bibliothèque finno-ougrienne".

05/2018 : parution d'un poème d'AE Housman en exergue du recueil d'Ursula K. Le Guin Aux douze vents du monde (Le Bélial'), qui en tire son titre.
05/2018 : réédition de Norma, de Sofi Oksanen, au Livre de Poche.

05/2018 : parution d'un article de Sofi Oksanen au Nouveau Magazine Littéraire, mai 2018.
03-04/2018 : représentations de Vincent River de Philip Ridley au Théâtre Ouvert Luxembourg.

01/2018 : Cent ans de musique et de poésie entre Nice et Finlande, concert-lecture autour d’Armas Launis et d’Uuno Kailas, Nice, bibliothèque Louis-Nucéra.

11/2017 : "L’imaginaire national finlandais à l’épreuve du centenaire - Un regard du XXIe siècle sur la poésie patriotique d’Uuno Kailas", dans le cadre du colloque Révolutions russes ; images et imaginaire en Russie et en France, Nice.
11/2017 : lecture d'extraits de la pièce Purge de Sofi Oksanen au Théâtre de l'Atalante (Paris) dans le cadre des rencontres Traduire - Transmettre.
10/2017-01/2018 : reprise des Cornes d'Alexeï Popov au Théâtre de l'Impasse (+ en tournée le 07/10 à Saint-André, le 27/10 à Falicon, les 13-14/01 à Vence).

09/2017 : réédition de Norma de Sofi Oksanen en grands caractères (éd. Voir de Près).

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— aux éditions du Ver à Soie —
Ce printemps, Espars paraît aux éditions du Ver à Soie avec des illustrations originales d'Elza Lacotte. L'ouvrage sera présenté en avant-première à Paris le samedi 25 mars 2023 à l'occasion du 10e anniversaire de la maison d'édition.
Un poème oulipo-épique – mais peut-être est-ce une épopée de caps et d’épées ? - évoquant une traversée de Villefranche à Cagliari sous Victor-Amédée III, âge d’or de la marine de Savoie dans le comté de Nice. Fluctuant et imprévisible, mais sans rien d’aléatoire, son «mètre irrationnel» obéit à des lois mathématiques issues de la nature, tel le rythme des vagues. La réalisation de ce projet d’écriture très musical n’aurait pas été possible avant les performances atteintes par les ordinateurs depuis les années 1960.
L'ouvrage est sélectionné par le CML pour le prix Méditerranée poésie 2023.

Collection : Voyages graphiques
Format : 180 x 300 mm, 280 pages
ISBN : 979-10-92364-61-3



Pour l'anniversaire de ses dix ans, Le Ver à Soie vous invite à venir découvrir pendant trois jours la boutique éphémère organisée pour l'occasion au 19 rue de la Mare, 75020 Paris (métro Couronnes).

      Horaires d'ouverture :

      - Vendredi 24 mars de 18 h à 22 h
      - Samedi 25 mars de 10 h à 22 h
      - Dimanche 26 mars de 11 h à 19 h

Au programme des festivités pendant ces trois jours, des rencontres autour des livres et des grands thèmes du catalogue ainsi que du travail d'amis qui ont accompagné la fondation et le développement de la maison au cours de ces dix dernières années :

> Vendredi de 18 h à 22 h, inauguration et autres surprises : où entourés des livres du Ver à soie et d'autres objets de papier qu'on y fabrique, d'une exposition de couvertures de livres au catalogue, d'illustrations d'Elza Lacotte et de Rita Renoir ainsi que du travail graphique d'Olivia Grenez, on reviendra sur les grands moments de l'histoire de la maison. Et il s'en est passé des choses en dix ans !
     À l'honneur de cette soirée, le best-seller Marche ou rêve de Luc Fivet (en présence de Luc Fivet) et le non-moins best-seller Barnum de Virginie Symaniec publié par les éditions Signes et Balises (en présence d'Anne-Laure Brisac, de Gilles Cheval des éditions Mazette et du guitariste Stéphan Chraïbi pour parler un peu en musique d'édition indépendante).

> Samedi de 11 h à 14 h 30, traductions croisées :
- De 11 h à 12 h 30, Traduire l'espace littéraire slovaque : autour des lauréates des prix de littérature de l'Union européenne Jana Beňová et Svetlana Svetlana Žuchová, et du Guérisseur de Marek Vadas, en présence de Diana Jamborova Lemay.
- De 13 h à 14 h 30, Entre russe, ukrainien, biélorussien et yiddish. Traduire les littératures d'Ukraine et de Biélorussie (en présence de Boris Czerny, traducteur de La Foire de Boris Iampolski et de Virginie Symaniec, fondatrice du Ver à soie).

> Samedi de 15 h à 16 h 30, comprendre la sérigraphie : où les petits et les grands pourront retrouver Blandine Imberty de l'Atelier parisien Carnet chouette pour un atelier autour de la technique du pochoir et de l'amour des couleurs qui fondent sa pratique de la sérigraphie - occasion également d'annoncer la mise en oeuvre d'un très beau nouveau projet jeunesse à paraître en 2024 au Ver à soie.

> Samedi de 17 h à 19 h, Le rêve européen à l'épreuve de l'écriture du réel : où on présentera en avant-première L'Homme qui flotte dans ma tête de Veronika Boutinova qui nous donne à entendre les voix de migrateurs dans les eaux profondes et glacées de la Manche (en présence de Veronika Boutinova) et Terre Ciel Enfer de Laurent Maindon, premier volume de la saga La Famille Müller qui débute à Berlin dans la nuit du 12 au 13 août 1961 où fut posée la première brique du Mur (en présence de Laurent Maindon).

> Samedi de 20 h à 22 h, De Mamou d'Angi Máté à Espars de Sébastien Cagnoli : où une lecture musicale d'extraits de Mamou d'Angi Máté - premier livre publié au Ver à soie le 25 mars 2013 sur une traduction du hongrois de Zsuzsa Kosza -, par la comédienne Isabelle Loisy, accompagnée à la contrebasse par Rémy Auclair, croisera une projection sur le travail musical qui accompagne le poème épique Espars de Sébastien Cagnoli, dernier livre publié au Ver à soie et à paraître en avant-première le 25 mars 2023 accompagné par les splendides illustrations d'Elza Lacotte.

> Dimanche à partir de 11 h,  un atelier poésie animé par Clara Delange rythmera la journée : il sera entrecoupé de lectures de poèmes qui pourront aussi avoir été écrits et fabriqués sur papiers ensemencés tout au long de la journée.

> Dimanche à 16 h, Goûter avec Les EnLivrantes : où on mangera de la tarte aux pommes maison autour de L'Ami d'enfance de Julien Dieudonné (en présence de Julien Dieudonné, Signes et Balises), de La Célébration du lézard de Quentin Margne (en présence de Quentin Margne, Le Soupirail) et d'Une Île en hiver de Sonia Ristic (en présence de Sonia Ristic, Le Ver à soie). Où on en profitera aussi pour visionner des extraits du pré-montage du film Les EnLivrantes, dont les prises de vue ont été réalisées avec la complicité d'Eric Dussert et de Bertrand Saunier en avril 2021.

> Dimanche à partir de 18 h : clôture de ces journées d'anniversaire en poésie avec Clara Delange.

https://www.leverasoie.com/
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Publié le Mercredi 15 Mars 2023, 11:24.


— lecture concertante —
La lecture concertante d'Espars prend forme...

Alors précisons tout de suite qu'il ne s'agira pas d'une lecture intégrale (parce que celle-ci durerait 3 h 40, cf. le très confidentiel audio book "read by the author"), mais d'extraits plus ou moins représentatifs agencés pour former un spectacle d'une heure environ. Pour le texte intégral, on se tournera vers l'édition illustrée à paraître prochainement au Ver à Soie.

Le texte était conçu sans aucune musique derrière la tête (le mètre irrationnel était déjà un rythme bien assez contraignant !), mais je ne passe jamais longtemps sans avoir des musiques dans, devant ou de tous les côtés de la tête : j'ai tout de suite pensé à Stockhausen, Sisask, Scelsi, Chostakovitch (Shostakovich ?)... Et là je me suis dit : tiens, tous des noms en S !

Du coup, j'en ai cherché d'autres : Szymanowski ? Schnittke ? Sallinen ? Stravinski ?! Non, vous avez failli y avoir droit aussi, mais ça n'a pas fonctionné avec le texte.

Amédée Briggen s'est alors empressée de dénicher des pièces de John Cage (que le récitant Michel Pallanca connaît bien pour avoir souvent interprété 4'33 avec ses élèves, et plus d'une fois à Villefranche, point de départ du récit)... et surtout de György Kurtág, dont elle tire une diversité dramatique inédite et un humour inouï !

Nous sommes vite tombés d'accord sur Philip Glass et Morton Feldman, indispensables camarades de voyage pour notre traversée sur le fameux rythme des vagues, à la fois répétitif et imprévisible, tantôt dramatique, tantôt contemplatif...

Enfin, la pianiste a complété cette invraisemblable bande-son avec des pièces de Henry Cowell (le vieillard de l'équipe, né au XIXe siècle ! mais aussi peut-être le plus follement expérimental) et de Pierre Boulez, dont le sérialisme de jeunesse pourrait presque être qualifié d'oulipien...


Le petit jeune de la bande, c'est Urmas Sisask, né en 1960, et il va bien nous manquer, car nous avons eu le choc d'apprendre son décès en décembre dernier...

En tout cas, les poètes et les matheux du pupitre se sont donné rendez-vous... aux pianos, dans les pianos et autour des pianos... contre vents et marées...

  

Si
vous
avez pu
connaître quelques accès
de mal de mer sachez que l’on
commence ici à prendre
l’habitude.


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Publié le Mercredi 15 Février 2023, 20:53.


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Publié le Dimanche 8 Janvier 2023, 12:23.


La poésie classique repose en général sur un mètre régulier. Les contraintes formelles sont fortes, et il en résulte un certain confort pour l’auditeur ou le lecteur, qui peut deviner le rythme – voire la rime – du vers suivant. La contrainte oblige aussi l’auteur à faire preuve de créativité dans l’usage de la syntaxe et du vocabulaire.

Par réaction à cette tradition, le modernisme a tracé une nouvelle voie à partir du xixe siècle, et surtout au xxe : celle du vers libre. Le vers libre s’affranchit de toute règle et offre un mètre imprévisible. Le poète explore alors de nouvelles formes et doit faire preuve d’une créativité différente, pour le meilleur ou pour le pire.

Avec le mètre irrationnel, je propose d’explorer une voie intermédiaire. Il s’agit de renoncer à la régularité du vers traditionnel et d’adopter un mètre imprévisible… mais entièrement prédéterminé. Par conséquent, on va réintroduire de sévères contraintes formelles dans le processus de composition – ce qui me semble d’ailleurs être le propre de l’expression poétique, dans toutes les civilisations.

Nombres irrationnels

Une séquence de chiffres entièrement prédéterminée mais imprévisible à vue d’œil, c’est ce qui caractérise les nombres irrationnels. Par définition, on qualifie d’irrationnel un nombre réel qui ne peut pas être exprimé sous la forme d’un ratio, d’un quotient d’entiers. Ces nombres présentent la propriété d’avoir un développement décimal dépourvu de toute périodicité. Autrement dit, aucun motif récurrent n’apparaît dans la succession des décimales.

Les plus connus sont les racines carrées telles que √2 (longueur de la diagonale du carré par rapport au côté), π (longueur du cercle par rapport au diamètre), ou encore e, le nombre d’Euler (base des logarithmes naturels, c’est-à-dire le nombre réel dont le logarithme est égal à 1).

  

À titre anecdotique – et poétique –, on appelle transcendants les nombres qui ne se laissent pas exprimer à l’aide de racines et ne peuvent donc être représentés que par un symbole propre (ou par une combinaison de tels symboles), comme π et e. Cette définition n’est pas d’une grande utilité mais le terme est joli.

Avant l’ère des ordinateurs, la meilleure précision de π était de 527 décimales, vers 1873, grâce au mathématicien britannique William Shanks. Pour e, J. Marcus Boorman calculait 346 chiffres après la virgule en 1884, après quoi il a fallu attendre 1949 pour qu’un premier calcul par ordinateur atteigne la 2 010e décimale. C’est seulement depuis 1962 et l’IBM 7090 qu’on peut aller au-delà – et jusqu’à plus de 100 000 décimales. Par conséquent, l’idée d’une « poésie en mètre irrationnel » n’aurait pas pu voir le jour avant la fin du xxe siècle.

Espars – un poème épique sous contrainte

Le retour de la contrainte dans la littérature postmoderne, c’est l’Oulipo dans les années 1960 : dans un monde littéraire où la liberté ne connaît plus de limites, le recours à des contraintes arbitraires (et ludiques) ouvre la voie à de nouvelles explorations du langage et de la pensée.

Dans un premier temps, j’ai composé le poème épique Espars comme un jeu de nature oulipienne, obéissant à des règles prédéfinies, notamment mon « mètre irrationnel ». Le choix du nombre e était également un clin d’œil à la lettre e, en hommage à Perec (et plusieurs lipogrammes parcourent d’ailleurs le texte). Le poème prend fin lorsque, pour la première fois de la séquence, quatre zéros se suivent. En incluant ces quatre zéros, j’aurai exploité 7 691 décimales (donc 7 692 chiffres).

Logarithmes et ondulations

Par définition, le logarithme naturel est la primitive de la fonction inverse qui s’annule pour la valeur 1. Autrement dit, c’est aussi la solution de la quadrature de l’hyperbole.

Une fonction logarithme permet de transformer des produits en sommes, ce qui a longtemps facilité les calculs manuels (la fonction exponentielle étant la réciproque).

Au xviiie siècle, l’application du calcul logarithmique aux nombres imaginaires a mis en évidence leur relation avec les fonctions trigonométriques – autrement dit, pour simplifier, entre les nombres e, i et π (ce qu’illustre la fameuse identité d’Euler : ). Depuis, les applications pratiques de ces théories mathématiques semblent inépuisables. Tous les phénomènes ondulatoires, donc à peu près toutes les branches de la physique (mécanique, électronique, optique, atomique, quantique, etc.), sont aujourd’hui indissociables de ces méthodes de calcul.

Qui dit ondulatoire dit vagues d’amplitude et de longueur variable, ce qui rejoint la thématique fondamentale d’Espars, celle de la mer (plus précisément la Méditerranée, à l’âge d’or de la marine de Savoie dans le comté de Nice, aux xviiie et xixe siècles), d’où le nombre d’Euler utilisé comme fil conducteur.

Le mathématicien François Daviet de Foncenex (1734-1798) – qui sert de modèle au personnage du capitaine – fait partie des quelques savants européens qui ont travaillé sur ces questions à une époque où la théorie des nombres imaginaires et l’abondance de ses applications pratiques étaient à peine en train de germer. Affilié à l’Académie des Sciences de Turin (puisque originaire de Savoie), donc collègue de Lagrange, il a eu des échanges particulièrement fructueux avec Euler (alors à la cour de Russie, à Saint-Pétersbourg) et d’Alembert (en France).

Notes de fond (pélagiques) sur Espars

Turin était la capitale des États de Savoie depuis le xvie siècle, donc du Royaume de Sardaigne à partir de 1720 (puis d’Italie en 1861). Daviet de Foncenex fut nommé gouverneur de la place de Villefranche, principal port continental du royaume, à l’époque où le roi Charles-Emmanuel III [à droite : statue à Carloforte] développait la marine et fondait une école navale. En tant que capitaine, Daviet de Foncenex commanda entre autres la frégate San Vittorio (construite à Villefranche dans les années 1770), qui sert de modèle au navire évoqué dans Espars. [À gauche : en rose, l’île de Sardaigne et les États-Sardes continentaux à l’époque.]

Quant au mousse et à son père, leur histoire personnelle est librement inspirée de celle de mes ancêtres qui, pendant trois générations, travaillèrent à Villefranche et à Nice dans la marine, notamment Giovanni Battista, arrivé dans les années 1730 avec son père depuis une autre région du royaume (le Montferrat, une conquête récente des rois de Sardaigne), mort en 1788 (son invalidité est authentique, encore qu’on n’en connaisse pas la nature exacte), et Andrea (1764-1839), marin puis garde sanitaire sous le règne de Charles-Félix.

Enfin, de manière joyeusement anachronique, je me réfère à des savants et écrivains des États-Sardes au xixe siècle (Verany et Risso, Xavier de Maistre, Agathe-Sophie Sassernò, Joseph Dabray…), que je paraphrase comme il se doit.

Voilà pour les personnages historiques. En ce qui concerne la langue, il faut rappeler que le pays niçois, de par son histoire et sa situation géographique, était alors au carrefour de nombreux idiomes et cultures : administration en italien ; population de langue occitane ; échanges quotidiens avec les voisins piémontais, génois et provençaux (donc déjà aussi en français) ; présence des premiers « touristes » anglais et russes ; commerce avec l’Afrique du Nord, la Méditerranée orientale et la mer Noire…

Enfin, le récit fait souvent allusion à l’environnement naturel et à sa faune. En effet, avec des profondeurs entre 2 000 et 3 000 mètres au large de Nice, le golfe de Gênes constitue aujourd’hui un périmètre international protégé où la présence de nombreux mammifères pélagiques est toujours attestée, voire en augmentation.


Contraintes secondaires

Pour en revenir à la forme, la contrainte majeure est celle qui détermine la longueur des vers. Les lipogrammes, acrostiches et autres fantaisies formelles qui agrémentent les chapitres n’ont rien d’innovant ; ces règles-là se veulent essentiellement anecdotiques et ludiques, sources d’inspiration et d’exploration.

Par ailleurs, une des contraintes les plus sévères, à mon sens, aura été celle qui doit permettre au lecteur de toujours saisir avec précision ce mètre fluctuant, sans hésitation, en dépit de son imprévisibilité (du mètre, pas nécessairement du lecteur). C’est pourquoi le mot officier ne figure pas une seule fois dans le texte, par exemple. Car comment les différents lecteurs prendraient-il l’initiative de le scander ? En trois ou quatre syllabes ? (La métrique classique a ses règles à cet égard, certes, sur des critères étymologiques, mais elles sont bien trop complexes, voire arbitraires, et méconnues aujourd’hui.) Un tel doute n’est pas permis. Les i, u, ou qui soulèvent de telles hésitations diérétiques sont donc exclus, ce qui réduit drastiquement mon pauvre vocabulaire.

Corollaires rythmiques

Revenons à la mise en œuvre du mètre irrationnel. À chaque décimale, j’associe un vers de longueur correspondante : entre zéro et neuf syllabes. C’est une contrainte supplémentaire, car cela donne des vers très courts (on pourrait imaginer aussi un principe de correspondance qui associerait chacun des dix chiffres possibles à une longueur de vers différente, plus longue).

On a vu que la séquence de ces décimales est reproductible mais imprévisible (à moins de procéder à des calculs savants). Après un vers de six syllabes, on peut voir survenir un vers de six syllabes, ou de sept ou de huit. On peut avoir trois vers de six syllabes consécutifs, etc. La probabilité est toujours la même, 1/10, entre le vers blanc (un silence) et le vers de neuf syllabes. On n’a donc aucun moyen de savoir ce qui va suivre.

Signalons une curiosité au passage. On a vu qu’un nombre irrationnel est constitué d’une série de chiffres infinie dénuée de motifs récurrents. Or, pour construire un poème en mètre irrationnel, on extrait évidemment de cette série une séquence finie. Et tôt ou tard, cette séquence figure nécessairement quelque part dans les décimales de π ou de n’importe quel autre nombre irrationnel, y compris celui qui détermine la structure du texte.

On obtiendrait – bien plus facilement – un résultat similaire avec une séquence aléatoire (par exemple avec un dé à dix faces, ou en lançant deux dés à six faces pour déterminer une séquence de mètres entre deux et douze syllabes)… à ceci près qu’elle ne serait pas reproductible. On pourrait qualifier cela de mètre aléatoire, et je serais surpris que cela n’ait pas déjà été expérimenté dans le cadre des recherches sur le hasard en poésie.

   

Le mètre irrationnel est donc fluctuant et imprévisible (plus encore qu’en vers libres), mais sans rien d’aléatoire, puisqu’il est entièrement déterminé par des lois mathématiques issues de la nature (la définition de e reposant sur l’aire délimitée par une hyperbole et son asymptote, donc sur des figures coniques observées dans la nature). Ces lois ne sont pas sans rappeler un autre phénomène ondulatoire bien connu dans la nature : celui des vagues. Et la comparaison entre le mètre irrationnel et le rythme des vagues est particulièrement perceptible sur la durée, par exemple avec une forme épique – et maritime – comme dans le cas d’Espars.

On peut d’ailleurs qualifier les lois mathématiques de « hasard » ou de « volonté divine ». De mon point de vue, cela revient à peu près au même. Le principe du mètre irrationnel veut justement soulever, par le biais de la poésie, cette question du rapport entre hasard et déterminisme.

Considérations neurologiques

On a vu que le mètre irrationnel s’oppose à la fois à la régularité du mètre classique et à l’irrégularité du vers libre. La probabilité qu’un vers ait une longueur donnée étant toujours la même (1/10), une certaine harmonie statistique se met en place au fil des pages. Quand on aura parcouru cent vers (j’inclus ici les vers muets – les silences – comme des vers à part entière), on aura rencontré environ dix ennéasyllabes, dix octosyllabes, etc., et dix silences.

Quelles sont les implications neurologiques d’un tel parti pris ? Que se passe-t-il lors de la perception d’un poème en vers irrationnels, visuellement ou auditivement ?

Transmission visuelle et auditive

Le lecteur qui lit le texte imprimé en a une perception visuelle : par les yeux, par les muscles oculaires, par les nerfs optiques, en coordination avec le cerveau, qui reçoit les données et les analyse pour interpréter le contenu du poème.

Mais la poésie, c’est avant tout du chant : lorsque le texte est déclamé, l’auditeur va recevoir par ses oreilles un signal acoustique, transmis au cerveau par les nerfs auditifs.

Donc le signal n’a pas du tout la même nature selon qu’on a le texte imprimé devant soi ou qu’on est assis face à un récitant. Le récitant se trouve dans une position charnière : il incarne et articule tout le processus de transmission, entre 1) le texte sur papier, parcouru par ses yeux qui effectuent de nombreuses saccades et fixations, et traité par son cerveau qui analyse la multitude de petites images disparates qui en résultent et, tenant compte de tous ces paramètres, compose une interprétation cohérente du poème puis active les cordes vocales et autres muscles pour produire un signal acoustique ; et 2) l’auditeur, qui devra retrouver dans ce signal acoustique tout le contenu du poème.

Saccades oculaires

Le texte imprimé est présenté en vers : les passages à la ligne constituent un signal visuel fourni au lecteur par la typographie. Chez le lecteur, chaque retour à la ligne fait l’objet d’une saccade oculaire beaucoup plus grande que les autres et effectuée de droite à gauche. Ces grandes saccades se succèdent à des intervalles qui correspondent à la longueur des vers, donc au développement décimal d’un nombre irrationnel.

Par conséquent, le lecteur peut très bien suivre mentalement un rythme syntaxique qui ne respecte pas toujours le mètre, puisque le découpage en vers est automatiquement transmis à son cerveau par les mouvements de ses yeux.

Et puisque l’œil qui perçoit le texte imprimé effectue nécessairement d’amples saccades de droite à gauche au gré de la séquence, le cerveau du lecteur s’accoutume au rythme irrationnel – une fois qu’on est entré dans l’harmonie statistique mentionnée précédemment. (C’est un constat qui ressort empiriquement des retours de lecteurs.) Il est intéressant de remarquer que cette accoutumance est un phénomène comparable à celui du marin qui prend l’habitude du tangage et du roulis, ondulations mécaniques dont il reçoit les signaux imprévisibles par les nerfs vestibulaires.

Le défi du récitant

L’auditeur n’a absolument pas accès aux signaux visuels de la typographie. Le développement décimal du nombre irrationnel lui est donc a priori hors de portée : n’ayant pas le texte sous les yeux, il ne va pas effectuer les fameuses saccades (il en fera d’autres, mais librement, dans l’espace).

Le récitant, dans son élocution, devra donc trouver un moyen de restituer cette information. À chaque fin de vers, il faut adresser un signal à l’auditeur. Je suggère un peu arbitrairement un silence équivalent à deux syllabes lors de chaque retour à la ligne, un silence marqué qui est très important pour rendre audibles les saccades oculaires inconscientes du lecteur.

Parallèlement, il y a la deuxième contrainte, évoquée ci-dessus : transmettre une syntaxe qui ne coïncide pas toujours avec les retours à la ligne. Il faut que le récitant arrive également à transmettre cette information syntaxique aux auditeurs, par son intonation, sans pour autant altérer les rapports de longueur dictés par le mètre. Au demeurant, l’auditeur étant aussi spectateur, le récitant a également recours à l’expression corporelle pour compléter le message.

Perspectives

Avec le projet suivant, j’expérimente un autre format. Il s’agit d’appliquer le principe du mètre irrationnel à un ouvrage beaucoup plus modeste : un recueil de poèmes relativement courts et indépendants.

Cette fois, la séquence choisie est celle des décimales de √7. Je m’arrête bien plus tôt que dans Espars, dès la deuxième occurrence de trois zéros consécutifs, soit après 996 décimales. Les autres zéros, doubles zéros et triple zéro séparent les poèmes élémentaires et définissent l’organisation globale du recueil (deux parties et onze sous-parties).

Sur le fond, les nombreux petits poèmes sont très libres. Ils puisent notamment dans la notion de racine et dans la symbolique du chiffre 7.

L’objectif de cette initiative est d’évaluer la pertinence du mètre irrationnel appliqué à des formes diverses. En l’occurrence, après le poème-fleuve (ou poème-mer ?), je m’essaye à la forme courte. L’avenir dira si c’est intéressant ou non, et si le mètre irrationnel offre des perspectives ou n’est qu’un verbiage futile. En tout cas, je m’amuse ; apparemment, une partie des lecteurs aussi. Ce n’est donc pas du temps perdu !

*

Sébastien Cagnoli,
novembre 2022
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Publié le Dimanche 27 Novembre 2022, 15:46.


— Back from Vashon Island —
Je retraçais récemment le parcours de W.B. Trites, cet auteur américain qui connut un succès aussi grand que bref dans les années 1910-1920 puis mourut dans l'oubli le plus total, au point que personne ne sait quand.

Il avait attiré mon attention pour avoir publié un roman à Nice en 1926, aux éditions "The Green Lane Press", en fait à son domicile : 3, quai Rauba Capèu.

Il s'agissait d'un petit tirage de démonstration, qui lui a permis de décrocher ensuite des contrats d'édition plus professionnels à Londres et à New York. Il paraît que les éditeurs l'ont alors obligé à édulcorer certains passages un peu trop licencieux pour la censure de l'époque.

Bref, il fallait absolument que je me procurasse un exemplaire de ce premier tirage, non censuré et édité à Rauba Capèu.

Je cherche un peu, je pose les yeux sur le premier venu... Et où est-il ? À Nice, Londres, New York ? En Pennsylvanie, patrie de l'auteur et de son épouse ? Que nenni. Il est ici :


Vashon Island est une île de 96 km2 dans le fjord de Puget, en face de Seattle, Washington. Sans aucune liaison routière avec le continent, elle n'est accessible que par bateau.


C'est donc là que m'attend ce livre bientôt centenaire, dans une librairie cachée au fond d'une forêt de conifères du Pacifique :




Aussitôt, le voici parti (en bateau, donc), pour Seattle, où il arrive le lundi soir.

Apparemment le mardi est férié, pour l'une des raisons suivantes : Frankenstein Day, International Cabernet Sauvignon Day, International Day of the Victims of Enforced Disappearances, International Whale Shark Day, Muharram (Islamic New Year), National Beach Day, National Grief Awareness Day, National Holistic Pet Day, National Toasted Marshmallow Day, Slinky Day, Touch a Heart Tuesday, Willing to Lend a Hand Tuesday. Je soupçonne très fort le chamallow grillé et/ou le cabernet.

Le mercredi, le livre s'envole pour New York, ou plus précisément pour le New Jersey : il atterrit à Teterboro, va faire un brin de tourisme à Long Island, puis redécolle de Newark. Au lieu de se glisser discrètement dans la soute du 767 direct qui me fait sursauter tous les matins, il a l'idée saugrenue d'aller se perdre à Roissy, sans doute pour voir la tour Eiffel en passant. Dommage, c'est samedi, il se retrouve en détention provisoire jusqu'à lundi.


Je passe sur la folle journée de lundi dans les locaux de la douane et sur la traversée de la France...

En tout cas, après un périple de 21 000 km aller-retour... le voici revenu à Rauba Capèu !

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Publié le Mercredi 7 Septembre 2022, 18:17.


— du col de Villefranche au mont Chauve et au cap Ferrat —

Parmi les rares tombes en bon état au cimetière anglais de Sainte-Marguerite, on ne peut pas manquer de remarquer celle d'un certain "Sir Ernest James Lennox Berkeley, K.C.M.G., C.B." (i.e. Commandeur dans l'Ordre de Saint-Michel et Saint-Georges, Ordre du Bain), d'une propreté éclatante, d'autant plus que la concession a au moins une double superficie et qu'elle se trouve juste à côté de la chapelle. Étant un incorrigible mélomane, quand je vois "Lennox" et "Berkeley" sur une même ligne, je ne peux pas m'empêcher de me poser des questions. Voici donc quelques réponses anglo-niçoises.

La Villa des Rochers (1864-1904)

James Charles Harris et Gerhardine von Gall se sont mariés à Stuttgart le 21 septembre 1858. Devenue britannique par mariage, Gerhardine s'appelle désormais "Geraldine". Autour de 1864, ils arrivent de Gênes, où Geraldine a donné naissance à deux enfants : Anna Lydia en 1862, et Aline Carla en 1863. James a 33 ans. Ils s'installent à la campagne, sur les hauteurs de Riquier, tout près du col de Villefranche : Villa des Rochers. J'ignore si James a fait construire la villa ou s'il a racheté et modifié une ancienne villa niçoise (ci-contre, emplacement du terrain sur la carte d'état-major des États-Sardes dans les années 1850). En tout cas, le bâtiment présente des caractéristiques architecturales néogothiques de style anglais.

James est un excellent aquarelliste. Il a appris la peinture à Londres, notamment à la Royal Naval School. À Nice, il s'empresse de se perfectionner auprès d'Alexis Mossa.

Le Pont-Vieux, par J. C. Harris.

1865. Naissance d'un troisième enfant, le 7 novembre. On est optimiste pour la descendance Harris : c'est un garçon ! Il s'appellera Montagu Cuyler.

Lors du recensement de 1866, on trouve la jeune famille sur l'ancienne route de Villefranche :
  • la tante Lydia Bird, rentière d'environ 78 ans ;
  • le couple Harris, 30 et 24 ans (les enfants ne sont pas recensés à cette adresse : ils passent sans doute leur petite enfance aux soins de quelqu'un d'autre, sachant que leurs parents viennent à peine d'arriver à Nice) ;
  • Rosa Garabini, cuisinière (veuve de 60 ans) ; Jeanne Garé, ménagère (34 ans) ; Luigi Miglietti, domestique (40 ans) ; Sebastiano Gibelli, cocher de 31 ans.
1867. Le petit Monty meurt le 22 octobre. James va le faire inhumer au cimetière anglais de Sainte-Marguerite, créé cette année-là sur la colline de Caucade pour les chrétiens réformés.
1868. Mort de la tante Lydia le 29 février. Elle rejoint naturellement le petit Monty dans la sépulture Harris.
Naissance d'une autre fille, Leonore Madgalen, le 13 décembre.

Les terres de la Villa des Rochers se trouvent à peu près à l'emplacement indiqué.
Il est possible que la forme qu'on aperçoit sur cette photo soit celle de la maison ou des fameux rochers.
     

Le cadastre de 1870 nous apprend que James est propriétaire d'un vaste terrain de 120 230 m2 (parcelles 14bis, 17-36 et 98-99 dans la section D), comprenant une grande maison.
Le recensement de 1872 révèle que 20 personnes habitent sur ces terres :
  • James (anglais), Geraldine (anglaise par mariage), et 3 filles (anglaises par filiation) : Anna Lydia, Aline Carla et une petite Leonore âgée de trois ans ;
  • une gouvernante et une bonne en charge des enfants : Jessie Gastaud (42 ans, anglaise) et Luise Muller (17 ans, wurtembourgeoise) ;
  • une femme de chambre : Louise Festa (32 ans, née à Nice, française depuis le changement de souveraineté) ;
  • une cuisinière : Justine Garin (34 ans, née en Savoie, française depuis le changement de souveraineté) ;
  • un cocher : Thomas Arcenta(?) (29 ans, né à Nice, français depuis le changement de souveraineté) ;
  • et deux domestiques : Giulio Rossi (20 ans, italien) et Victor Elena (18 ans, né à Nice, français depuis le changement de souveraineté).
En 1876, la famille vit avec une institutrice anglaise et deux domestiques italiens.

En 1877, James participe à la fondation de la Société des Beaux-Arts de Nice, dont il sera le secrétaire.
Le 17 mars 1879, James Charles Harris devient membre de la Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes.
Cette année-là, Aline Carla et Sir James ont enfin un fils : Arthur, né le 27 août (ils résident alors provisoirement dans l'Oise, à Pierrefonds, chez le propriétaire Paul Degorey).

En 1881, James est nommé vice-consul d'Angleterre à Nice.

Continuant de se passionner pour l'histoire de la région, il publie en 1882 une étude présentée à la Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes : Monaco, pièces historiques et traités (impr. de Malvano-Mignon, Nice).

À l'occasion de l'exposition internationale de Nice en 1883-1884, James est commissaire pour l'Angleterre.
En 1884, il est promu consul d'Angleterre à Nice (avis paru dans Le Petit Niçois le 12 juin).

Photo Gilletta de l'expo internationale.

1887 : mariage d'Anna Lydia avec Arthur von Eppinghoven, à Cobourg, le 14 juillet. Arthur est le plus jeune enfant illégitime de Léopold, roi des Belges, avec sa maîtresse Arcadie Claret.

À partir de 1888, James sert aussi de consul auprès de la Principauté de Monaco.

La deuxième fille, Aline Carla, se marie le 28 janvier 1891 avec Hastings Berkeley, et elle suit son mari en Angleterre. Le beau-père George, 7e comte de Berkeley, est mort à Londres en 1888 ; mais Hastings et son frère Ernest sont nés avant le mariage de leurs parents en 1860 ; c'est donc leur frère cadet Randal, né à Bruxelles en 1865, qui a hérité du titre de comte. La lignée des comtes de Berkeley remonte au XVIIe siècle, elle-même issue d'un titre de baron créé en 1421. Le fief de Berkeley se trouve en Gloucestershire, entre Gloucester et Bristol.
En Angleterre, Aline et Hastings ont deux enfants :
  • Geraldine Berkeley en 1897 (née à Middle Claydon, Buckinghamshire) ;
  • Lennox Berkeley, né le 12 mai 1903 (à Abingdon, Oxfordshire) => c'est bien le compositeur que j'avais dans un coin de la tête !
Le 17 mars 1895, James offre à la reine Victoria un album de quinze aquarelles représentant des sites pittoresques du pays niçois [à droite : la reine d'Angleterre en visite à Nice en 1895]. En 1896, toujours à Nice, elle lui remet les insignes de l'Ordre royal de Victoria.

Extrait du rapport sur les travaux de la session 1896-97 de la Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, lu en séance publique, le 20 avril 1897, par M. le Dr A. Guébhard, Président de la Société :
"Il appartenait à M. Harris de nous emmener un peu plus loin de nos clochers, fût-ce des clochers dorés de Monaco, et de nous faire entrevoir, à travers les minarets de l'Orient, le théâtre des grands intérêts politiques anglais. C'est ainsi que nous avons appris l'histoire intime de la première campagne du Soudan, et refait le sauvetage de ce pauvre Emin, que d'irrévérencieux Français et Allemands ont parfois traité de « sauvé malgré lui ».
Au moment où couvait le feu qui vient d'éclater en Orient, M. Harris nous initia, d'après Sir Richard Wood, à quelques-uns des mystères de ces Druses du Hauran, qui habitent, littéralement, sur un volcan, duquel, pourtant, les convulsions seraient assurément moins à redouter pour l'Europe que celles de leur remuante et batailleuse humeur.
À l'occasion de cette communication, M. Usquin nous a apporté, de son côté, mille détails circonstanciés, souvenirs personnels d'Orient, sur les pratiques religieuses de ces ennemis invétérés des Maronites chrétiens et aussi sur le Bouddhisme, dont il ne semble pas que les prescriptions éminemment philosophiques et morales aient jamais pu engendrer le révoltant mélange de pratiques bizarres qu'est le cultes des Druses.
A ces observations, plusieurs membres de notre Société, diplomatiquement très documentés, ajoutèrent leurs renseignements personnels, et nous pûmes dire, en sortant de cette séance, que nous venions d'avoir notre journée des consuls."

(in Annales de la Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, 1899)
En 1899, il reçoit la médaille du Jubilé et le titre de commandeur dans l'Ordre royal de Victoria (CVO).

Sir James se retire du Consulat en 1901. Des enfants, il ne reste plus qu'Arthur à la maison, 21 ans, officier. James et Géraldine emploient trois domestiques italiennes (Susanna, Margherita et Cattarina, avec la fille de cette dernière) ; une cuisinière suisse ; et une femme de chambre italienne. En outre, les Harris logent et emploient sur leurs terres le fermier Honoré Navello avec femme, enfants, jardinier, etc.

En 1902, Sir James reçoit la médaille du Couronnement et est promu chevalier commandeur dans l'Ordre royal de Victoria (KCVO).
 
Sir James Charles Harris meurt le 7 novembre 1904.

Les obsèques ont lieu le 11 : lever du corps à la Villa des Rochers, cortège jusqu'à l'église anglaise de la Buffa, après quoi Sir James est enterré au cimetière anglais de Caucade, où il rejoint sa tante et le petit Monty.

L'événement se déroule en présence d'Arthur et de sa sœur la baronne d'Eppinghoven, et surtout de tous les notables niçois. Il fait l'objet d'une large couverture médiatique, notamment dans Le Phare du Littoral et dans The Swiss & Nice Times.


Le benjamin ne va pas tarder à quitter la maison : Arthur se marie bientôt avec Nellie Adeline Ford, née le 11 Septembre 1886 au Pays de Galles.
N'ayant plus personne à Nice, sa mère quitte la Villa des Rochers, peut-être pour passer ses derniers jours chez lui ou chez d'autres parents. Elle mourra en 1912 au Pays de Galles.

Les terres de la Villa des Rochers sont vraisemblablement partagées entre les enfants, avec des accès de différents côtés. En 1911 (recensement), une propriété Harris est occupée par une famille Bovis, tandis que les Navello continuent de cultiver la leur. Cette année-là, un certain G.-B. Lanfredi demande à la municipalité l'autorisation de "tirer des mines dans les rochers de sa propriété, avenue Germaine, propriété Harris, quartier du Mont Boron" (archives municipales, 2 T 225-262 - 2 T 250-80). C'est apparemment l'époque où la campagne mi-sauvage mi-cultivée du col de Villefranche cède la place à une urbanisation intensive. Mais ce qu'il reste des rochers est toujours bien visible aujourd'hui, puisqu'ils demeurent aussi bien indestructibles qu'inconstructibles... ainsi qu'une partie de l'ancienne villa : l'immeuble moderne est construit par-dessus, mettant en évidence une base formée d'arcades néogothiques.

   

La ville de Nice vue des Rochers aujourd'hui.

Superposition du plan cadastral de 1871 avec la vue aérienne d'aujourd'hui.

Les frères Berkeley sur le mont Chauve

Entre-temps, Sir James a marié sa fille Leonore au frère de Hastings : Ernest James Lennox Berkeley, né à Fontainebleau en 1857. Celui-ci tient son troisième prénom de son arrière-grand-mère Emily Charlotte, qui était une descendante de la famille ducale de Lennox.
Après son service militaire (1876-1877), Ernest est entré dans l'administration coloniale. Il a occupé les fonctions de vice-consul pour l'Afrique-Orientale (1885), de consul pour Zanzibar (1891), d'administrateur des territoires de l'Imperial British East Africa Company (1891-1892) et, enfin, de commissaire & consul général britannique pour l'Ouganda (1895-1899). Il est compagnon de l'Ordre du Bain depuis 1897.
C'est apparemment pendant cette période africaine que se situe leur mariage. Ernest quitte alors l'Afrique Orientale. Le couple aura deux enfants : une fille, Yvonne, née en Angleterre en 1898 ; et un fils, Claude, en 1906.
De retour en Méditerranée, Ernest devient consul général à Tunis en 1899. Il se retire définitivement en 1920 et est fait chevalier de l'Ordre de Saint-Michel et Saint-Georges en 1921.
En 1928, dans l'annuaire, Ernest est propriétaire de la Villa des Rochers.
En 1929, Leonore meurt le 27 mai en la Villa Bello-Sguardo, son domicile en location à Rimiez. Elle n'est pas inhumée avec les Harris.

À Falicon, lors du recensement de 1931, on trouve les frères Berkeley au quartier du Rayet (ils n'y étaient pas en 1926). Le chef de famille est Hastings Berkeley, retraité, avec sa femme Aline Carla née Harris. Il héberge son frère Ernest James Berkeley, retraité, et le fils de celui-ci, Claude, âgé de 25 ans. Ils emploient une bonne de 36 ans.

Malade, Sir Ernest fait un séjour en ville, au sanatorium Villa Constance, où il meurt le 24 octobre 1932 (anecdote : Uuno Kailas y entrera peu après et y mourra à son tour en mars 1933). Il est inhumé dans la sépulture de sa belle-famille Harris.

La Villa Melfort

Vers 1880, la famille Harris possédait également des terres au cap Ferrat. À la retraite, Aline et Hastings viennent s'y installer dans la Villa Melfort (aujourd'hui 20 avenue Prince-Rainier-III-de-Monaco, ancienne avenue Centrale), dont le nom commémore la mère de Hastings, descendante des vicomtes de Melfort.
1934
. Mort de Hastings le 17 février. Il est inhumé dans la sépulture de sa belle-famille Harris.
1935
. La veuve Aline Carla meurt à son tour le 26 décembre. Elle rejoint son mari et son père dans la sépulture Harris-Berkeley du cimetière anglais.

À Caucade

Depuis les années 1930, au cimetière de Sainte-Marguerite, un monument sobre et élégant honore tous les membres de la famille qui y reposent. La plaque la plus visible est celle de Sir Ernest. À gauche, une pierre est dédiée à la grand-tante Lydia Bird. À droite, une autre pierre réunit la famille Harris (dont Ernest est exclu car sa femme ne repose pas là) : Sir James, son gendre Hastings et sa fille Carla. Enfin, le petit Monty est commémoré par une croix distincte.


Et pour résumer toute l'histoire... :

(Les personnes enterrées dans la concession en question sont représentées en bleu. Il semblerait que les deux grands-parents Melfort soient enterrés dans le même cimetière.)

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Publié le Samedi 3 Septembre 2022, 17:55.


— de Green Lane à Rauba Capèu —

Philadelphie, entre les lettres et l'homéopathie

William Budd Trites Jr. est né le 20 juillet 1872 à Philadelphie, dans le quartier de Manayunk.
"Trites" semble être une altération américaine du nom allemand "Treitz" (particulièrement présent du côté de la Sarre).
Il est le fils de l'homéopathe William Budd Trites (né à Sunbury, comté de Northumberland, dans l'intérieur de la Pennsylvanie, le 22 août 1847) et d'Amanda Katharine née Sutton.

Manayunk et Bala Cynwyd en 1891, de part et d'autre du fleuve Schuylkill (cliquer pour agrandir).
Green Lane et l'église Saint-Asaph sont indiquées en rose.

En 1888-1890, WB Jr. fait des étudies de lettres à l'Université de Pennsylvanie. Il s'inscrit ensuite en médecine au Hahnemann Medical College (Philadelphie), sur les pas de son père.

     

Justement, le père meurt en 1890. Junior laisse tout tomber et quitte le monde académique pour devenir écrivain.


Le 9 avril 1901, William Budd Trites Jr. épouse Estelle Oleada Klauder (née vers 1882), fille de Charles W. Klauder. La mariée est originaire de "Bala Cynwyd", une commune fondée par les quakers gallois sur la rive droite du fleuve, juste en face de Manayunk. L'union y est célébrée en l'église protestante épiscopale Saint-Asaph, un somptueux édifice de style gothique victorien achevé en 1889 : l'architecte Theophilus P. Chandler a imité l'allure de la cathédrale de Saint-Asaph (dans le Denbighshire, au Pays de Galles), pour rappeler l'origine galloise de la paroisse. Le temple se dresse alors entre les avenues de terre battue, le cours du fleuve Schuylkill et la voie ferrée de Pennsylvanie.

En 1904, la jeune Estelle O. Klauder sort diplômée de la Cornwell University. Journaliste, elle publie dans divers périodiques anglophones. Dans les années 1900, au cours d'un grand voyage à travers l'Europe, elle passe un hiver à Nice avec "deux amis" (et une domestique locale payée à l'heure, en journée) : "de novembre à avril", en location meublée "sur le prolongement oriental de la Promenade des Anglais", donc sur le quai des États-Unis, peut-être même le quai des Ponchettes. Elle fera un compte rendu de ce séjour en septembre 1909 dans le London Mail ("Life on the Reviera" (sic) : voir reproduction ci-contre). L'année suivante, dans un journal d'Illinois, elle donne des conseils pratiques à ses compatriotes désireux d'aller explorer eux aussi l'Ancien Monde (Bureau County Tribune, 13 mai 1910, p. 10).

Carrière littéraire en Pennsylvanie

Les débuts littéraires de WB Trites sont retentissants :
  • John Cave (1909, A. Treherne & Co, London ; 1913, London & NY, 297 p.)
  • Life (1911, Mills and Boon ; Wyman & Sons, 283 p.)
    Repris sous le titre Barbara Gwynne (1913, Duffield. 285 p.)
  • Love: Brian Banaker's autobiography up to the age of twenty-four (1916, A. A. Knopf, NY, 300 p.)

Dans la presse, les critiques sont élogieuses (notamment de la part de W.D. Howells et de Frank Harris).

Ses livres suivants reçoivent un accueil beaucoup plus discret :

  • Girls and Soldiers (1916-1918, T. Werner Laurie, London, 202 p.)
  • Ask the Young (1924 Grant Richards, 205 p. ; réédité en 1929, Gollancz, London, suite au succès de The Gypsy ; réédité une dernière fois en 1936). Une "novelette" qui raconte l'histoire de deux dilettantes oisifs... probablement largement inspiré par l'expérience personnelle de l'auteur et de son épouse.

Entre-temps, Trites a publié un article consacré à "Dostoievsky" dans The North American Review (University of Northern Iowa), Vol. 202, No. 717, août 1915, p. 264-270) ; puis des nouvelles dans le Saturday Evening Post, notamment "The Slacker" (11.12.1915) et "Lady Monica's Batman" (26.03.1921). Par ailleurs, une pièce dactylographiée intitulée The American Method (comédie en 4 actes, non datée) est conservée à Harvard.

Manayunk se trouve à gauche. Green Lane débouche sur le pont au premier plan, tandis que la voie ferrée traverse le fleuve en biais ; Bala Cynwyd est sur la droite, hors cadre (photo aérienne prise vers 1918).

Nice, 1925-1935

WB Trites figure dans les annuaires de Nice à partir de 1925 : "William Bud Trites" (sic), domicilié dans les immeubles de Bucamps, au 3 quai des Ponchettes, bientôt renommé quai Rauba Capèu.
Lors du recensement de 1926, William est écrivain, né à Philadelphie (en "1876", au lieu de 1872). Il vit avec son épouse Estelle née vers 1882 (également à Philadelphie), et leur domestique Caroline Quaranta, une Piémontaise de leur âge, née à Cuneo vers 1881.

Sur cette carte postale de 1923, l'immeuble no 3 est curieusement coloré en bleu.

C'est alors que paraît le livre qui a attiré mon attention sur ce mystérieux écrivain oublié : The Gypsy, édité par The Green Lane Press, 3 quai Rauba Capèu, Nice, 1926 (hardcover, 168 p.).
Il s'agit d'une auto-édition, et c'est d'ailleurs le seul ouvrage connu sous le nom de cette maison fictive : Green Lane est tout simplement la grande artère de Manayunk, la "Promenade des Anglais" de WB Trites.
Le récit décrit l'obsession maladive d'un peintre pour son modèle, une gitane.
À partir de ce tirage personnel, l'auteur parvient à faire publier le roman en Angleterre en 1928, mais sous une forme édulcorée (Victor Gollancz, 173 p. ; puis Frederick A. Stokes à NY). Une fois de plus (et une dernière fois), les critiques sont émerveillés (LP Hartley, entre autres) : "unforgettable", "indubitably a work of genius", "a masterpiece"... Le livre est même traduit en suédois et publié à Stockholm en 1929.

Du coup, renouant contact avec les mondes éditoriaux anglais et américain, Trites publie encore quelques livres pendant cette période niçoise, dans un registre gentiment divertissant, semble-t-il :
  • Paterfamilias (1929, Gollancz, London, 384 p. ; 1929, Cosmopolitan Book Corporation, US, 438 p.). Puisant dans sa jeunesse à Philadelphie sous l'autorité de son père, Trites développe là une histoire autour des péripéties d'un médecin en Amérique... Le livre est décrit dans la presse comme "an agreeably unpretending book, relieved by a kind of sub-acid wit, and told and felt so discreetly as to raise it a long way above the ordinary ruck of current novels".
  • A Modern Girl (1929, Frederick A. Stokes & A.L. Burt, NY,  286 p.), une romance centrée sur le personnage de Hilda March, une Américaine au service de l'US Air Force en France pendant la guerre.
  • Miramar (1931, Cassell & Co, London ; 1933, id.), apparemment une romance autour d'un personnage féminin.

Lors du recensement de 1931, William et Estelle résident toujours à la même adresse (avec des dates de naissances non moins farfelues : 1874 et 1884), sans domestique permanent.
Trites ne figure pas dans l'annuaire niçois de 1933, mais on le retrouve à la même adresse en 1934-1935 : "William Bud-Trittes (sic), rentier". Il a donc renoncé à écrire.

1936

À partir de cette année-là, William et Estelle ne figurent plus dans l'immeuble (annuaire et recensement).
Victor Gollancz réédite Ask the Young à Londres en 1936. Est-ce à l'occasion de la mort de l'auteur ? Pourtant, sa mort n'est attestée nulle part. Il devrait avoir 64 ans, et on perd complètement sa trace. On n'entendra plus jamais parler de WB Trites, dont l’œuvre tombe aussitôt dans l'oubli le plus total.

Quant à Estelle, on voit son nom refaire surface dans le journal des anciens élèves de Cornwell. On y apprend son décès, le 24 avril 1953. Elle avait alors 71 ans environ, et son dernier domicile était à Sant Antoni, Ibiza.



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Publié le Mardi 30 Août 2022, 15:19.


— Rencontre avec les traductrices et traducteurs sélectionnés —
Le vendredi 23 septembre 2022, de 18 à 21 h, en l'auditorium de l'Inalco, 65 rue des Grands Moulins, Paris 13e : rencontre avec traductrices et traducteurs sélectionnés pour la 4e édition du Prix de la traduction Inalco/Vo-Vf.



Depuis 2019, le Prix de la Traduction de l'Inalco/Vo-Vf récompense le travail d'un traducteur œuvrant à faire connaître les littératures écrites dans l'une des 103 langues enseignées aux Langues O'. 

La rencontre du 23 septembre, animée par le journaliste littéraire Julien Delorme, sera l'occasion de parler des ouvrages sélectionnés et de donner la parole aux traductrices et traducteurs en lice pour cette 4e édition : Chloé Billon, Sébastien Cagnoli, Sylvain Cavaillès, Marie-Cécile Fauvin, Christine Laferrière, Pierre Mong-Lim et Annie Montaut.

Le prix sera remis à Gif-sur-Yvette le 2 octobre 2022 en clôture du festival Vo/Vf.

Pour en savoir plus sur les ouvrages traduits sélectionnés : https://www.festivalvo-vf.com/prix-de-la-traduction-inalco-vo-vf-2022-sept-ouvrages-en-lice/.

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Publié le Mardi 12 Juillet 2022, 18:53.


— un panorama de la poésie francophone contemporaine —
Cette anthologie du Printemps des poètes 2022 rassemble plus de cent auteurs francophones contemporains autour du thème de l'éphémère.

108 poètes contemporains se côtoient et proposent des textes pour la plupart inédits. Le plus jeune a 20 ans à peine, le plus âgé était bientôt centenaire. Tous partagent notre quotidien. Sur le thème de l'éphémère, leurs écrits sont d'une diversité et d'une richesse étonnantes. Ils offrent un large panorama de la poésie de notre époque.

Adonis - Akhenaton - Gabrielle Althen - Arthur H - Anna Ayanoglou - Olivier Barbarant - Linda Maria Baros - Stéphane Bataillon - Rim Battal - Clémentine Beauvais - Tahar Ben Jelloun - Gérard Berréby - Zéno Bianu - Alexandre Bonnet - Terrile - Alain Borer - Nicole Brossard - Tom Buron - Sébastien Cagnoli - Cali - Laure Cambau - Éric Cantona - Gérard Cartier - Constance Chlore - Thierry Clermont - William Cliff - Lulla Clowski - Murielle Compère-Demarcy - François De Cornière - Cécile Coulon - CharlÉlie Couture - Seyhmus Dagtekin - Francis Dannemark - Jacques Darras - Marie Darrieussecq - Séverine Daucourt - Christophe Dauphin - Patrice Delbourg - Samuel Deshayes - Cyril Dion - Ariane Dreyfus - Étienne Faure - Michèle Finck - Albane Gellé - Guy Goffette - Pierre Guénard - Cécile Guivarch - Cécile A. Holdban - Philippe Jaccottet - Maud Joiret - Jacques Josse - Gil Jouanard - Jacques Jouet - Charles Juliet - Kent - Vénus Khoury-Ghata - Claire Krähenbühl - Abdellatif Laâbi - Werner Lambersy - Hélène Lanscotte - Mélanie Leblanc - Yvon Le Men - Hervé Le Tellier - Lola Levent - Sandra Lillo - Sophie Loizeau - Guillaume Marie - Odile Massé - Marie-Christine Masset - Matthieu Messagier - Marie Modiano - Thomas Morales - Gérard Mordillat - Emmanuel Moses - Anne Mulpas - Éric Naulleau - Arthur Navellou - Marie Nimier - Bernard Noël - Ange Oho Bambe - Marc Alexandre Oho Bambe - Michel Onfray - Serge Pey - Éric Poindron - Jean Portante - Suzanne Rault-Balet - Clara Regy - Florentine Rey - Cécile Riou - Jean Rouaud - Jacques Roubaud - Valérie Rouzeau - James Sacré - Florence Saint-Roch - Éric Sarner - Jean-Pierre Siméon - Jean-Luc Steinmetz - Maud Thiria - Andrea Thominot - Milène Tournier - Florence Trocmé - Émilie Turmel - Gorguine Valougeorgis - Laurence Veilleux - André Velter - Laurence Vielle - Thomas Vinau - Pierre Vinclair - Zogo Awondza

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Publié le Dimanche 5 Juin 2022, 08:13.


— de Petra Rautiainen —
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Publié le Mardi 8 Mars 2022, 10:25.


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